Au clair de la dune/Coquillages

Théo Hannon ()
Dorbon aîné (p. 71-72).

XXXI

COQUILLAGES



Elle avait, ce soir-là, des tons de vieille estampe
La plage, sous l’alme vitrail.
Soudain tu ramassas, pour en baiser ta tempe,
Un coquillage de corail.

Que te murmurait-il en sa langue vermeille ?
Était-il tendre ou bien moqueur,
Tandis qu’il appliquait sa bouche à ton oreille,
Cherchant un écho dans ton cœur ?


Quels étaient ses soupirs, coquillage des fièvres
De ta joue en fleur approché,
Et quel était l’aveu qu’il guettait sur tes lèvres,
Vers ton clair visage penché ?

Il te disait qu’en moi tes yeux, tes yeux étranges,
Tes grands yeux aux reflets d’acier,
Qui couvent les éclairs sous leurs mobiles franges,
Avaient allumé leur brasier.

Que mes veines roulaient un étrange incendie
Dans tout mon être qui flambait,
Et qu’au mal auquel rien, hélas ! ne remédie,
Mon cœur embrasé succombait.

J’aurais donné ma part de ciel pour qu’à ta bouche
L’âpre soif qui me dévorait
Put s’étancher en un baiser long et farouche,
Baiser béni qui me tuerait…

Mais déjà tes doigts ont laissé choir sur la plage
Le coquillage trop discret,
Et tu continuas ta course, âme volage,
Sans avoir connu mon secret.