Astronomie populaire (Arago)/XXVII/03

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 328-331).

CHAPITRE III

taches de jupiter — son mouvement de rotation


Des taches accidentelles observées sur la surface visible et brillante de la planète prouvent que cette surface tourne sur elle-même de l’occident à l’orient, dans un temps beaucoup moindre que celui de la durée de la révolution des planètes inférieures, Mercure et Vénus, et même que celui de la durée de la révolution de Mars.

Le temps de la rotation de la surface visible de Jupiter est en moyenne de 9h 55m.

Toutes les taches ne conduisent pas au même résultat numérique, ce qui entraîne la conséquence qu’elles ont une certaine mobilité ou qu’elles naissent au milieu d’une atmosphère dont la planète est entourée.

L’axe de rotation de Jupiter est à peu près perpendiculaire au plan de l’orbite que cette planète décrit autour du Soleil : l’inclinaison est en effet de 86° 54′ ; l’angle que cet axe de rotation fait avec le plan de l’écliptique est de 88° 13′.

C’est en 1665 que Cassini découvrit en Italie la rotation de Jupiter. Il se servit pour cela d’une tache qui semblait adhérente à la bande méridionale dont le centre était éloigné de celui de la planète de 1/3 du rayon ; la valeur qu’il obtint est 9h 56m. Plus tard, en 1672, des observations analogues faites sur une tache que ce grand astronome crut identique avec celle qu’il avait observée en Italie, lui donnèrent 9h 55m 51s. En reprenant cette intéressante recherche en 1677, il arriva à une rotation de 9h 55m 50s. Mais un si bel accord s’évanouit en 1690. Ayant alors observé une tache qui paraissait adhérente à la bande méridionale fort voisine du centre, il trouva pour valeur de la rotation 9h 51m. Ce résultat si différent des premiers fut confirmé en 1691 par l’observation de deux taches brillantes placées sur la bande obscure la plus voisine du centre vers le nord, et aussi par une tache obscure placée entre les deux bandes centrales. En 1692, des taches donnèrent même pour la durée de la révolution 9h 50m.

Les différences considérables de ces divers résultats ont conduit à supposer que les taches sont des nuages nageant dans une atmosphère très-agitée. Les taches, ainsi que cela se déduit des résultats précédents, ont un mouvement d’autant plus rapide qu’elles occupent une position plus voisine du centre de la planète. Ainsi, dit Fontenelle, on pourrait comparer les mouvements de ces taches à celui des courants qui règnent près de l’équateur terrestre. Mais l’assimilation me paraît porter à faux : les alizés soufflant de l’orient à l’occident, entraînent dans la même direction les nuages situés dans cette portion de l’atmosphère. Ces nuages correspondent donc, par leur déplacement en vingt-quatre heures, à des parties de plus en plus occidentales de la croûte solide de notre globe ; par conséquent, un observateur qui, situé dans la Lune ou dans le Soleil, déterminerait la durée de la rotation de la Terre par l’observation d’un de ces nuages devrait trouver un nombre plus grand que celui que lui fournirait l’observation d’un point de la croûte solide ; c’est l’inverse qu’on a remarqué dans Jupiter.

Herschel a publié en 1781 un Mémoire dans lequel il rapporte des déterminations de la durée de la rotation de Jupiter qu’il a obtenues en 1778 à l’aide d’une seule et même tache noire ; elles varient depuis 9h 55m 40s jusqu’à 9h 54m 53s. En 1779 une tache claire, également équatoriale, donna pour le temps de la rotation tantôt 9h 51m 45s et tantôt 9h 50m 48s.

Herschel explique les grandes différences de toutes les observations par les mouvements propres des taches ; il croit, comme Fontenelle, à l’existence dans les régions équinoxiales de la planète, de vents analogues à nos alizés, mais sous la réserve que nous venons de faire tout à l’heure quant à leur direction. Nous dirons que, pour concilier les divers résultats d’Herschel avec la détermination 9h 56m donnée généralement par Cassini pour des taches extra-équatoriales, il faut supposer que certains nuages observés par l’astronome de Slough avaient en 10 heures un mouvement propre de près de 3 degrés de l’équateur de Jupiter, c’est-à-dire une vitesse de 96 lieues à l’heure.

Les observations les plus récentes qu’on ait faites sur la rotation de Jupiter sont celles de MM. Mædler et Beer : elles embrassent l’intervalle compris entre le mois de novembre 1834 et le mois d’avril 1835. Par des taches situées à 5 degrés de latitude nord, ils ont obtenu 9h 55m 26s. Sur quoi il faut remarquer que ce résultat est la moyenne et que les durées obtenues par l’observation des deux taches simultanées ne sont pas égales. Des observations faites à peu près à la même époque donnèrent à M. Airy 9h 55m 21s en temps moyen.

Voici au surplus un tableau formé d’après les résultats obtenus par différents astronomes, observant des taches diversement situées.

Cassini 
9h 56m en 1665
    Id.     
50  en 1692
Maraldi 
56  en 1713
Jacques de Sylvabelle 
56  en 1773
Herschel 
55  40s en 1778
    Id.     
50  48  en 1779
Schrœter 
56  56  en 1785
    Id.     
55  18  en 1786
Airy 
55  24  en 1834 et 1835
Beer et Mædler 
55  26  de 1834  à 1835