Astronomie populaire (Arago)/XXVII/08

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 346-350).

CHAPITRE VIII

satellites de jupiter — leurs mouvements apparents autour de cette planète


Jupiter est accompagné de quatre petites étoiles qu’il transporte toujours avec lui dans les positions diverses que son mouvement propre lui fait prendre dans le firmament. Ces astres, nommés des satellites, circulent autour du centre de la planète, de l’occident à l’orient, et décrivent des orbites presque circulaires de différentes grandeurs.

On appelle premier satellite celui qui s’éloigne le moins de Jupiter, quatrième satellite celui qui s’en éloigne le plus. Les second et troisième satellites sont, dans cet ordre, ceux qui s’écartent de la planète à des distances intermédiaires entre celles qui correspondent au premier et au quatrième.

Les durées des révolutions de ces satellites étant très-inégales, on les voit quelquefois groupés par couples de deux du côté oriental et du côté occidental de la planète ; quelquefois trois de ces astres sont rangés à peu près en ligne droite d’un côté ; le quatrième se trouve seul du côté opposé ; il arrive enfin quelquefois que les quatre satellites se montrent tous ensemble du côté oriental ou du côté occidental de la planète et toujours à peu près sur une ligne droite.

Lorsque les satellites passent entre Jupiter et le Soleil, ils projettent leur ombre sur la planète ; ce sont là, pour les habitants de Jupiter, de véritables éclipses de Soleil.

Ces ombres, pour un observateur situé sur la Terre, ne peuvent pas être confondues avec les taches ordinaires de Jupiter ; elles sont rondes, noires, bien terminées, et elles semblent se déplacer à peu près avec la même rapidité au centre et vers les bords de la planète. La durée de leur apparition sur le disque de Jupiter est égale à celle qu’on peut déduire du mouvement du satellite qui les engendre.

Les ombres dont nous parlons maintenant sont parfaitement noires ; Jupiter ne semble émettre aucune lumière dans les points à l’égard desquels les satellites font l’office d’écran. Jupiter n’est donc pas lumineux par lui-même. Il ne brille que de la lumière du Soleil réfléchie, résultat que l’absence de phases sensibles ne nous avait pas permis de constater par la méthode qui nous avait si bien réussi, lorsque nous étudiions la constitution physique de Mercure, de Vénus et de Mars.

Vers les époques où l’on aperçoit les ombres se mouvoir suivant des cordes du disque de Jupiter, les satellites se projettent eux-mêmes sur la planète ; ils suivent ces ombres avant l’opposition de la planète, ils les précèdent après l’opposition.

Dans ces passages les satellites décrivent aussi des cordes du disque ; ils paraissent souvent comme des taches brillantes et quelquefois comme des points obscurs moins étendus que les ombres proprement dites. Cette dernière circonstance peut s’expliquer naturellement en supposant qu’il existe alors sur les surfaces des satellites des portions matérielles ou atmosphériques réfléchissant beaucoup moins de lumière que les parties environnantes.

Quand les satellites entièrement lumineux passent sur la planète, on a remarqué que, facilement visibles près du bord du disque, ils disparaissent vers le centre ; de là on a conclu que le bord de la planète est moins lumineux que le centre et que Jupiter doit être entouré d’une atmosphère.

Les satellites de Jupiter disparaissent quelquefois à une distance sensible du bord de la planète. Ce fait curieux s’explique très-simplement : Jupiter étant un corps opaque projette derrière lui un cône d’ombre dont l’axe est la droite qui joint son centre à celui du Soleil et dont les arêtes sont les lignes qui rasent à la fois les bords correspondants des deux astres : aucun rayon solaire ne pénètre dans ce cône. Lorsque les satellites le traversent, ils doivent donc devenir invisibles si, comme Jupiter, ils empruntent leur lumière au Soleil. Ce phénomène est comparable de tous points à celui que notre satellite nous offre dans les éclipses totales de Lune. En effet, avant la disparition complète de cet astre, il s’affaiblit graduellement, ainsi que nous l’avons vu (liv. xxii, chap. iii), à mesure qu’il s’enfonce davantage dans l’espace dont l’ombre terrestre est entourée et qu’on appelle la pénombre. Ainsi se comportent les satellites de Jupiter avant leur pénétration dans l’ombre géométrique où ils s’éclipsent, car cette ombre est aussi entourée d’une pénombre.

Si l’immersion du premier satellite s’est effectuée, à une certaine époque, à une distance sensible du bord de la planète, la sortie du cône d’ombre, ou l’émersion, s’opérera dans une portion du cône qui est cachée de la Terre par le corps opaque de Jupiter. On ne pourra donc pas, quant à ce satellite, voir le même jour l’immersion et l’émersion.

Le même raisonnement est applicable à ce qui concerne le second satellite. Quant au troisième et au quatrième, comme ils traversent le cône plus près de son sommet, par conséquent dans des points plus distants du disque opaque de la planète, et comme leurs orbites sont sensiblement inclinées au plan de l’écliptique, on voit quelquefois dans la même soirée les immersions et les émersions qui leur succèdent.

La disparition complète des satellites pendant leur séjour dans le cône d’ombre prouve qu’ils ne reçoivent aucune lumière de la face de Jupiter non éclairée par le Soleil, et dès lors que cette planète, contre une opinion longtemps accréditée, n’est pas phosphorescente, ce que nous aurions pu conclure de la complète obscurité des ombres projetées quelquefois sur le disque visible de Jupiter, mais avec moins de certitude, à cause de la brillante lumière dont ces ombres sont entourées.