Astronomie populaire (Arago)/XXIII/17

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 84-86).

CHAPITRE XVII

perturbations du mouvement de la lune produites par l’aplatissement de la terre


La Terre maîtrise la Lune dans sa course. La Terre est aplatie. Un corps aplati n’attire pas comme une sphère. Il doit donc y avoir dans le mouvement, nous avons presque dit dans l’allure de la Lune, une sorte d’empreinte de l’aplatissement terrestre. Telle fut, dans son premier jet, la pensée de Laplace.

Il restait encore à décider, là gisait surtout la difficulté, si les traits caractéristiques que l’aplatissement de la Terre devait donner au mouvement de notre satellite, étaient assez sensibles, assez apparents, pour ne pas se confondre avec les erreurs d’observation ; il fallait aussi trouver la formule générale de ce genre de perturbations, afin de pouvoir, comme dans le cas de la parallaxe solaire, dégager l’inconnue.

L’ardeur et la puissance analytique de Laplace surmontèrent tous les obstacles. À la suite d’un travail qui avait exigé des attentions infinies, le grand géomètre découvrit dans le mouvement lunaire, deux perturbations nettes et caractéristiques, dépendantes l’une et l’autre de l’aplatissement terrestre. La première affectait la portion du mouvement de notre satellite qui se mesure surtout avec l’instrument connu dans les observatoires sous le nom de lunette méridienne ; c’est l’inégalité du mouvement de la Lune en latitude. La deuxième s’effectuant à peu près dans la direction nord et sud, ne devait guère se manifester que par les observations d’un second instrument, le cercle mural : c’est l’inégalité du mouvement lunaire en longitude.

Ces deux inégalités de valeurs très-différentes, mesurées avec deux instruments entièrement distincts, liées à la cause qui les produit par les combinaisons analytiques les plus diverses, ont cependant conduit l’une et l’autre au même aplatissement. L’aplatissement déduit ainsi des mouvements de la Lune, n’est pas, bien entendu, l’aplatissement particulier correspondant à telle ou telle contrée, l’aplatissement observé en France, en Angleterre, en Italie, en Laponie, dans l’Amérique du Nord, dans l’Inde, dans la région du cap de Bonne-Espérance ; chacun de ces aplatissements particuliers porte l’empreinte des altérations que la courbure générale de la Terre a subies en divers temps et en divers lieux par les soulèvements considérables dont la géologie est parvenue à tracer l’histoire. La Lune, et c’est là ce qui rend le résultat inappréciable, devait donner et elle a donné effectivement l’aplatissement général du globe, une sorte de moyenne entre les déterminations variées obtenues par les opérations géodésiques.

Quels sont les éléments qu’il a fallu mettre en parallèle pour arriver à des résultats exprimés jusqu’à la précision des plus petites décimales ?

D’une part, des formules mathématiques déduites du principe de l’attraction universelle ; de l’autre, certaines irrégularités observées dans les retours de la Lune au méridien.

Un géomètre observateur qui, depuis sa naissance, ne serait jamais sorti de son cabinet de travail, qui n’aurait jamais aperçu le ciel qu’à travers l’ouverture étroite et dirigée du nord au sud, dans le plan vertical de laquelle se meuvent les principaux instruments astronomiques ; à qui jamais rien n’aurait été révélé concernant les astres roulant au-dessus de sa tête, si ce n’est qu’ils s’attirent les uns les autres suivant la loi newtonienne, serait cependant arrivé, à force de science analytique, à découvrir que son humble, son étroite demeure appartenait à un globe aplati, ellipsoïdal, dont l’axe équatorial surpassait l’axe des pôles ou de rotation de un trois-centième environ.