Au couchant de la monarchie
Revue des Deux Mondes6e période, tome 12 (p. 525-558).
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AU
COUCHANT DE LA MONARCHIE[1]

XIII.[2]
L’APOGÉE DE NECKER — LES PREMIERS ASSAUTS CONTRE LUI


I

La nomination de Ségur, dans les conditions qu’on a vues, était cruellement mortifiante pour l’orgueil de Maurepas. « Il a confié à quelqu’un qui me l’a redit, écrit le baron de Besenval, que cet ordre avait été le coup de poignard le plus sensible qu’il eût reçu de sa vie, et je le conçois. » Pour la première fois, en effet, Louis XVI agissait publiquement contre le vœu de son vieux conseiller, se dérobait d’une manière ostensible à sa jalouse tutelle, et le retentissement de l’acte ajoutait à l’humiliation. Il est établi que Maurepas, pendant les journées qui suivirent, songea vraiment à la retraite. Il écrivit au Roi qu’il le priait avec instance, « puisque ses soins n’étaient plus jugés utiles, de trouver bon qu’il se retirât à Pontchartrain, et que, dans cette campagne, il lui fût permis de soigner sa santé et d’achever tranquillement ses jours. » Il partit, en effet, pour sa chère résidence ; il fallut, pour l’en arracher, les instances affectueuses du Roi, auxquelles, par complaisance, se joignit Marie-Antoinette. Il se laissa enfin faire violence, et répondit en déclarant que « les bontés actuelles de Leurs Majestés le dédommageaient amplement de cette méprise qui lui avait fait croire qu’il n’était plus digne de leur confiance. » Il se résignait donc à demeurer en place, en répétant sa formule favorite, « qu’on pouvait faire l’essai des talens de M. de Ségur, qu’il le soutiendrait de son mieux par respect pour le choix du Roi et la protection de la Reine. » Mais, en reprenant le harnais, il n’abdiquait pas sa rancune. Quelqu’un l’interrogeant sur le compte des nouveaux ministres : « Ne me demandez pas, disait-il, s’ils sont à mon gré. A mon âge, on ne cherche pas à faire de nouvelles connaissances[3]. »

A Versailles, à Paris, l’émotion restait vive. On remarquait, dit un contemporain, « une fermentation affreuse à la Cour, » et la « double révolution » accomplie en quelques semaines y suscitait l’attente des plus grands événemens[4]. On voulait, à toute force, y voir à la fois plus et mieux qu’un simple changement de ministres, mais une orientation nouvelle, la promesse d’un régime meilleur, la fermeté succédant à l’incohérence, l’économie au gaspillage, le sérieux à la légèreté. des gazetiers flétrissaient, en se voilant la face, la singulière frivolité de ceux qui présidaient naguère aux destinées françaises, et l’on rappelait avec scandale certain bal costumé, donné naguère en pleine guerre d’Amérique, où Maurepas, presque octogénaire, avait figuré Cupidon, où Sartine était en Neptune, où Vergennes, en Mappemonde, étalait sur son cœur la carte des Etats-Unis et sur son dos la carte d’Angleterre. On découvrait dans ces enfantillages le symbole d’un monde Unissant. On ne revenait plus ces choses. Ainsi, une fois de plus depuis l’essor du nouveau règne, du besoin de salut naissait une espérance.

Maurepas restait sans doute le chef du Cabinet, mais seulement, pensait-on, pour la parade et sans action réelle. La direction effective du royaume échappait à ses faibles mains. Le « sceptre » qu’il tenait encore n’était plus qu’ « un hochet pour amuser sa vieille enfance. » Qui recueillerait son héritage ? A qui passerait l’autorité vacante ? Un nom était sur toutes les lèvres, celui de Marie-Antoinette. L’entrée de Ségur aux affaires, bien plus encore que celle de Castries, était son œuvre propre, le signe et la consécration de sa prépondérance. On n’imaginait pas qu’elle pût s’arrêter là, sans pousser plus loin sa victoire. « C’était M. Necker, remarque le duc de Croy, qui avait renvoyé M. de Sartine et fait nommer M. de Castries à sa place ; mais ce fut la Reine qui l’emporta sur M. de Maurepas et qui fit nommer M. de Ségur. Alors, on ne douta plus qu’elle n’influât principalement sur le choix des ministres et des grandes charges. Tout courut à elle et à sa société[5]. » C’est le langage de la Cour ; voici l’impression populaire : « On assurait, dit le libraire Hardy, que la Reine acquérait de jour en jour un nouvel empire sur l’esprit du Roi, son auguste époux, qu’elle avait non seulement désigné, mais nommé elle-même le marquis de Ségur secrétaire d’Etat au département de la Guerre, d’où l’on inférait tout naturellement qu’elle ne manquerait pas d’influer encore dans le changement des autres ministres[6]. » Ecoutons, pour finir, ce que dit l’abbé de Véri, écho des cercles politiques : « Le choix de M. de Ségur a été dicté par la Reine, contre l’idée de M. de Maurepas. Il va donc être décidé, dans l’esprit de toute l’Europe, que M. de Maurepas n’a plus le crédit principal et que la Reine sera la volonté dominante… La Reine acquiert ainsi dans le gouvernement une influence qu’aucun roi de France n’a jamais laissé prendre à sa femme. Si l’enfant qu’elle porte dans son sein est un dauphin, la voilà consolidée pour un terme très long… Elle a d’ailleurs réfléchi d’elle-même qu’elle aurait intérêt à conserver Maurepas, parce que, sous son ombre, elle prendra sur son mari et sur les affaires un ascendant progressif, qui deviendra par le temps supérieur à tout[7]. »


Telle est bien, comme on voit, l’opinion générale. Mais l’un des hommes qui ont le mieux connu, le plus exactement jugé le caractère et la nature intime de Marie-Antoinette, le comte de Mercy-Argenteau, démêle bien, dès ce jour, quel usage elle fera de cette indéniable puissance. Un mois après la chute de Montbarey, il écrit à l’empereur Joseph[8] : « L’ascendant que la Reine a gagné sur l’esprit du Roi est tel, qu’elle pourrait tout effectuer, même en matière d’Etat, si elle en avait la volonté. Mais je ne puis cacher à Votre Majesté que cette auguste princesse a jusqu’à présent une répugnance si marquée pour toute affaire sérieuse, qu’elle n’y donne que très momentanément l’attention nécessaire. Ses alentours favoris abusent à leur profit de son crédit ; mais, quand il s’agit de choses qui la touchent immédiatement, la Reine devient incertaine, craintive dans ses démarches, et finit par tomber dans l’inaction. » L’histoire de tout ce qui va suivre est résumée d’avance en ces quelques phrases de Mercy. La Reine, après avoir triomphé de Maurepas et conquis de haute lutte « le premier crédit dans l’Etat, » n’utilisera guère son pouvoir que pour des objets secondaires. On la croirait indifférente à tout ce qui devrait pourtant l’intéresser plus que personne, puisque, déjà femme du souverain, elle va devenir prochainement mère du dauphin, de l’héritier du trône[9]. Presque jamais, dans la période où nous entrons, on ne la voit intervenir dans les occasions importantes. Par légèreté, par nonchalance, elle laisse Maurepas reconquérir son influence perdue, saper dans le conseil du Roi les hommes dont elle reste l’alliée, dont elle apprécie les services, dont, avec un léger effort, elle pourrait défendre la cause. Le jour du renvoi de Necker, elle pleurera de bonne foi le départ du ministre, mais elle n’aura rien fait pour empêcher sa chute.

En revanche, elle ne s’épargne pas, quand il s’agit de satisfaire sa société particulière. Plaire à son entourage est l’unique but de son activité, et, comme cet entourage est généralement fort avide, elle use sa force à procurer des faveurs et des grâces. « Elle se mêlait, dit le comte de Saint-Priest[10], de toutes les nominations. Les places de colonel, les ambassades, les charges de Cour et les emplois de finance, tout était de son ressort. Sa facilité déplacée à s’intéresser à ceux qui lui demandaient sa protection venait assurément d’un fond naturel d’obligeance, quoique peut-être mélangé du plaisir d’étaler son pouvoir… On imagine aisément le petit nombre de gens reconnaissans parmi ceux qui étaient promus, le nombre plus grand des ingrats et l’infinité des mécontens. Rien ne lui a valu plus de haines, et l’on ne peut nier ses torts à cet égard. » De ces « torts » elle convenait d’ailleurs avec franchise, en s’excusant de sa « facilité » sur le malaise qu’elle éprouvait à voir des mines boudeuses et des visages maussades. « J’aime qu’on ne me quitte jamais mécontent, » confessera-t-elle au jeune comte de Ségur. Il faut reconnaître, toutefois, que, lorsqu’elle rencontrait une opposition un peu ferme, elle se rendait sans grande difficulté aux bonnes raisons qu’on lui donnait. « Dès qu’on avait le courage de lui résister, un alléguant le bien de l’Etat, reprend le même Saint-Priest dont j’ai cité le sévère témoignage, elle cessait d’insister. » Mais ce courage, qui l’avait auprès d’elle ? Des instincts bons et généreux, aucune volonté personnelle pour les mettre en usage, aucune direction extérieure pour suppléer à cette insuffisance, c’est toute la vie de Marie-Antoinette et le secret de son malheur.

Un autre contre-coup des événemens récens est le revirement qui s’opère en faveur du duc de Choiseul. Huit jours après la nomination de Ségur, le duc s’établit à Versailles, où il tient « un (Hat splendide, » où toute une petite cour gravite autour de lui. La Reine le reçoit fréquemment, recherche sa conversation d’une manière ostensible. Le Roi lui-même est presque désarmé. A l’un des « grands couverts » qui suivent l’arrivée du duc à la Cour, Louis XVI, pour la première fois de sa vie, lui fait un accueil fort gracieux, lui donne place « derrière son fauteuil, » lui adresse, de bonne grâce, la parole à plusieurs reprises[11]. Quelques semaines plus tard, Ségur, en constituant ce Conseil de la guerre qui fut une des innovations heureuses de son long ministère[12], y fait entrer des hommes tenus de longue date à l’écart : « Il le peuple, écrit un gazetier, des anciens amis de Choiseul. » Tous ces faits, remarqués, commentés à la Cour, font augurer que la rentrée aux affaires de l’ancien ministre est une des éventualités que tient en réserve l’avenir. Aussi déjà Choiseul voit-il voler vers lui des dévouemens et des hommages dont, depuis de nombreuses années, il avait perdu l’habitude.


Toutes les causes qui précèdent paraissaient concourir à l’affermissement de Necker. Bien vu de Marie-Antoinette et de sa « société, » soutenu par le parti Choiseul, il a maintenant, dans le Conseil, des auxiliaires fidèles et sûrs. Louis XVI lui rend justice et l’encourage hautement par des témoignages de confiance. A la séance du Comité tenue le 3 février 1781, le directeur s’étant plaint de quelques attaques dirigées contre lui par des diffamateurs obscurs, le Roi, dit-on, lui réplique en ces termes : « Monsieur Necker, je suis charmé d’apprendre que vous avez des ennemis et que vous êtes jalousé ; vous le seriez moins, si vous aviez moins de mérite. Au surplus, tous les propos qu’on tient sur votre compte, loin d’affaiblir mes sentimens pour vous, ne font que redoubler mon estime et mon amitié. » Malgré certains précédens trop connus, bien faits pour inspirer des doutes sur la solidité de ceux auxquels Louis XVI donnait de pareilles assurances, le public voulait voir dans ces propos flatteurs un gage de force et de durée. Jamais ministre, disait-on, n’avait été « si fortement ancré » dans la faveur du Roi[13].

D’ailleurs, des faits confirmaient ces paroles. Comme les lois toujours en vigueur rendaient bien difficile l’entrée d’un protestant dans le « Conseil d’Etat, » Louis XVI, vers cette époque, nommait un « Comité secret, » qu’il présidait lui-même et qui, trois fois par semaine, délibérait sur les plus importantes affaires. Necker en était membre, ainsi que Maurepas et Vergennes, et la fréquence des réunions le décidait, contre son habitude, à quitter l’hôtel du contrôle général, à Paris, pour s’installer quelque temps à Versailles.

A cet appui du Roi s’ajoutait le solide soutien de l’opinion publique. La popularité du directeur général des finances allait croissant sans cesse, gagnait toutes les classes du royaume, s’étendait dans tous les milieux, des grands seigneurs les plus fameux aux plus humbles bourgeois, et des philosophes aux évêques. Elle rayonnait aussi hors des frontières de France. Sur un bruit ridicule qui avait un moment couru, — Necker, assurait-on, avait « fait scandale » à Versailles, en se montrant « en bottes fortes » au château, — la Grande Catherine mandait à Grimm : « Pauvres gens ! Les gens non bottés ne peuvent souffrir ceux qui sont trop fermes sur leurs pieds, trop constamment d’aplomb, trop forts et trop pleins de raison ! » Marie-Thérèse et Joseph II, écrivant à Mercy, parlent d’un ton d’admiration du « génie » de Necker, envient au roi de France un si « merveilleux serviteur. »


II

Et cependant, malgré cette quasi unanimité, malgré l’indéniable sincérité de ces jugemens flatteurs, une situation si brillante n’est guère, en réalité, qu’une façade, et ces fleurs couvrent bien des pièges. C’est à cette heure même, en effet, que, parmi le fracas des louanges, il se forme une « cabale » puissante, dont le but direct et précis est le renversement de Necker, une ligue occulte, dont l’action sera bientôt sensible. Le chef en est Maurepas, excité, poussé par sa femme. Le vieil « embaucheur de ministres, » comme l’appelle un contemporain, ne pouvait prendre son parti de ces deux récens portefeuilles arrachés, puis donnés, sans lui. Surtout la chute de Montbarey, coup droit porté à Mme de Maurepas, irritant la bile du ménage, avait délivré le Mentor de ses derniers scrupules. Longtemps, tout en contrecarrant la plupart des vues politiques du directeur général des finances, il avait cru devoir le ménager, par nécessité financière et, pour ainsi dire, malgré lui. Necker parti, se disait-il, où trouverait-on l’argent pour combler les vides du Trésor et continuer la guerre ? Mais cet honorable souci cède désormais devant l’âpre soif de vengeance. Ne pouvant s’en prendre à la Reine, tout son ressentiment se tourne vers Necker. Du jour où fut signée la nomination de Ségur, la chute du directeur fut résolue dans le cœur de Maurepas.

Pour l’aider dans son entreprise, ce dernier rencontrait, dans le sein même du Cabinet, un précieux auxiliaire en la personne de son collègue des Affaires étrangères. Presque du premier jour, Vergennes avait ressenti pour Necker un éloignement instinctif, qui s’était changé graduellement en antipathie violente. « Il était, écrit Soulavie[14], le plus dangereux adversaire de M. Necker, parce qu’il était le plus réservé et qu’il était dans le Conseil le plus zélé partisan du despotisme. » Tous les faits confirment ce dire. Honnête et de sens droit, timoré par nature, absolu par principe, respectueux à l’excès des traditions anciennes, ennemi né des innovations, avant tout homme d’ancien régime, Vergennes ne pouvait voir dans le directeur général qu’un brouillon et un agité, un dangereux révolutionnaire. La « qualité de protestant, » comme il disait dans un mémoire au Roi, choquait sa dévotion étroite, de même que « l’État d’étranger » blessait son patriotisme exclusif. De plus, son humeur ombrageuse supportait avec impatience le contrôle que Necker prétendait exercer sur les comptes de tous ses collègues. Il se croyait d’ailleurs des capacités financières. Après la retraite de Necker et la mort de Maurepas, il arrachera de la faiblesse du Roi l’institution d’un comité, dont il sera le chef, chargé de surveiller la gestion des autres ministres, de décider sur toutes dépenses nouvelles, et voudra s’arroger ainsi la direction suprême du Trésor de l’Etat[15].

Enfin, depuis deux ans, une divergence de vues, sur un point essentiel, achevait d’aigrir les rapports des deux hommes. Necker, obligé avant tout de subvenir aux frais écrasans de la guerre, poursuivi par l’idée que les réformations urgentes rencontraient de ce fait un obstacle invincible, appelait ardemment de ses vœux le retour de la paix. Ce désir l’obsédait, au point de se départir quelquefois de la réserve à laquelle l’obligeait sa situation officielle. Bientôt, dans un document destiné à la publicité, après avoir énuméré une série de réformes qu’il juge indispensables, il laissera échapper ces lignes remplies d’amertume : « L’exécution de ces projets, qui promettaient tant, aurait été facile, si les dépenses inévitables de la guerre n’avaient pas dévoré tant d’économies et d’améliorations ; c’est là, continuellement, la réflexion que je fais. Il n’y a aucune conquête, aucune alliance, qui puisse avoir autant de valeur pour Votre Majesté que les avantages qu’Elle pourra tirer un jour du développement de ses propres forces[16] ! »

Ainsi condamne-t-il publiquement la politique guerrière, ainsi pousse-t-il sans cesse le Roi à une rapide conclusion de la paix. Rien ne blessait, rien n’irritait Vergennes comme ce pacifisme impatient, comme cette ingérence passionnée, « indiscrète » à ses yeux, dans un domaine qui lui appartenait en propre. Lui aussi, disait-il, désirait la fin de la guerre, mais non pas à tout prix et seulement après la victoire. Dans les séances des Comités, cette question provoquait des discussions constantes et des scènes aigres-douces, après lesquelles Vergennes soulageait sa colère en exprimant, avec une étrange liberté, fût-ce parfois en présence du corps diplomatique, sa méprisante antipathie pour le directeur général[17]. S’il s’oubliait ainsi devant des étrangers, on imagine de quels termes il se servait lorsqu’il causait avec Maurepas. Il ne cessait d’attiser ses rancunes, d’aviver son dépit, au sujet des visées secrètes, des prétentions ambitieuses de Necker. Il montrait ce dernier usurpant peu à peu les fonctions de premier ministre, cherchant, en quelque sorte, à exercer la « dictature « dans les conseils du Roi, ou encore à organiser, selon l’expression de Hardy, une manière de triumvirat dont il serait le chef, avec pour acolytes MM. de Castries et de Ségur[18]. Il trouvait là chez le Mentor un terrain trop bien préparé. L’union formée contre Necker entre ses deux collègues, — les deux plus influens, les plus solidement investis de la confiance royale, — constituait un péril dont l’évidence aurait dû lui ouvrir les yeux.


Les deux frères de Louis XVI, chacun à sa manière et suivant sa tournure d’esprit, n’étaient pas moins hostiles au ministre réformateur. Le Comte d’Artois, pour faire sa cour à Marie-Antoinette, avait bien, il est vrai, lors de la crise récente, pris parti contre Montbarey, le protégé de Mme de Maurepas, mais ce n’était, de sa part, qu’une passade. Le chiffre énorme et croissant de ses dettes, — dont Mercy, quelques mois plus tard, évalue le total à vingt et un millions[19], — faisait de ce dissipateur l’adversaire naturel du probe et vigoureux comptable qu’il trouvait toujours sur sa route dans ses appels constans à la bourse du Roi. D’ailleurs, Necker avait dû, à plus d’une reprise, sévir contre la bande d’agioteurs et d’aigrefins qui foisonnaient parmi les familiers du prince, et ceux-ci s’en vengeaient en excitant leur « patron » contre lui. Dans ce concert de plaintes intéressées, son surintendant des finances, le sieur Radix de Sainte-Foix, dont on lira prochainement l’aventure, se distinguait, pour cause, d’une manière toute spéciale. Ces « criailleries » portaient leurs fruits. La main du Comte d’Artois se retrouvera dans la misérable manœuvre qui sera l’occasion de la chute de Necker.

Quant au Comte de Provence, son animosité contre le directeur avait une origine précise. Au mois d’avril 1779, son intendant, Cromot du Bourg, ex-agent de l’abbé Terray, réclamait, au nom de son maître, le remboursement intégral d’une somme d’un million de livres environ, qu’il prétendait rester due à Monsieur sur la succession paternelle. Une lettre de Cromot, d’un ton presque comminatoire, sommait l’administrateur des finances de faire droit à cette exigence. La réponse de Necker à cette tardive réclamation est dédaigneuse, hautaine. Après avoir rejeté la demande comme entièrement injustifiée, il remarque combien il est « extraordinaire » qu’ayant attendu tant d’années dans un complet silence, l’intendant du prince ait choisi, pour faire valoir cette prétention, « le moment même où les finances sont accablées du poids d’une guerre infiniment dispendieuse, » et il termine par cette phrase assez dure : « Comme le Roi ne trouve pas mauvais que vous fassiez valoir les droits de Monsieur selon vos lumières, j’espère que Son Altesse Royale ne désapprouvera pas que je discute les intérêts de Sa Majesté selon ma conscience[20]. »

Ni Monsieur, ni Cromot n’étaient des gens à digérer une si verte leçon. L’année d’après, paraissait un libelle où le directeur général était pris à partie avec une odieuse perfidie, toutes ses opérations tournées en ridicule, sa vie même et son caractère diffamés sans vergogne. On en cherchait vainement l’auteur, quand, un certain soir de septembre, dans un café de la capitale, le sieur Cromot, entendant « un particulier » faire l’éloge de cette pièce, avait, comme dit Hardy, « la faiblesse ou l’amour-propre de s’en avouer le rédacteur. » Sur quoi, rapport fait à Necker, plainte adressée par ce dernier, perquisition opérée chez Cromot, à la suite de laquelle on découvrait le brouillon du libelle entièrement écrit de sa main, et ordre du Roi à Monsieur de se priver désormais des services de ce trop zélé fonctionnaire[21]. Le prince, de mauvaise grâce, déférait à cette injonction ; mais il ruminait sa vengeance et la préparait patiemment. Elle sera bien digne de lui, habile, sournoise, empoisonnée.


III

Ainsi, malgré la solidité apparente du « restaurateur des finances » et les racines profondes jetées dans l’opinion, de gros nuages, chargés de menaces, s’assemblaient sur les cimes, et des souffles couraient dans l’air, annonçant la prochaine rafale. Les symptômes précurseurs furent une avalanche de pamphlets, dont celui de Cromot semble avoir fourni le modèle. Le nombre en fut si grand, qu’on put, cette même année, en choisissant seulement les plus notoires et les mieux rédigés, en emplir trois volumes, qui les ont transmis jusqu’à nous[22]. Les mémoires, les gazettes et les correspondances du temps en mentionnent encore beaucoup d’autres, — comme l’Anti-charlatan, publié en anglais, comme le Dialogue entre Mme Necker, M. de Lessart et le marquis de Pezai, — qui firent plus ou moins de bruit dans le monde. Certains de ces morceaux sont habilement tournés, rédigés avec art ; il en est d’autres, plus nombreux, qui sont d’une plate et grossière malveillance. On y dénonce « l’incapacité » de Necker ; on l’y attaque sur sa naissance, sur ses manières, sur son charlatanisme. On l’y compare souvent à Law ; l’une des brochures présente un assez ingénieux et adroit parallèle entre les procédés des deux financiers étrangers et leur prédit une fin semblable. Dans quelques pièces, plus venimeuses encore, on met sa probité en doute. Sa femme même n’est pas épargnée, et les railleries abondent sur ses prétentions littéraires et son prétendu « pédantisme. »

Que Maurepas, tout en protestant hautement de son indignation, ait toléré sous main, même encouragé cette campagne, il est difficile d’en douter. Mieux encore, il parait certain qu’il en a plus d’une fois inspiré les auteurs. Deux des pièces les plus répandues étaient l’œuvre d’Augeard, alter ego du vieux ministre et confident de ses rancunes contre le directeur. D’ailleurs, Augeard, dans ses Mémoires, laisse échapper à ce propos des aveux significatifs : « Je partageais bien véritablement, dit-il, les peines de M. de Maurepas. Je lui offris mes services, en le priant de ne jamais me nommer ni me compromettre. Je l’engageai à faire de petites notes de tout ce que dirait M. Necker, et, comme j’étais obligé d’aller deux fois par semaine à Versailles pour ma charge, je lui disais, avec toute la franchise possible, ce que je pensais sur les différentes besognes, projets et propositions de ce jongleur[23]. » Quelques personnes bien informées soupçonnaient bien cette complicité du Mentor. Plus d’une lettre de cette époque exprime la désapprobation que suscitaient parmi les âmes élevées ces fâcheux procédés. « M. Necker, écrit le chevalier de Pujol, est persécuté par ses ennemis et ses envieux. Celui qui devrait le défendre et engager le Roi à faire taire les malintentionnés donne le ton sur cet objet… Je hais M. de Maurepas comme la peste ! »

Toute cette guerre clandestine affectait plus qu’il n’eût fallu le directeur général des finances. Son orgueil chatouilleux souffrait de ces piqûres journellement renouvelées ; il s’en plaignait avec amertume à sa femme, que le spectacle de sa peine mettait « au désespoir. » Aussi s’avisa-t-elle d’en écrire à Maurepas, à l’insu de Necker, qui l’en eût sans doute détournée[24]. Elle le priait avec instance d’user de son autorité, d’arrêter les attaques, de sévir, au besoin, contre les pamphlétaires. Dictée par le zèle le plus louable, cette lettre n’en était pas moins une lourde maladresse. Mme de Staël la juge ainsi : « Cette fausse démarche, écrit-elle, en apprenant à M. de Maurepas combien M. et Mme Necker étaient sensibles à tout ce qui pouvait leur ôter la faveur de l’opinion publique, lui fit connaître quel était le plus sûr moyen de les blesser[25]. » Effectivement, on remarqua dès lors une recrudescence de libelles, une audace redoublée de la part des diffamateurs.

Ce qu’on remarque encore, c’est un complet revirement d’humeur chez Maurepas. Abattu, comme découragé, dans les semaines qui suivent la dernière crise ministérielle, il se relève maintenant, reprend son enjouement et sa belle insouciance. « Ecrasé de goutte, dit Croy, il se soutient toujours gaiement, et le Roi le ménage fort. » Il le prend aussi de plus haut avec le directeur général des finances, s’applique, dans leurs fréquens conflits, à lui faire sentir son pouvoir et sa suprématie. A la suite d’une de ces querelles, Necker lui ayant dit que, si les choses devaient ainsi durer, « il commanderait des chevaux de poste pour s’en retourner à Genève, » le Mentor répliquait, d’un ton mi-sérieux, mi-goguenard, « qu’on n’en donnait aux étrangers qui avaient manié les finances que sur un ordre exprès du Roi. »

Un trait curieux, rapporté par Augeard, souligne d’une manière frappante cette confiance reconquise, ce renouveau de jactance chez Maurepas. Les premiers jours de février 1781, le comte communique à Augeard un manuscrit confidentiel soumis à son approbation par le directeur général et lui demande d’en dire son sentiment : « Si vous faites bien, répond Augeard après avoir parcouru le morceau, vous ne laisserez jamais paraître cet ouvrage-là ; il est horriblement dangereux… Prenez garde, ajoute-t-il, cet homme s’aperçoit que vous le négligez, depuis le renvoi de Sartine. Il se forme un grand parti dans le royaume, composé des protestans, des banquiers et des académiciens de toute espèce. » À ces mots, où il voit un doute sur l’étendue de sa puissance, Maurepas, piqué, se lève, regarde la pendule, et d’un ton péremptoire : « 17 est sept heures et demie du soir. Si je voulais que cet homme-là fût à dix heures à la Bastille, et qu’il n’y fût pas, j’irais coucher à Pontchartrain. Voilà comme je suis premier ministre[26] ! »


IV

Le 19 du même mois, l’ouvrage soumis, comme on a vu, à l’examen d’Augeard était livré à la publicité, et l’effet produit était tel, que Maurepas retombait dans ses perplexités. Car le manuscrit en question n’était rien moins que le brouillon du fameux Compte rendu, l’acte le plus retentissant de la carrière politique de Necker, l’ouvrage le plus répandu, le plus lu, le plus amèrement critiqué, le plus ardemment glorifié, le plus universellement discuté par les contemporains, l’ouvrage dont la lecture inspirera à Buffon cette phrase dithyrambique : « Par cet écrit en lettres d’or, je vois M. Necker, non seulement comme un génie, mais comme un dieu tutélaire, amant de l’humanité, qui se fait adorer à mesure qu’il se découvre[27]. »

Cette émotion, si vive qu’elle soit, n’est pas injustifiée, et ce n’est pas exagérer que de traiter le Compte rendu comme un événement capital, presque une révolution dans les mœurs politiques. Le secret des finances était, sous l’ancienne monarchie, une espèce de dogme tacite, auquel personne, pas même Turgot dans son bref passage aux affaires, n’avait encore osé toucher. D’après les usages établis, le contrôle général dressait annuellement, pour le Roi, un état, plus ou moins complet, où étaient évalués en bloc les dépenses et les revenus prévus pour l’exercice courant, puis, à la fin de chaque année, un autre compte des sommes perçues et des sommes dépensées. Parfois, comme dit Necker, « lorsque l’on voulait emprunter, » on indiquait, dans le préambule de l’édit, quelques chiffres sommaires et approximatifs, soi-disant destinés à fournir aux prêteurs un aperçu de la situation financière. Mais le public, dans la réalité, ignorait tout sur les comptes généraux, et les subsides fournis par la nation pour assurer son existence étaient employés, peut-on dire, au milieu des ténèbres. C’est grâce à cette méthode que, peu à peu, en France, s’était formée l’idée que le souverain était, non pas dépositaire, mais bien propriétaire légal de tout l’argent versé par ses sujets. Sous le règne même de Louis XVI, un courtisan avait pu dire, pour excuser certaines prodigalités excessives, qu’ « un homme qui a 477 millions de rente avait bien droit à quelques fantaisies. » Il se trouvait des hommes d’Etat pour ériger ces procédés en doctrine nationale et en glorifier leur pays. Voici ce qu’écrira Vergennes dans une note adressée au Roi : « L’exemple de l’Angleterre, qui publie ses comptes, est pris chez un peuple inquiet, calculateur, égoïste. Son application à la France est une injure faite au caractère national, qui est sentimental, confiant et tout dévoué à ses rois[28]. »

Devant un tel état d’esprit, exposer tout au long et à tous les regards, dans un document officiel, mis en vente pour une somme modique, l’état des finances du royaume, le fonctionnement, le rendement des impôts, l’usage que l’on comptait en faire, dévoiler en même temps les erremens du passé, les prévisions pour le lendemain, une pareille confession, faite avec l’autorisation royale, pouvait passer, selon les idées de chacun, pour un chef-d’œuvre de loyale franchise, ou pour un affreux sacrilège, dans tous les cas, pour un acte extraordinaire. C’est pourtant ce qu’osa Necker, en publiant, le 19 février 1781, son Compte rendu au Roi, volume de 116 pages in-4o, vendu chez le libraire Panckoucke, pour le prix d’un écu, au profit, disaient les gazettes, « des œuvres de Madame Necker. »

Le directeur général des finances, en risquant ce coup audacieux, était guidé par des mobiles divers, dont on connaît les uns et dont on peut conjecturer les autres. Le but avoué était d’éclairer la nation sur ses propres ressources, de lui montrer que, malgré l’apparence, elle se trouvait dans une situation prospère, puisque, pour l’exercice en cours, le budget se soldait par un excédent important, de relever par ce moyen la confiance des prêteurs, d’asseoir enfin sur la publicité, pour le présent et pour l’avenir, le crédit de l’Etat. « Je ne sais pas, déclarait nettement l’auteur, si une semblable institution, devenue permanente, ne serait pas la source des plus grands avantages. L’obligation de mettre au grand jour toute son administration influerait sur les premiers pas que fait un ministre des Finances dans la carrière qu’il doit parcourir. Les ténèbres de l’obscurité favorisent la nonchalance ; la publicité, au contraire, ne peut devenir un honneur qu’autant qu’on a senti toute l’importance de ses devoirs et qu’on s’est efforcé de les remplir… Enfin, et c’est une considération digne du plus sérieux examen, une telle institution pourrait avoir la plus grande influence sur la confiance publique, car cette conduite simple et franche multiplierait les moyens du souverain et le défendrait à jamais de toute espèce d’injustice. »

Par une arrière-pensée aisément transparente, Necker se flattait également d’intimider, de décourager l’Angleterre, en lui prouvant, chi tires en main, que les finances françaises étaient sensiblement plus solides que les siennes, que nous pouvions, sans nous obérer dangereusement, poursuivre encore longtemps la guerre. Il pensait travailler ainsi au rétablissement de la paix. Il est non moins certain que, dans l’espérance de Necker, l’exposé méthodique de tous les progrès accomplis depuis son avènement, de toutes les réformes projetées, de tout le bien fait et à faire, en regard des abus anciens et des erreurs de ses prédécesseurs, affermirait sa situation personnelle, consoliderait sa popularité et assurerait la durée de son œuvre. Dans une époque où l’opinion était devenue une puissance, mettre l’opinion dans son jeu lui parut un coup de partie. Dans la plupart de ces calculs, il ne se trompait qu’à demi.


V

De ce vaste exposé, la première partie, certainement, était la plus heureuse. Necker y expliquait, avec une rare lucidité, le mécanisme compliqué de l’administration fiscale. Il projetait la lumière sur les innombrables canaux destinés à drainer l’or des particuliers pour l’amener dans les caisses publiques. Il introduisait ses lecteurs dans le dédale, jusqu’alors mystérieux, des modes de perception et des diverses taxes. La taille, la dime, la capitation, la gabelle, cessèrent d’être, aux regards de la plupart des Français de ce temps, d’obscures et effrayantes machines, dont on sentait les coups sans en savoir le fonctionnement et sans en discerner les rouages. Somme toute, Necker, en ces pages substantielles, faisait l’éducation financière du pays.

Mais ses révélations ne s’arrêtaient pas là. L’argent ainsi perçu, il prétendait encore en indiquer l’emploi, sans rien dissimuler des vices et des abus, et là commençait le péril. Pour la première fois, en effet, on apprenait, par une voie authentique et de source certaine, le chiffre vraiment scandaleux des pensions et des grâces, de toutes les sommes plus ou moins extorquées à la faiblesse des rois par la cupidité des grands. Certains passages de ce chapitre sont moins d’un homme d’Etat que d’un moraliste sévère, ressemblent plus à un réquisitoire qu’à un rapport ministériel. « Acquisitions de charges, y lit-on, projets de mariage et d’éducation, pertes imprévues, espérances avortées, tous ces événemens étaient devenus une occasion de recourir à la munificence du souverain ; on eût dit que le trésor royal devait tout concilier, tout aplanir, tout réparer… Les intérêts dans les fermes, dans les régies, dans beaucoup de places de finance, dans les marchés de toute espèce, et jusque dans les fournitures d’hôpital, tout était bon… L’obscurité prévenait la réclamation publique, et l’apparence d’une convenance réciproque délivrait du joug de la reconnaissance. »

Après avoir montré le mal, l’auteur indiquait le remède, énumérait tout ce qu’il avait fait et tout ce qu’il considérait comme demeurant à faire. Il expliquait en quoi sa gestion différait de celle de ses prédécesseurs, en quoi surtout elle l’emportait sur ce qu’on faisait avant lui. Toute cette partie de son travail respire un contentement de soi qui peut provoquer le sourire. Necker s’y décerne à lui-même, ainsi qu’à son épouse, des louanges, très méritées sans doute, mais que l’on préférerait ne pas rencontrer sous sa plume. « Il chantait si bien son éloge, reconnaîtra l’un de ses plus chauds partisans, que l’on a dit qu’il avait publié d’avance son oraison funèbre[29]. » Ainsi parle Croy ; mais, après la critique, il présente aussitôt l’excuse : « Au reste, il ne tirait rien du Roi, et c’était là son vrai salaire mérité. » C’est ce qu’allègue aussi le chevalier de Pujol[30] : « Quant à moi, pourvu que la vérité y soit, je lui pardonne son égoïsme, et j’approuve fort l’éloge qu’il fait de sa femme. Il lui est bien permis de se vanter, quand il ne fait point payer d’aussi grands services, qu’une haine si opiniâtre s’efforce à décrier. »

Dans une dernière partie, et presque en appendice, se trouve comme rejeté ce qui est cependant le point essentiel du mémoire, ce qui en est, du moins, la justification et la vraie raison d’être, c’est-à-dire le compte détaillé des recettes et dépenses prévues pour l’année commençante, c’est-à-dire pour l’année 1781. Necker y évalue le total des recettes à 264 millions, le total des dépenses à 254 millions, d’où il résulte un excédent de 10 millions de livres. Présentée de la sorte, après le déficit laissé par les ministres précédens, après deux ans d’une guerre maritime fort coûteuse, la situation paraissait merveilleusement brillante. Le directeur lui-même y insistait avec orgueil : « Il n’est pas présomptueux de ma part de donner à Votre Majesté l’assurance qu’il n’y a certainement aucun souverain en Europe qui puisse montrer un pareil rapport entre ses recettes et ses dépenses ordinaires, et, en particulier, il s’en faut de beaucoup que l’état financier de l’Angleterre puisse soutenir la comparaison. »

Il faut rabattre quelque chose de ce satisfecit, et force est bien de constater que dans ce chapitre final est le point faible de l’ouvrage, l’endroit par où Necker donne le plus de prise aux critiques. Sans doute, pour qui lit avec attention, indique-t-il loyalement que ces excellens résultats sont ceux de l’année « ordinaire, » et cette réserve exclut, pour tout homme averti, d’une part, les frais « extraordinaires » nécessités par la guerre d’Amérique, et, d’autre part, les ressources exceptionnelles et les expédiens temporaires, tels que les « anticipations. » — On entendait par là le produit des sommes empruntées aux fermiers généraux sur le produit futur des contributions ultérieures, et ce produit montait à 155 millions. — Ce correctif à ses calculs, Necker, je le répète, ne le dissimule pas, mais il néglige d’y insister ; il ne fait l’aveu qu’en passant, d’une manière presque détournée. De fait, presque tout le monde s’y trompa. D’où le reproche d’« escamotage » qui lui fut plus tard adressé par ses contradicteurs. Quand on vint au fait et au prendre, pour l’exercice de 1781 les recettes effectuées s’élevèrent à 436 millions et les dépenses à 526 millions, ce qui occasionna un déficit de 90 millions. Même pour le budget ordinaire, les chiffres de Necker ne sont pas entièrement exacts, ce qui s’explique, du reste, par ce fait qu’il s’agissait alors de simples prévisions et que les sommes inscrites dans le rapport, au début de l’année courante, n’étaient encore ni perçues ni utilisées. Le seul tort de Necker fut de présenter l’hypothèse pour la réalité et de donner ainsi à la multitude ignorante une impression trop optimiste, dont il fallut vite déchanter.

Le Compte rendu se terminait par quelques phrases émues, où le directeur général faisait un retour sur lui-même, affirmait, d’un ton solennel, ses honnêtes intentions et se rendait le témoignage de n’avoir cherché que le bien : « Je n’ai sacrifié ni au crédit, ni à la puissance, et j’ai dédaigné les jouissances de la vanité. J’ai renoncé même à la plus douce des satisfactions privées, celle de servir mes amis ou d’obtenir la reconnaissance de ceux qui m’entourent… Si quelqu’un doit à ma simple faveur une place ou un emploi, qu’on le nomme ! Je n’ai vu que mon devoir. » Aussi était-ce avec confiance qu’il déclarait s’en remettre aujourd’hui à l’opinion de ses contemporains, comme au jugement de la postérité : « Je l’avoue aussi, j’ai compté fièrement sur cette opinion publique, que les méchans cherchent en vain d’arrêter ou de créer, mais que, malgré leurs efforts, la justice et la vérité entraînent après elles. »


VI

Rien ne peut exprimer la sensation extraordinaire produite par cet ouvrage et l’enthousiasme prodigieux qu’il déchaîna dans toutes les classes de la nation. Le jour de la publication, l’étroite rue du Buttoir, qui était la demeure de l’éditeur Panckoucke[31], fut envahie par une multitude de curieux, se disputant les exemplaires fraîchement sortis des presses. Avant le soir, il s’en vendit 6 000. Le succès se ralentit peu dans les journées suivantes. On estime le tirage total à 100 000 exemplaires, chiffre jusqu’alors inconnu[32]. Panckoucke, dit-on, fit du coup une petite fortune. Après avoir fait les délices des hommes d’Etat, des banquiers et des gens du monde, la « prodigieuse » brochure se répandit dans les masses populaires. Elle circula dans les faubourgs des villes, dans les cabarets des villages. On la lut à la fois dans les plus élégans boudoirs et dans les plus humbles chaumières. L’admiration fut égale dans tous les milieux. « Les citoyens vrais patriotes, constate le Journal de Hardy, regardaient cet ouvrage comme très propre à déconcerter les faiseurs de libelles et les frondeurs de profession. » Les chiffres de Necker, presque universellement acceptés comme exacts, ranimaient les cœurs abattus, faisaient envisager l’avenir avec plus d’assurance. Même impression et même succès à l’étranger qu’en France. Le volume, aussitôt paru, était traduit dans toutes les langues. Le duc de Richmond, pour sa part, en achetait 6 000 exemplaires, qu’il répandait sur le territoire britannique[33].

Au point de vue pratique et immédiat, l’effet du Compte rendu fut bien celui qu’en attendait Necker. Tous les prêteurs d’argent furent comme subitement emportés par un grand élan de confiance. Les particuliers, les banquiers, se ruèrent vers les caisses de l’Etat, pour y jeter, les uns le fruit de leur épargne, les autres leurs fonds disponibles. Un emprunt, nouvellement émis, de 70 millions attira au Trésor royal des versemens pour la somme de 108 millions. L’Europe suivit le même mouvement et crut au crédit de la France. « Cet ouvrage, connu dans les pays étrangers, dit le chevalier de Pujol[34], portera un coup sensible à l’Angleterre, si, comme on le dit, les Hollandais en retirent leurs fonds. » Et le nouvelliste Métra renchérit en ces termes : « S’il est vrai, comme le pense toute l’Europe, que les grandes querelles nationales ne sont plus que des guerres d’argent, les Anglais ne doivent pas tarder à s’avouer vaincus. D’habiles ministres valent bien, en ce siècle, d’habiles généraux pour remporter des victoires[35]. » A consulter les faits aussi bien que les témoignages, il est donc difficile de nier que le coup de Necker n’ait très efficacement servi l’intérêt national.

Quant au renom personnel de l’auteur et à sa popularité, il faut, pour s’en représenter le progrès foudroyant, feuilleter, aux archives de Coppet, l’énorme liasse de lettres qui affluèrent alors à l’hôtel du Contrôle, pour louer, pour remercier Necker, bénir son nom et le porter aux nues. C’est le maréchal de Mouchy qui complimente « le ministre éclairé qui a fait, en quatre ans, ce qui illustrerait une longue vie. » C’est Marmontel qui, le visage inondé de larmes heureuses et poussant des « cris de délire, » divague d’admiration, se sent, dit-il, « devenir fou » dans l’excès de son allégresse. C’est l’évêque de Mirepoix qui regarde Necker « comme placé sur un rocher immense, contre lequel tous les flots de la mer viennent se briser[36]. » Le Journal de Hardy signale, dans la bourgeoisie parisienne, une pareille poussée d’enthousiasme. Bref, pour cette « opinion publique, » à laquelle il attache une valeur peut-être excessive, Necker est, de ce jour, selon l’expression de Véri, « un héros de finance. »

Ce tracas, comme on pense, n’était pas pour plaire à Maurepas. Sans parler de sa jalousie, il pouvait avoir, à vrai dire, des raisons personnelles d’être peu satisfait. En ce long exposé de l’administration fiscale dans le cours des dernières années, Necker, soit oubli, soit vengeance, n’avait pas une seule fois prononcé le nom du Mentor, du « principal ministre, » du « chef du Conseil des finances. » Celui-ci se montrait fort blessé de cette omission. Il ne pouvait, toutefois, blâmer ouvertement l’ouvrage, ayant été consulté pour la forme, ayant même, comme j’ai dit, lu le manuscrit à l’avance, et ayant consenti, encore qu’à contrecœur, à sa publication[37]. Mais, à défaut d’attaques formelles, il se livrait, du moins, à sa verve gouailleuse. Quand on lui demandait ce qu’il pensait du Compte rendu : « Je le trouve, disait-il, aussi vrai que modeste ! » Le ton et le regard soulignaient l’intention. Ou bien, par allusion à la nuance azurée de la couverture du volume, il le surnommait le Compte bleu. Le mot faisait fortune, donnait naissance à une brochure intitulée La réponse au Compte bleu, où bien des gens assuraient reconnaître l’inspiration directe et le tour d’esprit de Maurepas. D’autres pamphlets jaillissaient coup sur coup, où les allégations, les chiffres de Necker, étaient discutés, épluchés, où l’on raillait sa suffisance, ses prétentions à l’infaillibilité, jusqu’à sa tendresse conjugale. Certains reproches avaient plus de portée. Dans un article du Mercure, le directeur est nettement accusé « de faire tous ses efforts pour transformer le roi de France en chef d’une république bien dirigée, » ce qui, comme observe un contemporain, « passait alors pour une imputation atroce[38]. »

Au fond, toute cette guerre d’épigrammes était de peu d’effet, et ces traits, plus ou moins piquans, ne traversaient pas la cuirasse. Necker lui-même, tout chatouilleux qu’il fût, était alors trop enivré d’encens pour ne point négliger ces mesquines représailles[39]. Ce que voyant, ses adversaires se résolurent à changer de méthode et à laisser les menues flèches pour recourir à la massue.


VII

Le 20 avril 1781, une « émotion extraordinaire, » qui ne fit que s’accroître pendant les jours suivans, éclatait soudainement au sein du Parlement de Paris. Dans toutes les « chambres de justice, » on ne voyait que magistrats assemblés en conciliabules, discutant et gesticulant avec animation. Les têtes étaient montées, les esprits exaltés. Dans plusieurs groupes, on entendait des propos inquiétans : les uns parlaient de réclamer la convocation immédiate « des princes et des pairs du royaume ; » d’autres rappelaient les temps héroïques de Maupeou, et se déclaraient prêts, plutôt que de céder, à subir un exil nouveau. Bref, comme écrit le chevalier de Pujol, « le feu était aux quatre coins du Palais. » Dans tous les entretiens revenait le nom de Necker, accablé de malédictions et chargé d’anathèmes[40] .

La cause de cette effervescence était certaine brochure qu’avaient reçue, le matin même, « six des membres les plus influens du Parlement de Paris, » parmi lesquels le premier président d’Aligre et le conseiller d’Eprémesnil, ennemis acharnés de Necker, et qui, les jours d’après, fut distribuée, par une main inconnue, aux deux cents magistrats. Cette brochure renfermait un assez long Mémoire au Roi sur les assemblées provinciales, que quelques personnes, au début, croyaient avoir été rédigé par Pezai, mais que l’on sut bientôt être tout entier de la plume du directeur général des finances. Ce Mémoire, disait-on, ne tendait à rien moins qu’à réduire tous les Parlemens à « la simple fonction de juges, » en leur enlevant celle de dépositaires et vérificateurs des lois, à leur ravir, par conséquent, leur prérogative essentielle. Et chacun frémissait à découvrir, ainsi publiquement dévoilées, « les vues criminelles de cet étranger, convaincu de calomnier la magistrature tout entière, d’inspirer à un jeune prince une mauvaise opinion des principaux Ordres de l’État et d’entreprendre l’entier bouleversement de la monarchie[41]. »

Presque dans le même temps, paraissait une seconde brochure, intitulée Lettre d’un bon Français, une brochure bientôt répandue dans toutes les parties du public, qui reproduisait des passages du Mémoire de Necker, en faisait une critique fort vive, en montrait le danger et surexcitait perfidement les passions déjà déchaînées. L’une et l’autre publication avaient d’ailleurs une commune origine, et, en remontant à la source, on arrivait au premier prince du sang, à l’un des frères du Roi, à M. le Comte de Provence.

Pour bien comprendre cette étrange histoire, il faut jeter un regard en arrière, car le Mémoire incriminé, — et qui est l’honneur de Necker, — quand il fut ainsi publié, avait quatre ans de date. Il avait été rédigé au mois de février 1778, dans les conditions qu’on va lire.


Presque dès le début de son arrivée aux affaires, Necker avait été frappé des graves inconvéniens que présentaient, en de nombreuses provinces, l’omnipotence des intendans, toujours interposée entre les citoyens et le pouvoir central, et par suite l’impuissance où étaient les sujets du Roi à faire parvenir jusqu’au trône l’expression de leurs vœux, de leurs besoins ou de leurs plaintes. Cette organisation était d’ailleurs une nouveauté dans la vieille monarchie française. Jusqu’à l’époque de Richelieu, toutes les provinces étaient administrées par des « États » particuliers, essentiellement chargés de voter les contributions et de les répartir. Depuis Louis XIII seulement, — sauf dans quelques « pays d’Etats » qui conservèrent leurs anciens privilèges et continuèrent à délibérer sur l’impôt sous la tutelle des intendans, — la nation presque entière fut livrée sans défense à l’arbitraire des fonctionnaires royaux. Trente et une « généralités, » que régissaient trente et un intendans, subissaient à la muette une tyrannie administrative et fiscale, plus ou moins rigoureuse, plus ou moins lourde à supporter, selon l’humeur de l’homme qui exerçait cette autorité sans appel. Ce système, fertile en abus, avait été combattu, de tous temps, par de libres esprits. Fénelon, dans son « Plan de réformes » écrit pour le Duc de Bourgogne, proposait le rétablissement des Liais dans toutes les provinces et il terminait ce chapitre en s’écriant : « Plus d’intendans ! » Quelques années plus tard, le marquis d’Argenson, effrayé, lui aussi, des maux causés par une centralisation excessive, préconisait le même remède. Il comparait la France à une gigantesque araignée : « Grosse tête et bras maigres, » disait-il en sa langue imagée. Tout récemment, enfin, le marquis de Mirabeau avait soutenu des idées analogues avec sa verve débridée. Vers la fin du XVIIIe siècle, cette réforme, à vrai dire, était partout dans l’air.

Turgot, tout le premier, s’était préoccupé de cette question brûlante. Au moment de sa chute, il était, — on peut s’en souvenir[42], — en train d’élaborer un vaste projet de refoule des institutions du royaume, qui comportait, d’abord dans chaque paroisse, dans chaque province ensuite, suivant un ordre savamment gradué, certaines assemblées électives, dont la fonction serait d’organiser l’impôt. Il plaçait au sommet, et pour couronner l’édifice, ce qu’il appelait « la Grande Municipalité, » c’est-à-dire une espèce d’assemblée nationale sans attributions politiques. C’est cette partie de son programme qui avait surtout excité les appréhensions de Louis XVI, qui l’avait fait, comme il disait lui-même, « se roidir contre cette nouveauté. » C’était à ce propos qu’en marge du mémoire présenté par le contrôleur il inscrivait cette espèce de protestation : « Il ne faut pas être fort savant, pour juger que le présent mémoire est fait pour établir en France une nouvelle forme de gouvernement et pour décrier les institutions anciennes, que l’auteur suppose être l’ouvrage de siècles d’ignorance et de barbarie[43]. » Les sentimens ainsi exprimés par Louis XVI avaient été l’une des causes primordiales du brusque renvoi de Turgot.

En face de ces récens souvenirs, il fallait à Necker une belle dose de courage pour reprendre, deux ans plus tard, bien que sous une tout autre forme, des idées analogues et pour réclamer, à son tour, l’institution d’ « assemblées provinciales, » qui, placées près de l’intendant, lui faisant équilibre, surveilleraient les travaux publics, répartiraient les taxes et présenteraient des vœux dans l’intérêt local ou général. Mais, plus habile et plus politique que Turgot, il se gardait de proposer en bloc une transformation radicale de l’administration française. Il se bornait à demander que l’on fit, dans quelques provinces, un essai provisoire du système qu’il imaginait. Ainsi, expliquait-il au Roi, « les personnes qui désirent cette nouvelle forme d’administration y applaudiront comme à un premier pas qui peut conduire à une amélioration générale. Ceux, au contraire, qui craignent toute espèce de changement et respectent jusqu’aux plus grands abus quand ils sont anciens, approuveront l’esprit de sagesse de Votre Majesté, qui l’aurait engagée à ne faire qu’un essai[44]. »

De plus, les assemblées qui serviraient à l’expérience seraient, non électives, comme le voulait Turgot, mais nommées par le Roi pour un tiers de leur effectif, les autres membres étant désignés par l’assemblée elle-même. Sur les quarante-huit membres dont se composerait l’assemblée, douze seraient pris dans la noblesse, douze autres dans le clergé, vingt-quatre dans le tiers-étal. Ils « délibéreraient en commun, » et le vote aurait lieu « par tête, » et non « par Ordre. C’était trancher, dix années à l’avance, le grand débat de 1789, et Necker, sur ce point, est réellement un précurseur. La présidence de ce groupement, qui ne serait, au bout du compte, qu’une « commission de propriétaires, » appartiendrait de droit à l’archevêque ou à l’évêque de la région. Cet hommage à l’Eglise romaine, de la part d’une âme protestante, était une adroite précaution, qui semblait propre à désarmer des oppositions redoutables.


Une fois de plus, on peut saisir ici la profonde divergence d’esprit qui sépare Necker de Turgot. Je n’entends pas seulement par là la tactique circonspecte et mesurée de l’homme d’affaires comparée à la marche impitoyablement logique du théoricien homme d’Etat. La différence est plus profonde. Les deux systèmes, voisins en apparence, procèdent, dans la réalité, de deux conceptions opposées. Turgot, partisan déclaré du pouvoir absolu, en instituant son nouvel organisme, prétend donner à l’intendant, représentant du Roi, un guide et un allié pour l’aider dans sa tâche. Necker cherche, au contraire, à le contenir et à le diminuer. Le premier envisage une collaboration ; le second souhaite un contrôle et un frein, et, en dressant auprès de l’intendant une grande puissance rivale, un corps composé de notables, de riches propriétaires et de hauts personnages, il a pour objectif de lui enlever une part de son autorité. Bref, tandis que Turgot, fidèle à ses principes, renforce le pouvoir central, Necker, logique avec les siens, poursuit un but de décentralisation. L’exposé des motifs ne laisse sur ce point aucun doute.

Ce n’est pas la seule dissemblance. Necker, lorsqu’il assigne à la vieille aristocratie une belle place dans ses assemblées, cherche à lui restituer par là un peu de l’influence perdue, à l’intéresser, comme jadis, à l’administration locale, à rendre à la noblesse quelque chose de ce rôle qui fut longtemps sa raison d’être. Rien, comme on sait, ne peut être plus éloigné des intentions du démocrate Turgot, comme rien ne peut le choquer davantage, dans ses idées philosophiques, que la présidence conférée à un dignitaire de l’Eglise. A étudier dans ses détails le projet de Necker, on comprend cette parole attribuée à Turgot : « Cela ressemble à mes municipalités, comme un moulin à vent ressemble à la lune ! »

Ce qu’il faut admettre pourtant, comme une vérité supérieure et d’une portée plus large, c’est que tous deux, par des moyens divers et avec des vues opposées, ne pouvaient manquer d’aboutir à un résultat identique, qui était d’exciter parmi les citoyens l’espoir et le désir d’administrer eux-mêmes, avec moins de frais et de charges, les affaires du pays. « Par ces mesures prudentes et silencieuses, comme l’observe un contemporain[45], la France passait de la royauté absolue à une situation indécise et préparatoire, où s’affaiblissaient les ressorts de l’autorité royale. » A la suite de ces expériences, suivies d’un plein succès, des provinces, jusqu’alors inertes, s’éveilleront à la vie publique, s’accoutumeront à penser et à agir d’elles-mêmes, contribueront ainsi, pour une part importante, au mouvement général de réorganisation qui sera, lors de ses débuts, « l’œuvre réellement bienfaisante de la Révolution française[46]. » Elles prépareront la voie aux réformes profondes, et bientôt il ne manquera plus, pour donner l’impulsion suprême, que d’instituer auprès du Roi « une assemblée centrale de délibération, » celle qui portera dans l’histoire le nom d’Assemblée Nationale. Du jour où Louis XVI accepta, à si petite dose que ce fût, le remède ingénieux inventé par Necker, la monarchie devint « un État mixte, » et la Révolution ne fut plus qu’une question de temps.

Louis XVI, d’ailleurs, ne voyait pas si loin. C’est presque sans hésitation, malgré les objections qu’y fit tout d’abord son Conseil, qu’il donna son assentiment au projet qui lui fut soumis et qu’il en permit l’expérience, d’abord dans le Berri, puis dans le Dauphiné, et peu après dans la généralité de Montauban[47]. Les résultats furent jugés excellens, si bien que, le 19 mars 1780, une nouvelle ordonnance établissait une quatrième assemblée provinciale, qui devrait siéger à Moulins et régirait le Bourbonnais, la Marche et le Nivernais. Au point de cette étude où nous sommes arrivés, l’affaire était encore pendante et l’ordonnance n’avait pas reçu force de loi. L’intendant de Moulins, le sieur Guéant de Réverseaux, résistait de tout son pouvoir, et le parlement de Paris opposait mille difficultés à l’enregistrement. Vaincre et réduire ces mauvaises volontés était, à l’heure présente, un des pressans soucis du directeur général des finances.


VIII

Le mémoire où Necker avait développé les idées que j’ai résumées tout à l’heure avait été remis au Roi par son auteur en février 1778. Ecrit uniquement pour Louis XVI et strictement confidentiel, il renfermait certains passages où Necker s’était exprimé avec la liberté permise dans un entretien tête à tête. Il s’y trouvait notamment des critiques fort vives contre les intendans : « A peine, disait Necker, peut-on donner le nom d’administration à cette volonté arbitraire d’un seul homme, qui, tantôt présent, tantôt absent, tantôt instruit, tantôt incapable, doit régir les parties les plus importantes de l’ordre public, qui ne considère sa place que comme un échelon à son ambition et un lieu de passage… » Et il montrait les intendans « plus impatiens de venir à Paris qu’occupés de faire leur devoir, » et laissant souvent la besogne à des commis, à des subdélégués, « timides devant les puissans et arrogans envers les faibles. »

Mais l’endroit le plus incisif, le plus dangereux aussi, de ce curieux mémoire était celui où le directeur général démontrait l’avantage qui résulterait pour le Roi, en cas grave et urgent, et lorsqu’il s’agirait d’obtenir sans retard des subsides extraordinaires, d’avoir affaire à ses assemblées provinciales, plutôt qu’aux parlemens, toujours chicaneurs ou rétifs. Il rappelait avec force « le désir continuel, commun à tous les parlemens, de se mêler de l’administration. » — « Ils s’y prennent, ajoutait-il, comme tous les corps qui veulent acquérir du pouvoir, en parlant au nom du peuple et en se disant les défenseurs des droits de la nation, et l’on ne doit pas douter que, bien qu’ils ne soient forts, ni par l’instruction, ni par l’amour pur du bien de l’Etat, ils se mettront en avant dans toutes les occasions, aussi longtemps qu’ils se croiront appuyés de l’opinion publique. Il faut donc, ou leur ôter cet appui, ou se préparer à des combats répétés, qui troubleront la tranquillité du règne de Votre Majesté et conduiront successivement ou à la dégradation de l’autorité, ou à des partis extrêmes dont on ne peut pas mesurer au juste les conséquences. L’unique moyen de prévenir ces secousses et d’attacher essentiellement les parlemens aux fonctions honorables et tranquilles de la magistrature, c’est de soustraire à leurs regards constans les grands objets de l’administration. » Huit ans à peine après les batailles de Maupeou et au lendemain des luttes où avait succombé Turgot, ces considérations étaient certes bien propres à faire impression sur Louis XVI. Aussi contribuèrent-elles, dit-on, dans une large mesure, à entraîner en faveur du projet présenté par Necker l’adhésion du jeune prince, qui, précisément en ce temps, à propos de quelque incartade de la magistrature, murmurait presque malgré lui : « Je vois bien que M. de Maupeou n’avait pas autant de tort qu’on a voulu me le faire entendre[48] ! »

Ces vérités, toutefois, si évidentes et si utiles qu’elles fussent, n’étaient pas bonnes à crier sur les toits, et le directeur général s’en rendait compte mieux que personne. Tout en laissant courir sa plume, avec l’idée très arrêtée qu’il n’écrivait que pour le Roi, il avait pris ses précautions pour éviter les indiscrétions périlleuses. Le mémoire, en effet, était demeuré manuscrit et copié à deux exemplaires. L’une des copies avait été remise au Roi, qui, après lecture faite, l’avait « serrée dans sa cassette, » et l’autre était restée dans les mains de l’auteur. Necker se croyait donc à l’abri des divulgations, et il comptait, non sans raison, « sur un secret inviolable. » On se représente sa surprise et son émotion indignée, quand, après quatre ans de silence, il apprit soudainement la publication de son œuvre, la distribution faite au sein du Parlement. Sa première pensée fut qu’on avait forcé ses tiroirs ; mais, vérification faite, il vit qu’il n’en était rien. Maurepas, auquel il se plaignit, « lui fit entendre que le coup partait sans doute de quelque commis infidèle[49]. » Cette vague explication paraissait suffire au Mentor ; elle ne satisfait pas Necker, qui poussa plus loin ses recherches. Ce qu’il apprit lui livra la clé du mystère. Nous en sommes également instruits. Le comte de Mercy-Argenteau, dans une note adressée, un mois plus tard, au prince de Kaunitz[50], a raconté les détails de cette trahison, et son rapport est confirmé par d’autres témoignages, non moins formels et non moins accablans.


Voici comment se reconstitue cette histoire. Quelques jours après la remise du manuscrit au Roi, celui-ci, oubliant vraisemblablement ses promesses, en avait dit un mot à son frère, le Comte de Provence, et Monsieur, rencontrant Necker sur l’entrefaite, l’avait prié avec instance de lui communiquer « son magnifique mémoire. » Le directeur n’osa pas refuser de faire connaître ses idées au premier prince du sang, à celui qui, comme dit Mercy, était, à cette époque, « l’héritier présomptif du trône. » Il vint donc lui lire son travail, seul à seul. Il eut bien soin, d’ailleurs, de remporter le manuscrit et fit jurer au prince de garder le silence sur cette lecture confidentielle. Mais, au mépris de la parole donnée, le comte de Provence, peu après, en entretenait Cromot, son surintendant des finances. L’affaire semblait devoir en rester là, lorsque éclataient, trois ans plus tard, entre Necker d’une part, Cromot et son maître de l’autre, les démêlés dont j’ai fait plus haut le récit. Cromot, à ce moment, se ressouvint, fort à propos, « de la confidence de son maître. » Il entrevit un bon moyen de « perdre » ou de compromettre gravement le directeur général des finances, de le brouiller, dans tous les cas, avec la haute magistrature. Entre Monsieur et lui, tous deux altérés de vengeance, s’ourdit un plan perfide, un plan savamment machiné et qui réussit à merveille.

Le prince, un beau malin, reparlait à Necker, avec de grands éloges, du mémoire qui l’avait si fortement frappé et insistait pour qu’il le lui confiât, l’espace de quelques jours, pour le revoir et le méditer à loisir. Le directeur, sans acquiescer à ce vœu, chargeait « l’un de ses confidens, » M. de Lessart, d’aller chez le Comte de Provence et de « lui lire lui-même » les parties principales de l’œuvre. A l’heure dite, le sieur de Lessart se rendait chez le prince, son rouleau sous le bras. Monsieur lui faisait dire alors qu’il se trouvait « trop occupé pour lui donner audience, » et qu’il n’avait qu’à laisser le mémoire, lequel, sans faute, serait retourné aussitôt. Lessart, simple employé, crut devoir obéir. Il se dessaisit de l’ouvrage. Monsieur l’avait à peine reçu, qu’il le transmettait à Cromot, et l’intendant, avec célérité, en faisait prendre une copie intégrale par des gens à ses gages. Le mémoire, quelques heures plus tard, rentrait au contrôle général, sans que Necker, autant qu’il y parait, eût connu l’imprudence commise. Mais la copie restait aux mains de ceux qui, à l’heure opportune, se réservaient d’en faire usage. On devine aisément la suite, et il est superflu d’insister davantage sur l’origine de la publication qui, peu de mois après, faisait si grand tapage.

La vérité, d’ailleurs, transpira rapidement dans le monde de la Cour. Huit jours après la divulgation du mémoire, on lit dans un billet du chevalier de Pujol[51]ces lignes significatives : « Il a été envoyé à Mme la duchesse de Gramont deux exemplaires de cet ouvrage, d’une si belle impression, que l’on se croirait assuré qu’elle est de l’Imprimerie Royale, si l’on ne savait que celle de Monsieur ne le cède pas à celle-là pour la beauté des caractères. »


Réserve faite sur les moyens, on ne peut qu’admirer l’adresse et l’ingéniosité du coup. Il eût fallu longtemps chercher avant de rien trouver qui fût plus propre à émouvoir les susceptibilités de la magistrature, et c’était la frapper au point le plus sensible. Depuis la destruction de l’œuvre de Maupeou, les parlemens se persuadaient, tous les jours davantage, que leur rôle politique était le principal, leur rôle judiciaire l’accessoire, qu’ils étaient faits pour remplir une mission d’arbitres entre la royauté, encline au despotisme, et la nation, avide de liberté, que, — comme dans un arrêt, le parlement de Rennes l’avait publiquement déclaré, — leur « objet » était, avant tout, « de juger l’équité, l’utilité des lois nouvelles, » d’exercer « une juridiction souveraine et de police générale sur toutes les actions et sur toutes les personnes[52]. » Avec de telles dispositions, le mémoire de Necker et les principes qu’il proclamait leur parurent une cruelle insulte et un criminel attentat. Ils y virent l’intention avouée de retirer aux cours souveraines, pour les transmettre aux assemblées tout récemment créées, leur prérogative essentielle, le droit de vérifier et d’enregistrer les édits, soumis par la coutume séculaire du royaume à l’examen du parlement. Ils y virent même le noir dessein de leur ravir le droit de « remontrance, » qui leur tenait encore plus étroitement au cœur.

J’ai dit quelle violente tempête suivit cette découverte. D’Eprémesnil, en pleine audience, s’écriait publiquement : « Quel est cet aventurier, quel est ce charlatan, qui ose mesurer le patriotisme de la magistrature française, qui ose la supposer tiède dans ses affections civiques et la dénoncer au jeune Roi ! » Dans une réunion de magistrats, il fut sérieusement proposé, si le directeur général demeurait au pouvoir, que le parlement refusât, comme sous le ministère Maupeou, de rendre la justice, « ce qui, écrit Hardy, semblait, surtout en temps de guerre, une perspective effrayante et que, pour cette raison, ou ne pouvait envisager sans ressentir une patriotique émotion[53]. »

Le corps des intendans n’était pas moins furieux. L’un d’entre eux, Sénac de Meilhan, allait trouver Maurepas et fulminait contre Necker. Le Mentor ripostait sur le mode persifleur. « Et s’il vous demandait, interrogeai ! Sénac, la permission de faire couper la tête aux intendans ? — Peut-être, répliquait Maurepas avec sang-froid, le lui permettrions-nous, si cela devait nous rapporter quelques millions[54]. » Ce ton, ces ironies, étaient peu faits pour calmer les esprits.

Necker s’est toujours défendu, — et on doit le croire sur parole, — d’avoir nourri contre les magistrats les desseins menai-ans qui lui furent attribués. Quelques semaines après sa chute, il protestait encore contre une telle interprétation. « Il n’est jamais entré dans mon esprit, écrivait-il à son ami Devaulx[55], qu’il put être du bien de l’Etat, ni même favorable à l’autorité, que les parlemens fussent privés des droits dont ils jouissent, et entre autres de celui de faire des remontrances. On a tiré du mémoire que j’ai lu au Roi en 1778 des conséquences absolument contraires à mes intentions… Ceux qui ont adressé ce mémoire au parlement de Paris savaient bien qu’une fausse opinion se prendrait sur quelques paroles et qu’ils feraient l’effet qu’ils se proposaient. Il n’y a pas d’exemple d’un procédé plus infâme ! »


IX

Que pouvaient, au surplus, les plus éloquens démentis devant le tolle furibond et le mouvement d’indignation qui, du sein de la capitale, se propagèrent bientôt parmi toutes les cours de province ? Le parlement de Paris se chargea d’exercer les premières représailles. Il se hâta de mettre en délibération l’édit établissant une assemblée provinciale dans le Bourbonnais, et vota tout d’une voix, presque sans discussion, le refus d’enregistrement. Après cette manifestation, il fut convenu qu’on enverrait des remontrances au Roi, pour réclamer la suppression de l’injurieux mémoire.

Louis XVI, informé du projet, trouva, pour y parer, un semblant de vigueur. Le premier président d’Aligre fut mandé à Marly. En entrant dans la pièce où se trouvait le Roi, la première chose qu’il vit fut le souverain qui, « dans l’embrasure d’une fenêtre, » causait familièrement avec le directeur, « en lui tenant la main appuyée sur l’épaule. » Il parut bien à tous que ce tableau touchant était prémédité. Entre le Roi et le ministre, l’entretien dura trois quarts d’heure. Quand Necker se fut retiré, le Roi appela le premier président : « J’ai appris, lui dit-il, que l’on devait délibérer au Parlement sur un mémoire que M. Necker m’a présenté. Je voudrais qu’il n’en fût pas question, et je vous exhorte à l’empêcher. — Sire, je ne le pourrai à la rigueur, mais je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir. — En ce cas, reprenait le Roi, je vous ordonne de lever le siège et de rompre la séance, dès qu’on voudra parler. Je vous l’ordonne ; je ne veux pas que mon Parlement se mêle, en aucune manière, des affaires de l’administration. Vous pouvez vous retirer[56]. »

Louis XVI, après cette petite scène, déclarait à haute voix que, « si le Parlement voulait lui causer autant d’ennuis qu’il avait fait à son aïeul, il le casserait comme verre. » C’était une phrase qu’il affectionnait spécialement, mais qui, trop souvent répétée et trop rarement suivie d’effet, ne produisait peut-être pas toute l’impression qu’on en pouvait attendre. Cependant, à la suite de cette vive admonestation, le parlement parut « se tenir coi. » C’est que, malgré toutes les fanfaronnades, la leçon de Maupeou portait encore ses fruits. « Ces messieurs, comme dit un gazetier, avaient pu reconnaître alors, par une dure expérience, que l’on pouvait se passer d’eux sans que le royaume en souffrit. » Ce fut assez pour les maintenir « dans les bornes de la prudence et de la modération ; » mais la lutte engagée contre le directeur, pour être moins bruyante, n’en l’ut pas moins active et n’en fut que plus redoutable. Ceux qui savaient le fond des choses craignirent, de ce moment, que le dernier mot ne restât à la magistrature, car, écrit un contemporain, « les parlemens ne pardonnent jamais, et l’on n’a pas d’exemple qu’un ministre en guerre avec eux ait pu faire davantage que se débattre pendant quelque temps[57]. »

Le sursaut d’énergie du Roi fut, effectivement, sans lendemain. Vainement, les jours suivans, Necker demanda-t-il, comme sanction des paroles royales, des « lettres de jussion, » pour obliger le parlement d’enregistrer l’édit, et la destitution de l’intendant du Bourbonnais, dont la résistance insolente était intolérable. Il rencontra, sur l’un et l’autre point, non un refus formel, mais une nonchalante inertie dont il ne put pas triompher. Chose plus forte, il n’obtint même pas qu’on ouvrit une information pour rechercher l’auteur de la Lettre d’un bon Français, qui n’était qu’un tissu de diffamations et d’insultes, ainsi qu’on en jugera par cet échantillon : « Après avoir commencé comme Law, voudriez-vous finir comme Cromwell ? Monsieur Necker, si j’avais choisi Genève, votre patrie, pour mon domicile, et que j’eusse employé mon esprit et mes loisirs à y semer la discorde, à y ménager une révolution qui en changerait le nom et la forme, je vous le demande, monsieur Necker, à quelle autre peine qu’à la mort le tribunal des Deux-Cents pourrait-il me condamner ? Ignorez-vous que, dans les anciennes républiques, où la vertu mâle et féroce maintenait l’austère constitution, le citoyen le plus vertueux était réputé celui qui poignardait l’artisan de la tyrannie ? »

Cette brochure « vraiment séditieuse, » comme dit Hardy dans son Journal, cet appel à l’assassinat, que l’on croirait écrit par un membre futur du club des Jacobins, ce factum sanguinaire enfin, fut tiré, assure-t-on, à six mille exemplaires et répandu partout par des mains inconnues. Dans certains riches hôtels du faubourg Saint-Germain, il en fut déposé des « ballots » véritables ; les femmes, en montant en carrosse, trouvaient des exemplaires jetés sur les coussins. Pourtant, en dépit des instances, des réclamations de Necker, Maurepas ne souffrit pas qu’on fit aucune recherche[58]. La découverte eût sans doute été trop aisée, elle eût surtout mené trop loin…


En présence d’un tel parti pris, les plus chauds partisans du directeur général des finances paraissent avoir perdu confiance dans la durée de son pouvoir. Beaucoup, toutefois, s’accrochaient à l’espoir qu’il pourrait se maintenir jusqu’au moment où la nature ferait justice de son principal adversaire, de celui qui, sous main, menait toute la campagne. L’âge de Maurepas, le mal dont il était atteint et dont les crises étaient de plus en plus fréquentes, leur faisaient supposer que l’attente ne serait pas longue. C’est ce qu’avoue l’un d’eux, ingénument et sans ambages : « M. Necker essuie toujours des persécutions. Bien des gens craignent qu’il ne se dégoûte. Moi, j’ai meilleure opinion de sa façon de penser ; j’espère qu’il prendra patience, jusqu’à ce qu’une attaque de goutte bien prononcée le délivre de son ennemi[59]. »


SÉGUR.

  1. Copyright by Calmann-Lévy 1912.
  2. Voyez la Revue du 15 novembre.
  3. Mémoires de l’abbé Georgel. — Lettres du chevalier de Metternich. — Lettres de Kageneck. — Correspondance publiée par Lescure.
  4. Lettres du chevalier de Pujol, passim.
  5. Journal de Croy, 1781.
  6. Journal de Hardy, 9 janvier 1781.
  7. Journal de Véri, février 1781.
  8. Lettre du 21 janvier 1781. — Correspondance publiée par Flammermont.
  9. Le 22 octobre 1781, Marie-Antoinette mettait au monde un prince, qui reçut le nom de Louis-Joseph et fut dauphin de France, jusqu’à sa mort prématurée, survenue dans sa huitième année, le 4 juin 1789.
  10. Mémoires inédits du comte. Guignard de Saint-Priest.
  11. Correspondance publiée par Lescure, janvier 1781.
  12. Le marquis de Ségur conserva le portefeuille de la Guerre jusqu’au 29 août 1787.
  13. Journal de Hardy. — Journal de l’abbé de Véri. — Lettres de Kagenerk.
  14. Mémoires sur le règne de Louis XVI.
  15. Louis XVI, en signant à contre-cœur l’ordonnance qui organisait ce contrôle, semble en avoir senti les graves inconvéniens, car il ajoutait ces mois en tête de la feuille : Bon pour quelque temps. Cette institution souleva effectivement de nombreux conflits et dut être assez rapidement supprimée. — Voyez sur cette affaire mon livre Le Maréchal de Ségur, p. 252 et suivantes.
  16. Compte-rendu au Roi pour l’année 1781.
  17. Correspondance publiée par Flammermont. — Journal de Véri.
  18. Journal de Hardy. — Journal de Véri.
  19. Lettre à Joseph II, du 16 octobre 1781. — Correspondance publiée par Flammermont.
  20. Lettre citée par. M. le comte d’Haussonville dans son Salon de Madame Necker, t. II.
  21. Journal de Hardy, 21 septembre 1780.
  22. Collection complète de tous les ouvrages pour et contre M. Necker, avec des notes critiques, politiques et secrètes ; 3 vol. in-8. Utrecht, 1781. — Malgré le titre de ce recueil, il ne renferme, en réalité, à l’exception du Compte rendu et du Mémoire sur les Assemblées provinciales, que des attaques contre Necker, ou plutôt une partie d’entre elles, dont plusieurs sont d’une habile malice.
  23. Mémoires d’Augeard, passim.
  24. Notice sur M. Necker, par A. de Staël, passim.
  25. Du caractère de M. Necker, par Mme de Staël.
  26. Mémoires d’Augeard, passim.
  27. Le Salon de Mme Necker, par le comte d’Haussonville, passim.
  28. Note de Vergennes sur le Compte rendu de Necker, publiée par Soulavie dans ses Mémoires sur le règne de Louis XVI.
  29. Journal du duc de Croy, année 1781.
  30. Lettre du 21 février 1781. — Loc. cit.
  31. Ancien hôtel de Thon, dans le quartier Saint-André des Arts.
  32. On fit circuler les vers suivans, mis dans la bouche des ouvriers de l’imprimerie de Panckoucke :

    Pour Dion, Monsieur, cessez d’écrire !
    Nous payons trop cher vos honneurs.
    A la foule de nos lecteurs
    Notre zèle ne peut suffire.
    Si vous n’avez pitié de notre triste sort,
    Votre immortalité nous donnera la mort !
    (Correspondance de Grimm.)

  33. Journal de Hardy. — Correspondance publiée par Lescure. — Journal du duc de Croy. — Lettres de Kageneck.
  34. Lettre du 21 février 1781. — Loc. cit.
  35. Correspondance secrète, 7 mars 1781.
  36. Le Salon de Mme Necker, par le comte d’Haussonville, t. II.
  37. Journal de l’abbé de Véri.
  38. Souvenirs de Moreau, t. II.
  39. Journal de Véri.
  40. Journal de Hardy. — Lettres du chevalier de Pujol. — Mémoires de Soulavie, et
  41. Mémoires de Soulavie. — Journal de Hardy. — Correspondance secrète publiée par Lescure.
  42. Voir le Couchant de la Monarchie, t. I, p. 319 à 321.
  43. Document publié par Soulavie dans ses Mémoires sur le règne de Louis XVI.
  44. Mémoire au Roi sur les assemblées provinciales.
  45. Mémoires de Soulavie.
  46. Stourm, Les finances sous l’ancien régime, passim.
  47. Ordonnances des 12 juillet 1718, 17 juillet et 26 novembre 1779.
  48. Journal de Hardy, 9 septembre 1778.
  49. Journal de Hardy, 26 avril 1781.
  50. Note du 31 mai 1781. — Correspondance publiée par Flammermont.
  51. Lettre du 30 avril 1781, loc. cit.
  52. Arrêt cité par M. M. Carré dans son volume sur La fin des parlemens.
  53. Journal de Hardy, 2’i avril 1781. — Mémoires de Soulavie.
  54. Mémoires de Soulavie.
  55. Lettre du 4 juillet 1781. — Archives de Coppet.
  56. Correspondance publiée par Lescure, 1er mai 1881. — Souvenirs de Moreau, tome II. — Notice sur M. Necker, par A. de Staël. — Lettres du chevalier de Pujol, loc. cit.
  57. Correspondance publiée par Lescure, 25 avril 1781.
  58. Note de Mercy au prince de Kaunitz, passim.
  59. Lettres du chevalier de Pujol, loc. cit.