Astronomie populaire (Arago)/IX/17

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 391-396).

CHAPITRE XVII

détails sur ο de la baleine


Le temps nécessaire à l’accomplissement d’une période entière d’augmentation et de diminution d’intensité de ο de la Baleine, est-il constant, et, dans ce cas, quelle en est la durée ? Les augmentations et les diminutions se font-elles avec une égale rapidité ? Combien de jours l’étoile reste-t-elle à son maximum, et combien de temps est-elle invisible ? Dans ses maxima successifs, a-t-elle toujours le même éclat ? Ces questions n’étaient presque pas posées, elles n’étaient pas du moins résolues quand Boulliaud les aborda en 1667.

À l’aide d’une discussion attentive, d’observations embrassant l’intervalle compris entre 1638 et 1660, l’auteur de l’Astronomie philolaïque trouva :

Pour le temps qui s’écoule entre deux éclats ou entre deux disparitions successives de ο de la Baleine, 333 jours ;

Pour la durée, à peu près invariable, de la plus grande clarté, environ 15 jours.

Boulliaud reconnut de plus que le moment où l’étoile, après sa disparition, commence à atteindre la sixième grandeur, est celui de la plus rapide variation d’intensité.

Il fut encore constaté :

Que l’étoile variable de la Baleine n’arrive pas aux mêmes grandeurs dans toutes ses périodes, qu’elle va quelquefois jusqu’à la deuxième grandeur, et que plus souvent elle s’arrête à la troisième ;

Que la durée de son apparition est changeante ; changeante à ce point que, dans certaines années, on a vu l’étoile pendant trois mois consécutifs seulement, et dans d’autres années pendant plus de quatre mois ;

Que le temps de la période ascendante de la lumière n’est pas toujours égal au temps de la période descendante ; que l’étoile emploie à aller de la sixième grandeur à son maximum d’intensité, tantôt plus et tantôt moins de temps que pour revenir, en s’affaiblissant, de ce maximum à la sixième grandeur.

J’ai cru devoir tracer l’histoire détaillée des découvertes faites dans le XVIIe siècle touchant les changements périodiques d’intensité de certaines étoiles. Suivant moi, il régnait à ce sujet un peu de vague, de confusion, dans les meilleurs traités d’astronomie. Ce curieux phénomène excita vivement, et de bonne heure, l’attention d’Herschel. Le premier mémoire de l’illustre observateur qui ait été présenté à la Société Royale de Londres, et inséré dans les Transactions philosophiques, traite précisément des changements d’intensité de l’étoile ο du col de la Baleine.

Ce mémoire était daté de Bath, mai 1780. Onze ans après, dans le mois de décembre 1791, Herschel communiqua une seconde fois à la célèbre Société anglaise les remarques qu’il avait faites en dirigeant quelquefois ses télescopes vers l’étoile mystérieuse. Aux deux époques, l’attention de l’observateur s’était principalement portée sur les valeurs absolues des maxima et des minima d’intensité. Les résultats avaient de l’importance.

Maxima.
En octobre 1779,
l’étoile atteignit presque la première grandeur (elle surpassait α du Bélier et n’était que peu inférieure à Aldébaran).
En 1780,
l’étoile ne s’éleva pas au-dessus de la troisième grandeur (son intensité égalait celle de δ de la Baleine).
En 1781,
éclat un peu inférieur à celui de 1780 (restée toujours plus faible que δ de la Baleine).
En 1782,
dans son maximum, ο monta jusqu’à la deuxième grandeur (aussi brillante que β de la Baleine).
En 1783,
pas tout à fait de troisième grandeur (moins brillante que δ de la Baleine).
En 1789,
de troisième à deuxième grandeur (un tant soit peu plus vive que α du Bélier).
Le 21 oct. 1790,
de deuxième à troisième grandeur (presque égale à α de la Baleine).
Minima.
Le 20 oct. 1777, invisible.
En 1783,
invisible, même avec un télescope qui montrait les étoiles de dixième grandeur.
En 1784,
Herschel l’observa avec son télescope de 6 mètres, à une époque où elle ne surpassait pas la huitième grandeur.
Durée des éclats.
En 1779, un mois entier.
En 1779, plus de vingt jours.

Il résulte du tableau précédent que l’étoile ne revient pas toujours au même éclat. (Cela se trouve déjà dans les anciennes observations, comme on l’a dit plus haut. Hévélius prétendait même que l’étoile était restée invisible depuis le mois d’octobre 1672, jusqu’au 3 décembre 1676.)

On savait que l’étoile s’éteignait ordinairement, aux époques de ses minima, pour l’astronome muni d’une lunette médiocre, et, à plus forte raison, pour celui qui étudiait le ciel à l’œil nu ; mais il n’était pas démontré qu’elle dût également disparaître dans les plus puissants télescopes. Sous ce rapport, les observations d’Herschel offrent un véritable intérêt.

Les observations faites à Slough pendant les années 1779 et 1782 montreraient elles seules que les durées des éclats de ο de la Baleine sont irrégulières ; mais cela ressort avec plus d’évidence encore, de la comparaison des résultats anciens et modernes.

Herschel trouvait, comme je viens de le dire :

Des durées d’un mois entier (en 1779), et de plus de vingt jours (en 1782).

Boulliaud fixait cette durée à quinze jours seulement.

Suivant la discussion de Boulliaud, l’étoile variable de la Baleine employait 333 jours à revenir à son maximum d’éclat.

Jean-Dominique Cassini donna un jour de plus. Il supposa qu’entre le 13 août 1596, date de l’observation de Fabricius, et le 1er janvier 1678, date d’un éclat observé, il y avait eu 89 périodes entières. Divisant alors par 89 les 29 725 jours compris entre les deux dates, il trouva le quotient 334 jours, au lieu de 333 adopté avant lui.

Suivant Herschel, la période de 334 jours ne s’accorde pas avec les époques des éclats déterminées vers la fin du XVIIIe siècle, même en rapprochant le point de départ jusqu’au maximum observé en août 1703. Herschel croyait ne pouvoir parvenir à faire concorder raisonnablement les diverses dates de maxima inscrites dans les collections académiques, qu’à l’aide d’une période encore plus courte que celle de Boulliaud, et qu’il fixait à 331 jours. Cette courte période laisserait planer le soupçon d’erreurs très-considérables sur les observations de 1596 et de 1678, soit qu’on supposât entre ces deux époques 89 ou 90 éclats. Il resterait à admettre que l’intervalle compris entre deux retours de l’étoile à son maximum d’intensité, n’est pas le même dans tous les siècles ; mais, en ce cas, pourquoi procéder par voie de moyennes ? pourquoi supposer dans les calculs une exactitude que le phénomène serait loin de comporter ? pourquoi ne pas se borner à fixer la durée de la période pour chaque époque, d’après les observations les plus rapprochées possibles ?

Des observations et des calculs de M. Argelander ont présenté les phénomènes périodiques de ο de la Baleine sous un jour entièrement nouveau. Cet ingénieux astronome trouve que la durée de la période embrassant tous les changements d’intensité de cette étoile est en moyenne de 331 jours 15 heures 7 minutes, mais que cette durée est assujettie à une variation en plus ou en moins embrassant 88 de ces périodes. Cette variation aurait pour effet d’augmenter ou de diminuer alternativement de 25 jours les retours successifs de l’étoile au même éclat.