Astronomie populaire (Arago)/VIII/05

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 316-323).

CHAPITRE V

nombre des constellations


Ptolémée comptait 48 constellations, 21 au nord, 15 au midi et 12 dans la région intermédiaire, près de l’équateur, ou plutôt dans cette zone du ciel que parcourt le soleil dans sa course annuelle, et que nous avons nommée l’écliptique (liv. vii, chap. iv).

Comme deux constellations contiguës ne peuvent pas s’emboîter exactement l’une dans l’autre, il y avait dans le ciel de Ptolémée beaucoup d’étoiles qui n’appartenaient à aucune des deux constellations entre lesquelles on les voyait briller ; ces étoiles, non renfermées dans les formes des astérismes, s’appelaient par cette raison des étoiles informes.

Les astronomes modernes se sont emparés de ces étoiles informes pour faire des constellations nouvelles. Par flatterie, par reconnaissance, par caprice, on fit ainsi figurer dans le ciel des noms de princes, de grands hommes, d’animaux et d’instruments de toutes sortes.

Les 12 constellations placées autour de l’écliptique et décrites par Ptolémée, sont :

Le Bélier,

Le Taureau,

Les Gémeaux,

L’Écrevisse ou le Cancer,

Le Lion,

La Vierge ou Cérès,

La Balance ou les Serres du Scorpion,

Le Scorpion,

Le Sagittaire ou Chiron,

Le Capricorne ou le Bouc,

Le Verseau ou Deucalion, ou l’Homme qui porte une urne,

Les Poissons.

Les 21 constellations placées dans le ciel boréal par Ptolémée, sont :

La Petite Ourse, ou le Petit Chariot, ou Cynosure, ou Queue du Chien,

La grande Ourse ou le Chariot de David,

Le Dragon,

Céphée,

Le Bouvier ou le Gardien de l’Ourse,

La Couronne boréale,

Hercule ou l’Homme à genoux,

La Lyre ou le Vautour tombant,

Le Cygne, ou l’Oiseau, ou la Croix,

Cassiopée, ou la Chaise, ou le Trône,

Persée,

Le Cocher, ou le Charretier, ou Érichthon,

Ophiuchus, ou le Serpentaire, ou Esculape,

Le Serpent,

La Flèche et son Arc ou le Dard,

L’Aigle ou le Vautour volant,

Le Dauphin,

Le Petit Cheval ou le Buste du Cheval,

Pégase, ou le Cheval ailé, ou la Grande Croix,

Andromède ou la Femme enchantée,

Le Triangle boréal ou le Delta.

Les 15 constellations décrites par Ptolémée vers la partie méridionale de l’écliptique, sont :

La Baleine,

Orion,

Le Fleuve Éridan ou le Fleuve d’Orion,

Le Lièvre,

Le Grand Chien,

Le Petit Chien ou le Chien précurseur,

Le Navire, ou le Vaisseau, ou Argo, ou le Chariot de mer,

L’Hydre femelle ou la Couleuvre,

La Coupe, ou l’Urne, ou le Vase,

Le Corbeau,

L’Autel ou la Cassolette,

Le Centaure,

Le Loup, ou la Lance du Centaure, ou la Panthère, ou la Bête,

La Couronne australe, ou le Caducée, ou Uraniscus,

Le Poisson austral.

Tycho-Brahé, entre les astronomes modernes, est le premier qui ait ajouté vers 1603 deux constellations à celles de Ptolémée ; ce sont :

La Chevelure de Bérénice, comprenant les étoiles informes situées près de la gueule du Lion,

Antinous, composé des étoiles qui sont près de l’Aigle.

A la même époque que Tycho-Brahé, Jean Bayer, d’après Americ Vespuce et les navigateurs qui jouirent les premiers du ciel du Nouveau Monde, ajouta douze constellations nouvelles aux constellations australes de Ptolémée, savoir :

Le Paon,

Le Toucan ou l’Oie d’Amérique,

La Grue,

Le Phénix,

La Dorade ou Xiphias,

Le Poisson volant,

L’Hydre mâle ou le Serpent austral,

Le Caméléon,

L’Abeille ou la Mouche,

L’Oiseau de paradis, ou l’Oiseau indien, ou l’Oiseau sans pied,

Le Triangle austral,

L’Indien.

Augustin Boyer, en 1679, et Hévélius, en 1690, ont formé de nouveaux groupes stellaires, parmi lesquels il y en a quelques-uns de communs ; quelques-uns aussi se trouvent déjà dans le planisphère de Bartschius publié en 1624. En défalquant les doubles emplois, on trouve 16 nouvelles constellations aujourd’hui admises ; ce sont :

11 pour Hévélius,

La Girafe ou le Caméléopard,

La Licorne ou le Monoceros,

Le Fleuve Jourdain, ou les Chiens de chasse, ou les Lévriers, ou Astérion et Chara,

Le Fleuve du Tigre ou le Renard avec l’Oie,

Le Lézard ou le Sceptre et la Main de Justice,

Le Sextant d’Uranie,

Le Petit Lion,

Le Lynx,

L’Écu ou le Bouclier de Sobieski,

Le Petit Triangle,

Cerbère et le Rameau ;

5 pour Augustin Royer,

La Colombe de Noé,

La Croix du Sud ou le Trône de César,

Le Petit Nuage,

Le Grand Nuage,

La Fleur de Lis ou la Mouche.

Halley a détaché de la partie sud du Navire Argo un groupe d’étoiles qu’il a représenté par un arbre, et qu’il appelle le Chêne de Charles II en souvenir du chêne qui a sauvé la vie à ce roi du temps de ses infortunes.

Hors-Texte : Fig. 100. — Dessins des Constellations de l’Hémisphère Boréal.
Hors-Texte : Fig. 101. — Dessins des Constellations de l’Hémisphère Austral.

Dans les cartes de Flamsteed, parmi d’autres constellations faisant double emploi avec les précédentes, on trouve en outre le Mont Ménale et le Cœur de Charles II, dont la principale étoile est placée sur le collier de Chara, l’un des Chiens de chasse d’Hévélius.

La Caille (Mémoires de l’Académie des sciences pour 1752), a cherché à combler les vides laissés par les anciennes constellations dans l’hémisphère austral, en créant 14 constellations nouvelles ; il a donné la liste suivante, que nous copions textuellement dans son Mémoire :

I. L’Atelier du sculpteur, composé d’un scabellon qui porte un modèle et d’un bloc de marbre sur lequel on pose un maillet et un ciseau ;

II. Le Fourneau chimique, avec son alambic et son récipient ;

III. L’Horloge à pendule à secondes ;

IV. Le Réticule rhomboïde, petit instrument astronomique qui a servi à dresser le catalogue fait par l’auteur, et que l’on construit par l’intersection de quatre droites tirées de chaque angle d’un carré au milieu de deux côtés opposés ;

V. Le Burin du graveur : la figure est composée d’un burin et d’une échoppe en sautoir, liés par un ruban ;

VI. Le Chevalet du peintre, auquel est attachée une palette ;

VIL La Boussole ou le compas de mer ;

VIII. La Machine pneumatique avec son récipient, pour représenter la physique expérimentale ;

IX. L’Octant ou le quartier de réflexion, principal instrument des navigateurs pour observer la hauteur du pôle, etc. ;

X. Le Compas du géomètre ;

XI. L’Équerre et la règle de l’architecte ;

XII. Le Télescope ou la grande lunette astronomique suspendue à un mât ;

XIII. Le Microscope : selon les figures qu’on lui donne ordinairement, c’est un tuyau placé au-dessus d’une boîte carrée ;

XIV. Enfin, au-dessous du Grand Nuage, La Caille a mis la Montagne de la Table, si célèbre, dit-il, au cap de Bonne-Espérance par sa figure de table, et principalement par un nuage blanc qui le vient couvrir en forme de nappe à l’approche d’un vent violent du sud-est ; d’ailleurs la plupart des navigateurs appellent Nuages du Cap, ce que nous appelons nuées de Magellan, ou le Grand et le Petit Nuage.

En 1776, Lemonnier fit, entre Cassiopée et l’étoile polaire, une constellation nommée le Renne, et il ajouta la constellation du Solitaire, oiseau des Indes, au-dessous du Scorpion.

Lalande a ajouté le Messier à côté du Renne, dans son Globe céleste.

Poczobut, en 1777, a mis le Taureau royal de Poniatowski entre l’Aigle et le Serpentaire.

Le Père Hell a formé dans l’Éridan un groupe nouveau, qu’il a appelé la Harpe de Georges.

Enfin, dans les cartes de Bode se trouvent les constellations suivantes :

Les Honneurs de Frédéric,

Le Sceptre de Brandebourg,

Le Télescope d’Herschel,

L’Aérostat,

Le Quart de Cercle mural,

Le Loch,

La Machine électrique,

L’Atelier de typographie.

Nous arrivons déjà ainsi à un total de 109 constellations. Nous ajouterons que l’on est dans l’habitude de distinguer encore la Tête de Méduse, près de Persée ; les Pléiades ou la Poussinière sur le dos, et les Hyades sur le front du Taureau ; la Massue d’Hercule ; le Baudrier d’Orion, nommé quelquefois le Râteau, les trois Rois, le bâton de saint Jacques ; l’Épée d’Orion ; les deux Anes dans le Cancer, ayant entre eux l’amas stellaire nommé l’Étable ou la Crèche ou Præsepe ; les Chevreaux ou les Boucs, placés tout près de la Chèvre, dans la constellation du Cocher.

Il est nécessaire de connaître ces subdivisions, qui portent à 117 le nombre des astérismes que l’on est à peu près convenu d’admettre.

En terminant cette fastidieuse nomenclature, je ne puis que faire remarquer, avec mon illustre ami Alexandre de Humboldt : « la grandeur incommode de ces constellations formées au hasard dans le cours des siècles, sans but arrêté ; l’indétermination de leurs contours ; les désignations compliquées des étoiles composantes pour lesquelles il a fallu parfois épuiser des alphabets entiers, témoin le Navire Argo ; le peu de goût avec lequel on a introduit dans le ciel étoilé la froide nomenclature d’instruments usités dans les sciences à côté des allégories mythologiques. »