Au Pays de Rennes/La Cathédrale

Hyacinthe Caillière (p. 110-116).


LA CATHÉDRALE


D’après les traditions du chapitre, le culte du vrai Dieu fut d’abord rendu à Rennes dans une petite chapelle gallo-romaine, appelée Notre-Dame de la Cité qui se trouvait enclavée dans l’ancien hôtel du Bouëxic, près de l’École actuelle d’artillerie.

Au VIe siècle, on éleva une cathédrale dédiée à Saint-Pierre.

En 1181, comme elle menaçait de tomber en ruines, Philippe, abbé de Clermont, évêque de Rennes la fit démolir, et construisit sur son emplacement, une nouvelle cathédrale qui ne fut terminée qu’en 1359 par son successeur Pierre de Guemené.

En 1362, Charles de Blois y apporta pieds-nus les reliques de Saint-Yves.

Dès 1527, ce monument était dans un tel état de délabrement qu’il inspirait des craintes. Peu à peu la tour et le frontispice s’écroulèrent en partie et il fallut les démolir.

En 1541, on jeta les fondations des tours qui existent encore. La première pierre fut posée le 15 Septembre, ainsi qu’il résulte d’une inscription mise au tympan supérieur de chacune des portes qui existaient alors à la place de la grande baie du portail actuel.

Les carrières de St-Mars, de St-Hilaire du Tiercent (Ille-et-Vilaine) et de Querinan en Mégrit (Côtes-du-Nord) fourniront les matériaux nécessaires à l’achèvement des tours.

Les écussons dont on remarque encore au deuxième étage les figures martelées, furent exécutés, vers 1660, par Pierre de la Croix, maître sculpteur ; ils portaient les armes de Monseigneur Henry de la Mothe Houdancourt évêque de Rennes et de Charles de la Porte de Vesins, maréchal de la Meilleraye, lieutenant-général au Gouvernement de Bretagne.

La tour sud était entièrement terminée en 1674 ; il restait à achever la tour Nord et à surmonter les deux tours de dômes avec lanternes garnies de plomb, et boules dorées portant des croix de fer, mais il ne fut pas donné suite à ce dernier projet.

Le 23 Avril 1678, les chanoines décidèrent de placer au troisième étage des tours, les armes de Monseigneur Jean-Baptiste de Beaumanoir évêque de Rennes et du marquis de Lavardin son frère. Celles de Monseigneur le duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne, occupèrent la partie centrale. Les débris de ces écussons montrent encore leurs places.

En 1679, on monta les charpentes des tours pour y placer les cloches.

Le 22 Décembre 1685, l’architecte François Huguet fut chargé de modifier les deux petites portes latérales sous les tours et de placer les armes du roi dans un grand fronton, sur le vitrail au-dessus de la principale porte, entre les deux tours. Ce fronton existe encore, et on reconnaît le contour et les ornements de l’ancien écusson de France.

Les tours de la Cathédrale furent terminées en 1703 ; il s’était écoulé plus de 160 années entre l’établissement des fondations et la clôture des travaux.

Hélas ! le corps de l’édifice s’affaissait déjà et dès l’année 1700, un procès-verbal dressé par des architectes constatait sa ruine.

Le 11 février 1754, un éboulement se manifesta au-dessus des parties latérales de l’église et l’évêque dut prononcer l’abandon de la Cathédrale que le chapitre quitta processionnellement le 27 Février 1754, pour aller s’installer dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu, appelée depuis l’hôpital Saint-Yves.

Un arrêt du Conseil du Roi du 2 Juin de la même année, ordonna la démolition de l’édifice.

Plusieurs personnages avaient reçu la sépulture dans le chœur de la cathédrale. Sur une plaque de cuivre on lisait :

« Cy-gist le corps d’Isabelle de Bretagne, sœur unique de la Reine Anne, qui décéda le X de juin MIIIIcc IIII** IX de son âge le huitième. »

En 1803, après le rétablissement du culte catholique, l’église abbatiale de Saint-Melaine devenue paroisse fut assignée au chapitre pour les cérémonies du culte qui pouvaient lui incomber.

Le cardinal Fesch, oncle de Napoléon Ier, vint à Rennes en 1808 et ne put voir sans regret les tours de la cathédrale veuves de leur église. Il en parla à l’Empereur et bientôt après parut le décret suivant qui mérite d’être cité : « Voulant, dit l’Empereur, donner une preuve de l’intérêt que nous portons aux habitants de notre bonne ville de Rennes, et voulant ne pas laisser imparfaite leur église cathédrale, nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

« Art. 1er. — L’église cathédrale de Rennes sera achevée.

« Art. 2. — Une somme de 500 000 fr. est mise à cet effet à la disposition de notre ministre des cultes. Cette somme sera payée en cinq ans, à partir de 1811. »

Les difficultés du temps firent arrêter les travaux qui ne furent repris qu’en 1819.

La Restauration activa le relèvement de l’église. En 1823, de nouvelles sommes furent accordées pour la continuation du travail, et en 1837 une dernière allocation permit de l’achever.

Le 7 avril 1844, jour de Pâques, l’évêque Godefroy Saint-Marc accompagné des chanoines, du Chapitre, et précédé d’un nombreux clergé, quitta l’église de l’ancienne abbaye de Saint-Melaine pour se diriger vers la nouvelle cathédrale en parcourant les principales rues de la ville.

La cathédrale Saint-Pierre de Rennes, fut élevée en 1859 à la dignité d’église métropolitaine de Bretagne.

Mgr  Godefroy Brossays Saint-Marc, qui avait été nommé archevêque le 3 Janvier 1859 voulut, en 1863, laisser à ses successeurs une métropole digne de la province de Bretagne. Il fit appel à la générosité des fidèles et donnant lui-même l’exemple, versa une somme de cent mille francs pour commencer les travaux.

L’édifice tout entier est intérieurement recouvert de stucs imitant les plus beaux marbres. Le long des murailles on a réservé de grands espaces pour les fresques. La voûte, ornée de caissons de formes variées, est sculptée avec art et est éblouissante de dorures.

Au milieu du sanctuaire, se trouve le maître-autel construit en marbres précieux, envoyés au premier archevêque de Rennes par le pape Pie IX.

Les fenêtres du monument sont garnies de verrières représentant les armoiries des évêques de Rennes.

Le 7 Mars 1878, le cardinal St-Marc fut inhumé avec pompe dans le chœur de la cathédrale. Le corps descendu du catafalque d’honneur fut déposé dans une châsse de plomb renfermée dans une autre châsse de chêne.

Une plaque de cuivre clouée sur le côté gauche du cercueil porte l’inscription suivante :

Ci-Git

Mgr  Godefroy Brossays Saint-Marc, archevêque de Rennes, né à Rennes le 5 février 1803, sacré évêque de Rennes le 10 Août 1841, archevêque le cinq Juin 1859, créé cardinal dans le Consistoire du 17 Septembre 1875, du titre de Sainte-Marie-de-la-Victoire, décédé le 26 février 1878.

La pierre tombale porte en noir une double croix et au-dessous cette unique inscription :

G. SAINT-MARC.

Le bourdon de la Cathédrale se brisa le jour de Noël 1874, et l’accord parfait qui se trouvait dans la sonnerie fut détruit. Un nouveau bourdon-cloche, du poids de 3 630 kilogrammes, sortant des ateliers de M. Bollée du Mans, a été baptisé le 30 Mars 1884.

Enfin le 6 Mai 1884, Mgr  Charles-Philippe Place, archevêque de Rennes, fit procéder à la consécration solennelle de la nouvelle métropole. Cette cérémonie fut présidée par Mgr  di Rende, archevêque de Bénevent, nonce du pape à Paris, en présence des archevêques de Besançon et de Reims, et des évêques de St-Brieuc, Séez, Luçon, Nantes, Le Mans, Vannes, Quimper et Héliopolis.

Le même jour eut lieu l’inauguration du monument élevé à la mémoire du cardinal Brossays Saint-Marc. C’est une statue d’une grande ressemblance due au ciseau de M. Valentin, de Bourg-des-Comptes. Elle avait figuré au salon de 1883.

On vient de nettoyer et de réparer les tours de la Cathédrale qui, malgré leur diversité de style, sont assez curieuses.

Le portail, en granit, surmonté des deux tours, n’a pas moins de 40 mètres d’élévation. Chaque tour est formée de quatre étages qui sont d’ordres différents : le rez-de-chaussée, toscan mêlé de gothique et de renaissance ; le premier étage, ionique ; le deuxième étage, corinthien ; le troisième étage, composite ; le quatrième étage, dorique ; le tout couronné par une balustrade octogonale à jour.

Ce mélange bizarre d’architecture ne peut s’expliquer que par la longueur du temps (160 années) qui s’est écoulé depuis la pose de la première pierre jusqu’à l’achèvement complet de l’édifice.