Astronomie populaire (Arago)/XXIII/19

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 88-90).

CHAPITRE XIX

de l’inégalité séculaire du mouvement de la lune


La Terre est une planète dont les mouvements autour du Soleil dépendent de l’attraction qu’exerce le globe qui nous éclaire, mais sont aussi influencés par l’attraction des autres planètes. De là il résulte des perturbations (chap. iv) qui laissent invariable le grand axe de son orbite, mais qui amènent des changements dans l’excentricité, dans la position de l’écliptique, dans les mouvements des nœuds et des périhélies. Les perturbations du mouvement de la Terre se reflètent sur l’orbite lunaire. L’action perturbatrice du Soleil sur la Lune contient un terme qui dépend de l’excentricité de l’orbite terrestre ; il en résulte que le mouvement de notre satellite s’accélère chaque année, quand l’excentricité de l’orbite de la Terre diminue, ce qui a lieu depuis les observations anciennes jusqu’à nos jours : cette accélération se changera en retardement, lorsque l’excentricité parvenue à son minimum cessera de diminuer pour commencer à croître. Cette inégalité dans le moyen mouvement de notre satellite porte le nom d’inégalité séculaire ; quoique très-petite, elle rend beaucoup plus sensible la diminution de l’excentricité de l’orbite terrestre que celle-ci ne l’est par elle-même. Halley a remarqué le premier cette inégalité ; Dunthorne et Mayer ont confirmé son existence par une discussion approfondie des observations modernes et des éclipses observées par les Chaldéens et par les Arabes. Plusieurs astronomes, qui ne pouvaient l’expliquer, avaient pris le parti commode de la nier. Laplace a montré qu’elle dépendait simplement des lois de l’attraction universelle.

L’action moyenne du Soleil sur la Lune dépend encore de l’inclinaison de l’orbe lunaire à l’écliptique ; on pourrait croire que la position de l’écliptique étant variable, il doit en résulter dans le mouvement de notre satellite des inégalités séculaires semblables à celle qu’y produit la variation de l’excentricité de l’orbite terrestre. Mais Laplace a reconnu par l’analyse, et cela est confirmé par toutes les observations, que l’orbe lunaire est ramené sans cesse par l’action du Soleil, à la même inclinaison sur celui de la Terre ; en sorte que les plus grandes et les plus petites déclinaisons de la Lune sont assujetties, en vertu des variations séculaires de l’obliquité de l’écliptique, aux mêmes changements que les déclinaisons semblables du Soleil. L’excentricité de l’orbite lunaire et son grand axe n’éprouvent pareillement que des altérations insensibles par les changements de l’excentricité de l’orbite terrestre.

Il n’en est pas de même des variations du mouvement des nœuds et du périgée de la Lune. En soumettant ces variations à une analyse extrêmement délicate et difficile, Laplace a trouvé que le moyen mouvement du périgée et celui des nœuds se ralentissent lorsque celui de la Lune s’accélère ; les équations séculaires de ces trois mouvements sont constamment dans le rapport des nombres 0,735, 3 et 1. On en conclut que les trois mouvements de la Lune par rapport au Soleil, à son périgée et à ses nœuds, vont en s’accélérant, et que leurs équations séculaires sont comme les nombres 1, 4 et 0,265.

« Les siècles à venir, dit Laplace, développeront ces grandes inégalités qui produiront un jour des variations au moins égales au quarantième de la circonférence, dans le mouvement séculaire de la Lune, et au treizième de la circonférence, dans celui du périgée. Ces inégalités ne sont pas toujours croissantes : elles sont périodiques, comme celles de l’excentricité de l’orbe terrestre dont elles dépendent, et elles ne se rétablissent qu’après des millions d’années. Elles doivent altérer à la longue les périodes imaginées pour embrasser des nombres entiers de révolutions de la Lune, par rapport à ses nœuds, à son périgée et au Soleil. »