Astronomie populaire (Arago)/XI/04

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 502-504).

CHAPITRE IV

aperçu historique sur la découverte des nébuleuses


La première nébuleuse dont il soit fait mention dans les annales de l’astronomie, est la nébuleuse de la ceinture d’Andromède. Elle fut observée par Simon Marius, en 1612. Cet astronome comparait la lumière de cette nébuleuse, située près de ν d’Andromède, à celle d’une chandelle vue à travers une feuille de corne (fig. 114[1]). La comparaison ne manque pas d’exactitude. Sa longueur est de 2° 1/2 et sa largeur de plus de 1°.

Près d’un demi-siècle s’était écoulé depuis Marius lorsque, dans l’année 1656, Huygens aperçut la grande nébuleuse de la constellation d’Orion, située près de la garde de l’épée, autour de l’étoile marquée θ (fig. 115).

« Les astronomes, dit Huygens dans son Systema Saturnium, publié en 1659, ont compté dans l’Épée d’Orion trois étoiles très-voisines l’une de l’autre. Lorsque, en 1656, j’observai par hasard celle de ces étoiles qui occupe le centre du groupe, au lieu d’une j’en découvris douze, résultat que d’ailleurs il n’est pas rare d’obtenir avec les télescopes. De ces étoiles il y en avait trois qui, comme les premières, se touchaient presque, et quatre autres semblaient briller à travers un nuage, de telle façon que l’espace qui les environnait paraissait beaucoup plus lumineux que le reste du ciel, qui était entièrement noir. On eût cru volontiers qu’il y avait une ouverture dans le ciel qui donnait jour sur une région plus brillante. »

En 1716, Halley, faisant le dénombrement des nébuleuses connues, n’en trouvait encore que six : les deux que nous venons de citer et quatre autres sur lesquelles nous allons donner quelques détails.

La première de ces quatre nébuleuses est d’une étendue considérable ; elle semble formée (fig. 116) de quatre masses distinctes dont l’une se divise à son tour en trois parties. Halley attribuait la découverte de cette nébuleuse à Abraham Ihle, mais elle avait déjà été remarquée par Hévélius avant 1665 ; elle est située entre la tête et l’arc du Sagittaire.

Vient en second lieu la nébuleuse située près de ω du Centaure ; Halley la trouva dès l’année 1677, pendant qu’il travaillait au catalogue des étoiles du ciel austral ; elle a une forme ronde remarquable (fig. 117).

Halley mentionne encore une nébuleuse située près du pied droit ou boréal d’Antinoüs que Kirch aperçut en 1681.

Enfin, en 1714, Halley fit la découverte de la nébuleuse située dans la constellation d’Hercule, sur la ligne droite qui joint ζ et η des cartes de Bayer (fig. 122) ; elle est magnifique à voir à l’aide d’un télescope puissant ; elle est frangée sur les bords de prolongements remarquables.

Pendant son séjour au cap de Bonne-Espérance, Lacaille fixa la position de 14 nébuleuses au sein desquelles ses faibles instruments ne montraient rien de défini, et celle de 14 autres nébuleuses que ces mêmes lunettes décomposaient, au contraire, en étoiles. Peu d’années après, le cadre de ces objets se trouva notablement étendu. Le catalogue de Messier, communiqué à l’Académie en 1771 et inséré, avec quelques additions, dans la Connaissance des temps pour 1783 et 1784, renferme 68 nébuleuses nouvelles ; il contient en tout 103 objets, à cause des 28 nébuleuses de Lacaille et de quelques autres. Cette branche de la science prit enfin l’essor le plus rapide, aussitôt que W. Herschel eut mis à son service de puissants instruments, une rare pénétration, la plus indomptable persévérance. En 1786, le savant astronome publia, en effet, dans le tome lxxvi des Transactions philosophiques, un catalogue de 1 000 nébuleuses, ou amas d’étoiles. Trois ans après, au très-grand étonnement des observateurs, il parut un second catalogue tout aussi étendu que le premier. À celui-ci succéda, en 1802, un troisième catalogue de cinq cents nouvelles nébuleuses. Deux mille cinq cents nébuleuses : tel fut donc le contingent d’Herschel dans une branche de l’astronomie à peine ébauchée avant lui. L’étendue est, toutefois, le moindre mérite de ce grand travail, comme on le verra dans les chapitres suivants de ce livre.

  1. Les nébuleuses mentionnées dans le texte (fig. 114 à 128) comme étant figurées, sont dessinées dans deux planches placées entre les pages 512 et 513.