Astronomie populaire (Arago)/VII/01

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 247-252).

CHAPITRE PREMIER

jour sidéral


L’ensemble des étoiles répandues dans le firmament paraît entraîné de l’orient à l’occident ; ce mouvement, auquel toutes les étoiles participent, s’appelle, comme nous l’avons vu dans le livre précédent, le mouvement diurne. C’est en vertu de ce mouvement que les étoiles se lèvent, qu’elles se couchent, et qu’aux époques intermédiaires, entre le lever et le coucher, elles atteignent diverses hauteurs au-dessus de l’horizon.

Le firmament se présente sous la forme d’une sphère. Un observateur, quel que soit le lieu de la terre qu’il occupe, peut se supposer sans erreur appréciable quand il s’agit des étoiles et même du soleil, au centre de cette sphère.

Les deux points de la sphère céleste qu’on dirait immobiles s’appellent pôles. Le pôle visible dans notre hémisphère porte le nom d’arctique, celui qui est situé au-dessous de l’horizon s’appelle antarctique.

La ligne passant par ces deux pôles, la ligne autour de laquelle tous les astres paraissent faire leurs révolutions de l’orient à l’occident, semble aussi, sans erreur sensible, passer par un point quelconque du globe terrestre. Avec un peu de réflexion, on verra que cela signifie que les dimensions de notre terre sont tout à fait insensibles, comparées aux distances qui nous séparent des astres.

Supposons maintenant que dans un lieu donné on fasse passer, par la ligne des pôles et par la verticale du lieu, un plan qui sera censé immobile ; ce plan vertical est celui qu’on appelle le plan méridien. Le plan méridien coupe la sphère céleste, suivant un grand cercle qui aboutit aux deux pôles.

Cela posé, considérons l’équateur céleste, c’est-à-dire le grand cercle de la sphère, également éloigné de ces deux pôles, et qui contient dans son contour un grand nombre d’étoiles. À partir d’une quelconque de ces étoiles, divisons l’équateur en 360 parties égales, je veux dire en 360 degrés.

Par chacune de ces divisions et par la ligne des pôles célestes, faisons passer des plans. Chacun de ces plans coupera la sphère, suivant un demi-grand cercle, se terminant aux deux pôles. L’ensemble de ces 360 demi cercles partage la sphère en 360 fuseaux, semblables à des tranches de melon, égaux entre eux, larges à l’équateur et s’amincissant graduellement vers les pôles arctique et antarctique.

Les plans ou les cercles terminateurs de ces divers fuseaux, ou, en revenant à ma première comparaison, de ces diverses tranches de melon, seront, à un instant quelconque de la journée, inclinés les uns vers l’orient, les autres vers l’occident ; un seul d’entre eux, à tour de rôle, sera vertical et coïncidera avec le plan méridien. Chacun de ces cercles passera par une série particulière d’étoiles, toujours les mêmes, dont les unes seront équatoriales et les autres plus ou moins rapprochées des pôles. Cette permanence des étoiles dans le cercle qu’elles ont une fois occupé tient à ce que le mouvement du firmament s’effectue tout d’une pièce, et comme si les étoiles étaient invariablement attachées à une sphère solide.

L’équateur céleste et les étoiles qu’il renferme sont entraînés dans le mouvement général du ciel de l’orient à l’occident. Pendant la révolution de la sphère céleste, chacun des 360 plans dont il vient d’être parlé, chacun des 360 demi-cercles avec les étoiles par lesquelles il passe, viendra coïncider, se confondre avec le plan immobile du méridien ou avec la section circulaire méridienne. Le moment où un astre vient se placer dans le plan du méridien s’appelle, dans tous les traités d’astronomie, le moment du passage au méridien de l’astre en question. Le moment du passage au méridien s’observe très-facilement, soit à l’œil nu, soit à l’aide d’instruments particuliers d’une grande précision.

Le nombre plus ou moins grand de degrés de l’équateur compris entre deux de ces cercles, passant par deux astres donnés, détermine les temps comparatifs, les heures comparatives où s’effectueront les passages au méridien de ces deux astres. On voit maintenant pourquoi ces plans, pourquoi ces cercles s’appellent des cercles horaires[1].

Supposons que le temps de la révolution de la sphère étoilée, que le temps qu’emploient les 360 degrés de l’équateur à traverser le méridien, soit de 24 heures 0 minutes et 0 secondes. 24 heures égalent 1 440 minutes ou 4 minutes multipliées par 360. 1 degré emploiera donc 4 minutes à traverser le méridien. Les divers cercles horaires dont nous avons parlé se succéderont au méridien, viendront coïncider avec lui après des intervalles de 4 minutes.

Le temps de la révolution de la sphère céleste, le temps qui s’écoule entre deux passages successifs d’une étoile quelconque au méridien, le temps compris entre deux coïncidences successives d’un même cercle horaire avec le méridien, constitue ce qu’on appelle le jour sidéral.

Les 24 heures dont se compose le jour sidéral ne doivent pas être confondues avec les 24 heures d’une autre espèce dont nous parlerons dans un instant.

Pour savoir si une pendule est réglée sur le jour sidéral, si elle marque exactement 24 heures pendant la durée d’un tel jour, il faut donc observer deux passages successifs, deux passages à deux jours consécutifs d’une même étoile au méridien, ou bien le passage d’une étoile un certain jour avec le passage le lendemain de l’une quelconque des étoiles situées sur le même cercle horaire. Cette dernière remarque permet de décider si une montre, si une pendule sont réglées sur le temps sidéral, lors même qu’un nuage vient cacher, au moment de son passage au méridien, l’étoile observée la veille.

Le temps de la révolution de la sphère étoilée est le même dans tous les siècles, le même quel que soit le lieu où se fasse l’observation.

Le jour sidéral égal au temps de cette révolution jouit donc de la principale qualité qui doit appartenir à toutes les unités de mesure ; aussi les astronomes en font-ils généralement usage, soit à cause de cette propriété inappréciable, soit à raison de la facilité qu’ils y trouvent de transformer le temps en degrés.

Par l’angle compris entre deux plans ou, ce qui revient au même, entre deux cercles horaires, on entend le nombre de degrés, de minutes, de secondes qui séparent les points dans lesquels ces cercles viennent rencontrer l’équateur. Cet angle est de 1, de 10, de 20°, suivant que l’arc de grand cercle, qui fixe la plus grande largeur du fuseau, est de 1, de 10, de 20°.

Ainsi, quand on a déterminé les heures comparatives du passage de deux étoiles au méridien, on a l’angle formé par leurs plans horaires, à raison de 15° par heure, 15′ par minute, 15″ par seconde.

Indiquons encore ici un avantage très-précieux du jour sidéral et qui lui appartient exclusivement. Si une horloge est bien réglée sur la durée de ce jour, une étoile qui passe au méridien à une certaine heure, y passera à la même heure le lendemain, le surlendemain, etc., indéfiniment. Une pareille horloge s’appelle horloge sidérale.

En jetant un coup d’œil sur l’horloge sidérale, l’astronome sait donc quelles étoiles vont arriver au méridien, à quelles observations il doit se préparer.

  1. La considération des cercles horaires est contenue d’une manière implicite dans l’explication de la plupart des phénomènes astronomiques relatifs au mouvement diurne. J’ai cru que j’ajouterais à la netteté des démonstrations en ne laissant rien de sous-entendu. Je sais bien que les esprits irréfléchis éprouvent, de prime abord, quelques difficultés à concevoir que les divers points d’un cercle horaire oblique, étant à des distances différentes du méridien, viennent coïncider simultanément avec lui ; mais c’est qu’ils n’ont pas assez remarqué que le mouvement diurne qui entraîne le firmament de l’orient à l’occident, est d’autant moins considérable qu’on se rapproche davantage des deux pôles, et qu’au pôle même ce mouvement est nul.