Astronomie populaire (Arago)/VII/14

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 296-298).

CHAPITRE XIV

à partir de quelle époque les horloges de paris ont-elles
été réglées sur le temps moyen


Jusqu’à l’époque de la seconde Restauration, les horloges de Paris étaient réglées sur le temps vrai, c’est-à-dire sur les passages du soleil vrai au méridien ; il fallait donc chaque jour, ou au moins chaque semaine, modifier leur marche. Maintenant ces horloges sont réglées sur le passage du soleil fictif équatorial au méridien, elles indiquent le temps moyen ; elles sont donc tantôt en avance et tantôt en retard sur l’heure marquée par les cadrans solaires ordinaires, à moins que ces cadrans ne portent une courbe à peu près semblable à un 8, qu’on appelle la méridienne du temps moyen, et par laquelle les rayons solaires passant par le trou de la plaque du style doivent venir se projeter aux différentes époques de l’année.

Il est résulté de ce changement, que les horloges publiques ont été mieux construites, qu’elles n’ont pas besoin d’être sans cesse rectifiées et qu’elles sont plus d’accord entre elles. Il n’arrivera plus maintenant qu’un astronome puisse entendre la même heure, sonnée par différentes horloges, pendant une demi-heure, ainsi que Delambre me disait en avoir fait la remarque plusieurs fois.

M. de Chabrol, préfet de la Seine, avant d’introduire cette modification dans les horloges de la capitale, voulut pour sa garantie avoir un rapport du Bureau des Longitudes ; il craignait que ce changement n’amenât un mouvement insurrectionnel dans la population ouvrière ; que celle-ci ne refusât d’accepter un midi qui, par une contradiction dans les termes, ne correspondrait pas au milieu du jour, un midi qui partagerait en deux portions inégales le temps compris entre le lever et le coucher du soleil. Ces sinistres appréhensions ne se réalisèrent point : le changement passa inaperçu.

Quant aux horlogers, ils ont unanimement témoigné leur satisfaction de voir enfin la mesure du temps ramenée à une régularité qu’ils appelaient de tous leurs vœux ; ils ne sont plus maintenant exposés à entendre des acheteurs ignorants se lamenter de voir leurs montres en désaccord avec le soleil. Auparavant, les horlogers répondaient : C’est la faute du soleil et non celle de la montre. Peu de personnes se contentaient de cette explication, que certaines taxaient même d’impiété.

Ce qui n’était, en 1816, que de simple convenance, est devenu plus tard d’une nécessité absolue ; les moments des départs et des arrivées des convois des chemins de fer devant être réglés avec une grande précision, il est indispensable que les horloges employées dans les diverses stations soient comparables entre elles, ce à quoi on ne parviendra avec certitude qu’en les réglant sur le temps moyen. Il faut éviter surtout qu’on ne se serve dans un lieu de temps moyen et dans un autre de temps vrai, ce qui pourrait amener des différences, ainsi qu’on l’a vu plus haut, de 16m 17s, 2.

De telles dissemblances dans les heures, combinées avec celles qui tiennent à la différence de longitude terrestre, particulièrement dans les chemins orientés de l’est à l’ouest, comme celui de Paris à Strasbourg, pourraient être la cause de déplorables catastrophes.