Astronomie populaire (Arago)/XIV/18

GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 139-142).

CHAPITRE XVIII

examen des diverses explications qu’on a essayé de donner du noyau, des taches et de leur pénombre


Suivant La Hire, le Soleil est une masse fluide dans laquelle nagent des corps obscurs. Ordinairement ces corps sont entièrement plongés, quelquefois ils viennent à la surface ; le fluide extérieur, en tournant autour du centre de l’astre, les entraîne avec lui.

Les corps obscurs, disait l’académicien de Paris, arrêtent les molécules de même nature qui flottent à la surface du Soleil ; voilà comment les parties voisines des taches paraissent toujours plus claires que le reste de l’astre ; c’est pour cela aussi qu’aux points où les taches disparaissent, après s’être enfoncées, on doit voir des facules.

Dans ce système, que serait la pénombre ? pourquoi les facules se verraient-elles tout autour des taches ? d’où viendraient les facules sans taches ? de quoi dépendent la plus grande visibilité de ces taches lumineuses quand elles sont près du bord du Soleil ?

En rendant compte de l’explication de La Hire, Fontenelle échappait aux enfoncements et surgissements successifs, à ces mouvements mystérieux des corps obscurs, à l’aide d’une remarque que nous retrouverons bientôt sous un autre nom. Au lieu de corps flottants, Fontenelle prenait un noyau solide et noir, partie intégrante du globe : « Ce sera la même chose, ajoutait-il, si l’on veut que ce liquide ait un mouvement par lequel tantôt il couvre entièrement la grande masse solide, tantôt il la laissé plus ou moins découverte. »

Voici une explication que je me garderais bien de rappeler, si son auteur, Gascoigne, n’était pas un astronome de grande réputation, celui-là même auquel les Anglais attribuent l’invention du micromètre.

Gascoigne suppose qu’il y a autour du Soleil un grand nombre de corps presque diaphanes, qui circulent dans des cercles de diamètres différents, mais dont aucun ne s’éloigne cependant de la surface solaire de plus du dixième du rayon de l’astre. Les vitesses de ces divers corps doivent être inégales et d’autant plus grandes que leurs orbites ont de moindres dimensions. De tels corps sont alors fort souvent en conjonction, et c’est la conjonction qui fait apparaître une tache ; un seul corps n’affaiblit pas suffisamment la lumière pour que l’œil puisse rien voir de sombre sur le Soleil, tandis que deux, trois ou un plus grand nombre de ces corps superposés doivent produire toutes les nuances d’obscurité que les taches solaires ont offertes aux observateurs. (Tram, philos., t. xxvii.)

Crabtree, qui a combattu cette ridicule opinion dans une lettre adressée à Gascoigne lui-même, fait remarquer que, suivant cette hypothèse, les taches changeraient continuellement de forme, comme change une volée d’oiseaux, et qu’elles auraient les vitesses les plus inégales.

Derham imaginait que les taches solaires sont toujours les effets de quelques éruptions volcaniques. Les fumées, les scories projetées constituaient, suivant lui, la tache noire. L’apparition plus tardive des flammes et des laves incandescentes donnait naissance aux facules.

Quant à l’explication des facules, le système est renversé d’un seul mot : les facules se montrent souvent avant les taches noires.

Francis Wollaston doit être classé aussi parmi ceux qui ont regardé les taches comme des cratères de volcans. Cet astronome ajoutait seulement au système de ses prédécesseurs cette condition, suivant lui indispensable, que les cratères se trouvaient élevés, qu’ils étaient situés sur des sommités de montagnes.

Maupertuis croyait-il vraiment donner une théorie des taches solaires, en disant : « Ce sont des corps qui nagent dans un fluide (incandescent), qui en paraissent comme les écumes, ou qui s’y consument. » D’où viennent ces corps ? pourquoi sont-ils entourés de pénombres ? pourquoi existe-t-il des rapports de position entre eux et les facules ? etc. : de tout cela pas un seul mot.

Lalande, développant un aperçu de Fontenelle, admit que la matière lumineuse dont le Soleil est entouré, éprouve un flux et un reflux. Par suite de cette marée, d’énormes rochers pourraient de temps en temps poindre à la surface du liquide.

Dans ce système, les portions rocheuses situées entièrement au-dessus de la matière incandescente, constitueraient les noyaux des taches ; les parties légèrement abaissées au-dessous du niveau général formeraient les pénombres.

Mais qui ne voit que ces pénombres ne seraient pas alors bien terminées, que leurs régions les plus sombres devraient toucher les noyaux. Cette conséquence, d’après les anciens témoignages de Cassini et de La Hire, est contraire aux observations. Si d’autres objections semblaient nécessaires, je demanderais comment il arrive que les noyaux se divisent.

Le système de Lalande ne peut pas supporter un examen sérieux, surtout en vue de cette observation due à Galilée, et qui montre que les taches noires ne font pas saillie au-dessus de la photosphère. Le célèbre philosophe de Florence a remarqué que l’intervalle lumineux compris entre deux taches équatoriales, quelque petit qu’il soit au moment où ces taches atteignent le centre du disque, subsiste encore près des bords ou du limbe, tandis que si leur hauteur était sensible, elles se projetteraient alors l’une sur l’autre et ne paraîtraient former qu’une tache unique.