Astronomie populaire (Arago)/XXXIV/03

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 763-765).

CHAPITRE III

l’astronomie pour un observateur situé sur mercure


Cherchons d’abord sous quel angle un astronome situé dans Mercure verrait le Soleil. À la surface de la Terre le diamètre moyen de cet astre est de 30′. Sur Mercure ce diamètre serait de 1° 17′ 30″. Le Soleil se présenterait donc à un habitant de Mercure comme un disque plat, lumineux, dont la surface serait à celle du disque solaire vu de la Terre comme 6,7 est à 1.

L’intensité de la lumière solaire variant en raison inverse du carré des distances, la portion de cette lumière que Mercure arrête, est à la portion qu’une partie équivalente de la surface terrestre reçoit, dans le rapport inverse des carrés des nombres 0,387 et 1, ou dans le rapport de 6,67 à 1. Ainsi on peut conjecturer que la chaleur dont les rayons solaires sont l’origine est beaucoup plus grande sur Mercure que sur la Terre. Nous nous contentons d’indiquer la supériorité de température de Mercure en termes généraux. Pour donner une évaluation numérique, relative à une portion solide de cette planète, il serait nécessaire de connaître la constitution de son atmosphère, surtout sous le rapport de la diaphanéité.

Mercure tournant sur lui-même en 24h 5m (de nos heures) de l’occident à l’orient (liv. xviii, chap. iv), le ciel étoilé doit paraître tourner en sens contraire et y exécuter une révolution complète dans un temps égal à celui qu’un horizon emploie à revenir à la même position, c’est-à-dire en 24h 5m.

Le Soleil, vu de Mercure, semble se mouvoir dans le ciel et parcourir toutes les constellations en 87j,97 ou à peu près 88 de nos jours : telle serait la durée de ce que les habitants de Mercure devraient appeler leur année.

Il y a sur Mercure des équinoxes et des solstices comme sur la Terre. Les équinoxes arrivent lorsque la trace de l’équateur de Mercure sur le plan de son orbite passe par le Soleil. Les solstices ont lieu quand le Soleil est à 90° des points équinoxiaux.

Nous avons dit que le diamètre moyen du Soleil, vu de Mercure, s’élève à 1° 17′ 30″, mais ce diamètre doit paraître très-variable ; sa moindre valeur est de 1° 37′ 43″, sa plus grande de 1° 4′ 14″. Ces variations sont évidemment liées aux changements de distance de la planète au Soleil : l’orbite apparente de l’astre radieux autour de Mercure n’est donc pas circulaire.

Si un observateur situé dans Mercure, se dégageant des illusions des sens, arrivait à reconnaître que le mouvement apparent du Soleil est la conséquence inévitable de son propre mouvement autour de ce grand astre, il tirerait, des variations incessantes du diamètre solaire, les valeurs comparatives des rayons vecteurs correspondant à chaque jour d’observation et découvrirait ainsi que sa planète se déplace dans une orbite elliptique dont le centre du Soleil occupe le foyer.

Nous n’avons rien dit, comme de raison, dans cet exposé très-court de l’astronomie de Mercure, de tout ce que vit le père Athanase Kircher, de serein et de vif dans son voyage extatique à cette planète, ni des influences favorables, concernant leur esprit et leur adresse, que les hommes peuvent recevoir à leur naissance par l’action de Mercure.

Dans son Voyage extatique, le père Kircher feint d’être porté dans les espaces célestes et autour des différentes étoiles sous la conduite d’un génie, et il nous fait part de tout ce qu’il a vu dans cette pérégrination extraordinaire. Mais son récit est partout empreint des préjugés astrologiques de l’époque et des erreurs dont l’astronomie proprement dite était alors infestée. L’ouvrage du même auteur intitulé : Ars magna lucis et umbrœ, quoiqu’il ne soit pas entièrement irréprochable, mérite beaucoup plus que son voyage d’être recommandé à l’attention des savants.