Astronomie populaire (Arago)/XXVI/04

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 224-229).

CHAPITRE IV

accidents causés par des aérolithes


La rareté des chutes d’aérolithes n’est pas assez grande pour que ces phénomènes n’aient pas causé des accidents rapportés par les chroniques.

On lit dans le catalogue des étoiles filantes et des autres météores observés en Chine, catalogue rédigé par M. Édouard Biot, qu’une pierre tombée en Chine, le 14 janvier 616 de notre ère, fracassa des chariots et tua dix hommes.

Le capitaine suédois Olaus-Ericson Willmann, entré comme volontaire au service de la compagnie hollandaise des Indes Orientales, rapporte, dans un recueil imprimé en 1674, qu’étant en mer, une boule qui pesait 4 kilogrammes tua deux hommes en tombant sur le pont de son navire qui voguait à pleines voiles. (Voir le catalogue des aérolithes, 1654)

Vers le même temps une petite pierre, tombée à Milan, a tué un franciscain.

Le chimiste Laugier a laissé un échantillon de pierre météorique accompagné d’une note portant en substance que cet aérolithe était tombé avec explosion près de Roquefort, en Amérique ; qu’il avait écrasé une chaumière, tué le métayer et du bétail, et fait en terre un trou de près de 2 mètres de profondeur.

On attribue aussi à des pierres météoriques l’incendie de plusieurs habitations. Ces faits se lient à l’hypothèse que beaucoup de pierres météoriques s’enflamment en traversant notre atmosphère pour arriver à la surface de la Terre. Il est très-vrai que certaines chutes d’aérolithes ont été précédées de l’apparition de globes de feu ou bolides qui ont disparu tout à coup en faisant entendre de violentes détonations et se brisant en un très-grand nombre de fragments retrouvés épars sur de grandes étendues de terrain. Parmi les phénomènes de ce genre, un des plus importants est celui de la chute de pierres qui eut lieu le 26 avril 1803 (voir catalogue, 1803), aux environs de l’Aigle. Un globe enflammé, d’un éclat très brillant, a été aperçu, vers une heure après midi, de Caen, de Pont-Audemer et des environs d’Alençon, de Falaise et de Verneuil. Quelques instants après on entendit à l’Aigle et trente lieues à la ronde une violente explosion, et des pierres furent lancées, selon la détermination de M. Biot, sur une surface elliptique d’environ deux lieues et demie de long et d’à peu près une lieue de large. Le grand axe de cette ellipse était dirigé du sud-est au nord-ouest. La plus grosse de toutes les pierres qu’on a trouvées pesait 8 kilogrammes et demi. Aucune de ces pierres ne parut incandescente au moment où l’on put les ramasser, et elles répandaient une vive odeur de soufre.

Les aérolithes qui tombèrent à Braunau le 14 juillet 1847), étaient encore tellement chauds six heures après leur chute, que l’on ne pouvait les toucher sans se brûler.

Les faits précédents ne laissent aucun doute sur la possibilité d’incendies causés par les chutes de pierres météoriques, lors même que ces pierres n’ont pas toujours été retrouvées après l’événement.

Voici les principaux faits de ce genre qui ont été recueillis :

L’an 944 de notre ère, des globes de feu, selon la chronique de Frodoard, parcoururent les airs et incendièrent des maisons.

Le 7 mars 1618, l’incendie qui consuma la grande salle du Palais-de-Justice de Paris fut causé, dit-on, par un météore enflammé, « large d’un pied et haut d’une coudée, » qui tomba après minuit sur ce monument.

L’aérolithe tombé à Captieux, près de Bazas, le 13 juin 1759, incendia, dit-on, une écurie (voir le catalogue, 1759).

D’après les Mémoires de l’Académie de Dijon, du 11 au 12 novembre 1761, une maison de Chamblan, à une demi-lieue de Seurre, en Bourgogne, fut incendiée par suite de la chute d’un météore.

Le 13 novembre 1835, un brillant météore apparut vers neuf heures du soir, par un ciel serein, dans l’arrondissement de Belley (Ain). Sa course semblait dirigée du sud-ouest au nord-est. Il éclata près du château de Lauzières et incendia une grange couverte en chaume, les remises, les écuries, les récoltes, les bestiaux. Tout fut brûlé en quelques minutes. Un aérolithe a été retrouvé sur le théâtre de l’événement (voir le catalogue, 1835).

On présume que l’incendie de la ferme de Tamerville, près de Valognes, qui eut lieu dans la nuit du 3 au 4 août 1840, est dû à un météore igné que plusieurs personnes, placées sur des points différents, ont vu traverser les airs du nord au sud, dans la direction de la ferme qui a été brûlée.

Le 25 février 1841, un bolide venant du nord-est tomba sur le toit d’un pressoir situé au hameau nommé les Bois-aux-Roux, commune de Chanteloup, arrondissement de Coutances (Manche), et y alluma un incendie qui se communiqua à deux maisons contiguës.

On attribue à la chute de météores ignés des incendies qui eurent lieu aux environs de Montierender (Haute-Marne), du 9 au 18 novembre 1843.

Le 16 janvier 1846, un bolide, dirigé du nord au sud, et laissant derrière lui une trace lumineuse, incendia un bâtiment à la Chaux, arrondissement de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).

Le 22 mars de la même année, à trois heures du soir, une gerbe lumineuse, qui a sillonné l’espace avec une grande vitesse et un bruit assez intense, est tombée sur une grange de la commune de Saint-Paul, arrondissement de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne) ; en un instant tout est devenu la proie des flammes ; les bestiaux renfermés dans les étables ont été entièrement consumés.

Si tous ces accidents ne sont pas dus à des chutes d’aérolithes ou de bolides, si quelques-uns proviennent des étoiles filantes, on doit s’étonner de leur peu de fréquence lorsque l’on considère la grande abondance de ces derniers météores.

Le poids des aérolithes est souvent très-considérable, et il explique parfaitement la possibilité d’accidents très graves.

Fig. 326. — Aérolithe de Santa-Rosa, réduit au dixième de sa hauteur.

Nous citerons particulièrement l’aérolithe de Vouillé (1831) pesant 20 kilogrammes ; celui de Chantonnay (1812) pesant 34 kilogrammes ; celui de Juvénas (1821) pesant 92 kilogrammes ; celui d’Ensisheim (1492) pesant 138 kilogrammes. L’aréolithe tombé en 1810 à Santa-Rosa, dans la Nouvelle-Grenade (voir plus haut), sur le chemin de Pamplona à Bogota, et dont on doit la description à MM. Boussingault et Mariano de Rivero, pèse 750 kilogrammes ; son volume est à peu près le dixième d’un mètre cube. Aux environs du lieu où cette masse est tombée, les deux savants voyageurs ont trouvé plusieurs fragments météoriques ayant une composition analogue à celle de la masse principale, savoir 92 de fer et 8 de nickel. Cette grande masse, dont nous devons le dessin (fig. 326) à l’obligeance de M. Boussingault, avait une forme irrégulière et caverneuse, sans aucun enduit vitreux. Lorsqu’on la découvrit, elle était presque complétement enterrée ; une pointe de quelques centimètres de hauteur seulement paraissait à la surface du sol.