Astronomie populaire (Arago)/VI/01

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 211-217).

CHAPITRE PREMIER

définition de l’horizon. — mouvement diurne. — ce mouvement
s’exécute tout d’une pièce et comme si les étoiles
étaient attachées à une sphère solide.


Transportons d’abord l’observateur dans un lieu où rien ne borne sa vue, sur le bord de la mer, par exemple, ou bien au milieu d’une plaine sans monticule ni bâtisse d’aucune sorte, le ciel lui paraîtra une voûte surbaissée reposant sur la terre par un contour circulaire[1].

Le contour circulaire, intersection apparente du ciel et de la terre, dont l’observateur est entouré de toutes parts, et au centre duquel il se croit situé, s’appelle l’horizon terrestre ou horizon sensible. Voyons si l’horizon peut être défini géométriquement, voyons si, en supposant cet horizon caché par un obstacle, on pourrait, dans un lieu donné, déterminer la direction de la ligne visuelle qui aboutirait aux points invisibles.

Attachons un poids suffisamment lourd à un fil très-flexible, la direction de ce fil sera la même quelle que soit la nature du poids ; cette direction s’appelle la verticale du lieu où l’on opère. Le point du ciel au-dessus de la tête de l’observateur auquel aboutit cette verticale indéfiniment prolongée, porte le nom de zénith ; le point du ciel qui rencontrerait la même verticale prolongée en sens inverse de la première fois, s’appelle le nadir[2]. Une ligne droite perpendiculaire à la verticale, quelle que soit son orientation, s’appelle une horizontale ; le plan contenant l’ensemble des lignes perpendiculaires à la verticale, et passant par un de ses points, prend le nom de plan horizontal.

Supposons que dans un lieu donné, où l’on aperçoit l’horizon terrestre de toutes parts, on fixe au sol une règle inflexible, bien dressée, parallèlement au fil à plomb, et susceptible de tourner sur elle-même sans cesser d’être verticale ; appliquons l’un des bras d’une équerre à la face verticale de la règle, et nous trouverons qu’une pinnule ordinaire, ou une pinnule télescopique, attachée à l’autre bras, pointe un tant soit peu au-dessus de l’horizon quelle que soit son orientation ; le point où s’arrête cette ligne visuelle est d’autant moins éloigné de l’horizon proprement dit, que l’observateur est moins élevé au-dessus du sol. On peut même dire, sans erreur sensible, que, pour les positions de l’observateur peu élevées, les lignes perpendiculaires à la verticale aboutissent dans toutes les directions à l’horizon. D’après cette remarque, qu’aucune observation n’a démentie, on pourra dans tous les lieux de la terre déterminer la position des lignes qui aboutiraient à l’horizon lorsque des obstacles matériels en dérobent la vue.

L’horizon terrestre qui, comme nous l’avons dit, est à très-peu près un plan, marque la limite qui sépare les objets visibles de ceux qui ne le sont pas, tout ce qui se passe au-dessous est invisible. Plaçons un observateur dans un lieu où l’horizon ne soit masqué d’aucun côté, dans une plaine de la Beauce, voisine de Paris, par exemple ; supposons d’abord que la face de cet observateur soit tournée vers cette région de la terre qu’on appelle le midi ou le sud, vers cette région où le soleil est placé au milieu de la journée, l’orient sera à sa gauche, l’occident à sa droite et le nord par derrière. Ces points : sud, nord, est, ouest, s’appellent les points cardinaux. Nous montrerons bientôt comment on en détermine exactement la position.

L’angle horizontal formé par une ligne aboutissant à un point de l’horizon avec la ligne qui rencontre le point cardinal sud s’appelle un angle azimutal. Les angles azimutaux sont quelquefois comptés à partir du point nord. L’observateur doit toujours avoir la précaution d’avertir si un angle azimutal compté sur l’horizon a pour origine le point sud ou le point nord diamétralement opposé, et s’il faut le compter à droite ou à gauche, à l’est ou à l’ouest d’une de ces deux origines.

Si l’observateur, tourné du côté du midi, porte ses regards vers l’orient, il verra les étoiles devenir successivement visibles en atteignant l’horizon dans des points qu’on appelle les points de lever, parvenir graduellement à des hauteurs inégales pour chacune d’elles, redescendre ensuite comme elles étaient montées, rencontrer l’horizon de nouveau, et disparaître dans des points qui s’appellent les points de coucher.

Les objets terrestres, dans la direction desquels un astre se lève ou se couche, restent à très-peu près constants pour un astronome qui les observe d’un point déterminé, non-seulement pendant plusieurs jours consécutifs, mais encore pendant toute la durée de sa vie.

Si l’observateur se tourne ensuite du côté du nord, il verra la même série de phénomènes, les étoiles se lèveront à l’orient et se coucheront à l’occident dans des points également déterminés comme au midi. Du côté du midi, il avait aperçu des étoiles qui ne se montraient au-dessus de l’horizon que pendant peu d’instants, qui se couchaient presque immédiatement après s’être levées ; du côté du nord, il trouvera des étoiles qui se lèveront au contraire peu d’instants après s’être couchées. Les phénomènes au midi devaient faire soupçonner qu’il y avait des étoiles qui dans leur déplacement n’atteignaient pas l’horizon, et l’observation, comme nous allons le dire bientôt, a confirmé cette conjecture. Du côté du nord, on remarquera des étoiles dont la hauteur angulaire au-dessus de l’horizon varie sans cesse avec l’heure de l’observation, mais qui ne se lèvent ni ne se couchent, en un mot qui n’atteignent jamais l’horizon. Enfin, sans cesser de regarder dans cette région du ciel, on trouve des étoiles dont le mouvement, toujours dirigé de l’orient à l’occident, est à peine sensible.

Ce mouvement général, qui entraîne toutes les étoiles avec une vitesse apparente plus ou moins grande, de l’orient à l’occident, s’appelle le mouvement diurne.

Nous avons supposé l’observateur à Paris ; transportons-le maintenant dans un point de la terre plus méridional, à Bourges, par exemple, les phénomènes du mouvement diurne s’y produiront exactement comme à Paris. Seulement on apercevra dans cette seconde station et dans la région céleste du sud, des étoiles qui étaient toujours invisibles dans la première, qui restaient constamment au-dessous de son horizon. Dans la région céleste du nord, au contraire, des astres dont la course diurne s’opérait à Paris tout entière au-dessus de l’horizon, se cachent pendant quelques instants quand on les observe à Bourges. Les étoiles qui, à Paris, restaient couchées pendant un certain temps, disparaîtront dans la nouvelle station pendant un temps plus long.

Ces phénomènes seront d’autant plus manifestes que l’observateur se sera déplacé davantage du nord au midi ; ils ne peuvent évidemment être expliqués qu’en admettant que les horizons des différents lieux de la terre ne sont pas parallèles entre eux, que les verticales auxquelles ces horizons sont perpendiculaires s’inclinent ainsi que les horizons vers le midi à mesure qu’on marche dans cette direction. Ces horizons, après s’être inclinés vers le midi, atteignent des étoiles dont la course diurne s’opérait tout entière au-dessus du premier horizon, et le mouvement de bascule soulève l’extrémité opposée jusqu’à des astres qui n’atteignaient l’horizon primitif ni le jour ni la nuit.

Nous avons supposé l’observateur dépourvu d’instruments, munissons-le maintenant d’un appareil avec lequel il pourra mesurer la distance angulaire des deux étoiles, c’est-à-dire fournissons-lui deux pinnules (fig. 87) ou deux lunettes (fig. 88) mobiles autour d’un même centre, et jointes entre elles par un arc gradué.

Fig. 87. — Mesure des distances angulaires des étoiles à l’aide de pinnules.

Fig. 88. — Mesure des distances angulaires des étoiles à l’aide de deux lunettes.

Admettons qu’à l’aide de cet instrument, l’observateur détermine la distance angulaire de deux étoiles peu éloignées l’une de l’autre quelque temps après leurs levers, qu’il renouvelle l’observation lorsque le mouvement diurne les a amenées l’une et l’autre à des hauteurs plus ou moins considérables, qu’il la répète autant de fois qu’il voudra lorsque les étoiles se rapprochent de l’horizon pour se coucher, la distance angulaire sera toujours la même.

Ce fait avait d’autant plus besoin de vérification, que par une illusion d’optique, dont nous essaierons d’assigner la cause plus tard, la distance angulaire de deux étoiles semble d’autant plus grande que ces étoiles sont plus près de l’horizon. Supposons qu’au lieu de comparer deux étoiles voisines l’une de l’autre, on les choisisse très distantes, supposons même qu’elles occupent les régions du ciel les plus éloignées, le mouvement diurne n’altérera nullement la distance angulaire qui les sépare, cette distance n’éprouvera pas la moindre variation.

Le mouvement diurne s’opère donc tout d’une pièce de l’orient à l’occident, comme si les étoiles étaient invariablement attachées à une sphère solide dont l’observateur occuperait le centre. Cette dernière conséquence ne découle pas moins nécessairement des observations que la première ; il est évident, en effet, que la distance angulaire des étoiles ne peut être la même à toutes les heures de la journée que dans le cas où elle est toujours observée du centre de la sphère, c’est-à-dire d’un point également éloigné de ceux que les étoiles occupent successivement sur la surface.

  1. Hâtons-nous de dire que cette voûte n’existe pas, que c’est une pure illusion dépendante des propriétés optiques de l’air qui nous entoure.
  2. Ces deux mots sont empruntés à la langue arabe.