La Semeuse (p. 3-4).


Au Lecteur.




Ami, ne recherche pas dans ce livre, ces fleurs de réthorique qui provoquent chez le lecteur une émotion due, plutôt à l’art de l’auteur qu’au sujet lui-même car tu n’y trouveras que la transcription fidèle des incidents pénibles que j’ai vu se dérouler sous mes yeux durant mes longs et lamentables mois d’exil.

Les épisodes de notre captivité, furent notés au jour le jour ; ils constituent une espèce d’histoire vécue dont les phrases brèves me font retrouver, en les relisant, le frisson des minutes douloureuses passées au milieu des barbares.

J’ai souvent pensé que, si dans chaque camp de prisonniers en Allemagne, un homme s’était trouvé pour noter et publier ce qu’il a observé, tous ces fragments auraient permis de reconstituer, dans toute son horreur, la vision exacte de ce qu’ont souffert les prisonniers dans les camps allemands.

Rentrés dans nos foyers, il nous semble que ces tristes moments s’estompent et tendent à disparaître. C’est ce qu’il ne faut pas et c’est pourquoi ces pages dépourvues d’un intérêt littéraire mais marquées au coin de la plus scrupuleuse exactitude ont été écrites.

Elles l’ont été surtout d’abord pour ceux qui ont souffert de la barbarie teutonne et ensuite pour la jeunesse qui y puisera certainement quelques leçons de volonté et de virilité afin que dans tous les cœurs belges ou français reste gravée cette courte devise que je résume en deux mots :

Oublier.... jamais !
L’Auteur.