Au Seigneur Robert de la Haye, pour estrenes

Au Seigneur Robert de la Haye, pour estrenes
Texte établi par Léon SéchéRevue de la Renaissance2 (p. 92-94).

AU SEIGNEUR ROBERT DE LA HAYE
POUR ESTRENES

Ores, que l’an dispos,
Qui tourne sans repos

Par une mesme trace,
Nous figure en son rond
Du père au double front
Et l’une et l’autre face :
Amy, pour toy je veux
En poétiques vœux
De la nouvelle année
Le jour solenniser,
Afin d’éterniser
Nostre amour nouveau née.
Je t’offriroy les dons,
Qui furent les guerdons
Des plus vaillants de Grèce :
Ou l’or malicieux
Qui tenteroit les yeux
D’une chaste Lucrèce :
Je t’offriroy encor’
L’ambitieux thresor,
Que le marchand avare
Au plus près du matin
Pille pour son butin
Au rivage barbare :
Mais tant et tant de biens,
Que je désire tiens
Ne sont en ma puissance :
Et l’avare souci
N’appauvrit point aussi
Ta riche suffisance.
Si ma main eust acquis
Le savoir tant exquis
D’un Lysippe, ou Appelle
Tu devrois au pinceau.
Au marbre, et au ciseau,
Ta louange plus belle.
Je n’oubliroy ici
Ton Sybilet aussi
Dont le docte artifice
Nous rechante si bien
Du Roy Mycénien
Le triste sacrifice.
Mais la Muse et les Dieux

Ne t’ont fait studieux
D’une peinture morte,
Et puis contre le temps
En mes vers tu attens
Une image plus forte.
Mais que di-je en mes vers ?
Les tiens, qui l’univers
Rempliront de leur gloire,
Sur le marbre des cicux
Engraveront trop mieux
Le vif de ta mémoire.
Tes phalènes tant doux
Qui coulent entre nous
Mille grâces infuses,
De nous sont adorez
Pour estre redorez
Du plus fin or des Muses.
Tu vivrois par les sons
Des plus hautes chansons
Si je sçavois eslire
L’inimitable voix,
Que le grand Vandomois
Accorde sur sa Lyre.
Quels parfaicts artisans
N’ont bien donné dix ans
Au rond de leur science ?
Qui veut ravir le pris,
Doit estre bien appris
Par longue expérience.