Au fait, au fait !!! Interprétation de l’idée démocratique/11

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XI.


Arrivés à ce point d’affranchissement, nous sommes maîtres chez nous ; nul n’est plus haut que tous ; nul n’est en dehors du droit commun ; la souveraineté nationale est dès-lors un fait, et le suffrage universel a une signification démocratique.

Au lieu d’avoir le droit niais et puéril, de choisir nos maîtres, comme cela vient de nous êtes permis, nous choisirons des délégués qui, à leur tour, au lieu de s’inspirer du droit administratif, comme cela se fait à l’heure où j’écris, s’inspireront du droit national, dont la définition sera précisée par les faits.

De là sortira une administration simple, et, par conséquent, compréhensible ; vraie, et, par conséquent, juste. Le programme de l’accession des Français à tous les emplois cessera d’être un mensonge grossier, un leurre inique, dont la turpitude est démontrée par l’impuissance même des études spéciales à former des hommes capables de débrouiller le mécanisme d’une seule section de l’administration formidable qui nous régit.

Et, nos libertés une fois sauves, l’administration une fois simplifiée, le Gouvernement une fois dépouillé de ses moyens d’agression, mettez à sa tête un Français ; que ce Français s’appelle Cavaignac, Proudhon, d’Orléans, Bonaparte, Bourbon ; c’est à quoi j’attache vraiment une fort médiocre importance. Pourvu qu’ils soient dans l’impossibilité d’usurper ma maîtrise, pourvu qu’ils soient dans l’impossibilité de manquer à leurs devoirs envers moi, les gens d’office ne me semblent point mériter une attention sérieuse : le nom de ceux qui me servent m’importe peu. S’ils agissent mal, je les punis ; s’ils agissent bien, ils n’ont fait que leur devoir ; je ne leur dois rien que ce qui est coté à l’émargement.

Ce que je dis du nom, je le dis aussi du titre. Que le chef d’une administration démocratique s’appelle président, roi, empereur, satrape, sultan ; qu’il soit monsieur, citoyen ou majesté, peu m’importe ! Quand la nation est réellement souveraine, je suis sûr d’une chose, c’est que le chef de l’État, quelque soit d’ailleurs son nom, ne peut jamais être que le premier serviteur de la nation, et cela me suffit ; car, dès qu’il est établi, en fait, qu’un fonctionnaire public, salarié par le peuple, n’est rien que le serviteur du peuple, je sais que le peuple restera couvert sur le passage du fonctionnaire, qui se découvrira, lui, devant le peuple qui le paie, duquel il vit, auquel il doit ses services, et qui, par conséquent, est son maître. Cela connu, plus d’indécision dans la cité : le droit public est défini, la nation est reine et le fonctionnaire n’est plus qu’un membre hiérarchique et rétribué d’une domesticité politique qui doit tout à tous, et à laquelle nul ne doit personnellement rien !

Si la démocratie est le renversement du régime indigne des bureaux ;

Si la démocratie est la consécration de la dignité du citoyen ;

Si la démocratie est le néant de l’ambition et de ses crimes, en même temps que la source du désintéressement et de ses vertus ;

Si la démocratie est le gouvernement du peuple, le gouvernement de soi par soi-même ;

Si la démocratie n’est que le règne pur et simple et non pas la tyrannie de l’administration ;

Il me semble que je suis dans la question.