Au bord des terrasses/19

Madame Alphonse Daudet ()
Alphonse Lemerre, éditeur (p. 57-59).




OISEAUX




Oiseaux, je vous aime et j’envie
Votre réveil harmonieux
Qui boit l’air et chante la vie
Quand sont encor fermés nos yeux.

Vos cris volants, votre allégresse.
Poursuivant nos rêves enfuis,
Célèbrent d’anciens paradis,
Jardins clos de notre jeunesse ;


Des rosiers en fleurs vous allez
Au chêne vêtu de feuillage,
Joyeux, vifs, rapides, ailés,
Ainsi que l’aube et le voyage ;

Et, soit que d’un arbre habitant,
D’une prairie ou d’un bocage,
On vous voie aise et voletant
Autour d’un nid, loin d’une cage,

Ou que venant de la hauteur,
Sous l’abri d’un toit faisant halte,
Vous soyez le petit chanteur
Dont la voix grandit et s’exalte.

Oiseaux, pinsons, chardonnerets,
Mésange bleue et familière,
Vous que l’hiver prend dans ses rets
Ou qui fuyez vers la lumière,


Je vous aime ; et vous, rossignol ;
Les geais riant en haut des branches ;
De toute plume et de tout vol,
Et vous surtout, mouettes blanches

Qui, venant de la haute mer,
Suivez le courant de la Loire
Et trempez dans son flot de moire
Votre aile où luit le sel amer ;

Qui criez à nos âmes faites,
Aux doux horizons étagés,
Tout le délice des tempêtes,
De la tourmente et des dangers !


Pray, 1904.