Astronomie populaire (Arago)/VII/10

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 280-284).

CHAPITRE X

de l’influence qu’exercent les déclinaisons du soleil sur
la durée des jours dans toutes les régions de la terre


Nous admettrons que les dimensions de la terre sont insignifiantes relativement aux distances des astres, en sorte que les phénomènes rapportés a des plans parallèles seraient presque exactement les mêmes observés du centre du globe ou d’un point situé à la surface. Nous pourrons donc, sans erreur sensible, tant qu’il ne sera question que des levers et des couchers du soleil, supposer qu’il sont observés du centre de la terre, et que l’horizon ou le plan qui sépare les objets visibles de ceux qui ne le sont pas passe par ce même centre, et est parallèle à l’horizon de la surface. Pour simplifier l’explication, nous supposerons le soleil sans dimensions appréciables, ou réduit à un point lumineux. On passera facilement de cette condition hypothétique à la réalité en admettant que le point dont il faut déterminer le lever ou le coucher est de 15′ plus nord ou plus sud que le centre du soleil, le demi-diamètre ou le rayon de cet astre étant en moyenne de 15′. Nous admettrons encore que le soleil décrit chaque jour un parallèle correspondant à la déclinaison de son centre au moment où il passe au méridien pour deux jours consécutifs. Le mouvement de cet astre vers le nord ou le midi est quelquefois d’environ 20′ ; mais nous pouvons négliger ces particularités lorsqu’il s’agit seulement de faire comprendre comment le déplacement du soleil, considéré dans la direction du sud ou la direction opposée, influe sur la durée du jour.

L’observation a prouvé qu’il existe sur la terre une série de points dans lesquels les verticales sont perpendiculaires à l’axe du monde, une série de points dont les zéniths se trouvent à 90° des deux pôles. Leur ensemble constitue ce qu’on est convenu d’appeler l’équateur terrestre. Dans tous les points de l’équateur terrestre l’horizon contiendra l’axe du monde, les pôles seront situés sur deux points diamétralement opposés du grand cercle dont le contour circulaire dessine l’horizon. Prenons le soleil le 21 mars ; ce jour-là l’astre décrit l’équateur, l’équateur est partagé en deux parties égales par l’horizon des régions équatoriales, puisque cet horizon contient l’axe du monde ; il s’en suit que les deux parties comprises entre le point de lever et le point de coucher, et celle qui rattache par dessous l’horizon le point de coucher au point de lever, sont égales entre elles. Le jour est égal à la nuit, et le soleil, à son passage au méridien, est précisément au zénith. Depuis le 21 mars jusqu’au 23 septembre suivant, le soleil ne décrit plus, en vertu de son mouvement diurne, des grands cercles ; mais les centres des petits cercles parcourus sont tous situés sur la ligne des pôles, laquelle, comme nous l’avons remarqué, est dans l’horizon. L’horizon partage donc tous les petits cercles diurnes décrits par le soleil en deux parties égales, et du lever au coucher il s’écoule le même temps que du coucher au lever. En d’autres termes, le jour est constamment égal à la nuit. Les jours dont nous venons de parler se distinguent de celui du 21 mars par cette circonstance, que le soleil, au moment de sa plus grande hauteur, ne correspond pas au zénith ; le 21 juin, il en est même éloigné de 23° 27′ 1/2, valeur de l’obliquité de l’écliptique. Les phénomènes observés pendant que le soleil parcourt la partie méridionale de son orbite sont exactement les mêmes que ceux constatés dans la course septentrionale de cet astre ; l’équateur pourra donc être défini ainsi : c’est la région de la terre dans laquelle les jours sont toujours égaux aux nuits, et où le soleil passe au zénith deux fois dans l’année.

Il y a sur la terre deux contrées dont les navigateurs ont beaucoup approché sans cependant jamais les atteindre, à cause des glaces impénétrables qui les entourent, et où les deux verticales coïncideraient avec l’axe du monde, où le zénith se confondrait avec le pôle nord et le pôle sud. Nous ne parlerons que de la région nord, tout ce que nous dirons s’appliquerait mot pour mot à la région diamétralement opposée. Dans celle du pôle nord, pour avoir la direction de l’horizon, il faudrait mener par le centre de la terre un plan perpendiculaire à la verticale ; quant à l’équateur, ce plan passant toujours par le centre de la terre, devrait être perpendiculaire à l’axe du monde. Ces deux lignes, la verticale et l’axe du monde coïncidant, les plans qui leur sont perpendiculaires doivent coïncider aussi : donc la direction de l’horizon du pôle nord se confond avec celle de l’équateur. Tout ce qui est situé au-dessus de ce plan sera visible, tout ce qui sera au-dessous disparaîtra. Le soleil ayant une déclinaison boréale depuis le 21 mars jusqu’au 23 septembre, ne descendra donc pas au-dessous de l’horizon d’un observateur situé au pôle nord ; le soleil, pendant six mois consécutifs, ne se couchera pas, il décrira tous les jours une circonférence de cercle dont le plan est perpendiculaire à l’axe du monde, une circonférence de cercle dont tous les points seront à la même distance de l’horizon. Le 21 mars et le 23 septembre, jours où le centre du soleil coïncide avec l’équateur, la moitié boréale de cet astre sera perpétuellement visible dans les vingt-quatre heures, la moitié inférieure ne se verra pas. Tel est le phénomène singulier par lequel sera marquée la transition d’un jour de six mois à une nuit de semblable durée.