Astronomie populaire (Arago)/IX/13

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 383-384).

CHAPITRE XIII

le nombre des étoiles est-il infini, la lumière s’affaiblit-elle par l’interposition de certain milieu élastique comparable à l’éther qui serait compris entre les étoiles et la terre ?


Le philosophe Kant se fondait sur des considérations métaphysiques pour soutenir que l’espace est infini, et partout parsemé d’astres semblables à ceux que renferment les régions jusques auxquelles nous pouvons pénétrer avec nos puissants télescopes.

C’est d’un autre point de vue que nous allons examiner la même question.

Si le monde des étoiles est infini, comme tout nous porte à le croire, il n’y a pas une seule ligne visuelle menée de la terre vers les régions de l’espace qui ne doive rencontrer un de ces astres. Quelle que soit la petitesse de leur étendue superficielle, les étoiles produiront par leur continuité l’aspect d’une enveloppe lumineuse sans aucune partie obscure. L’intervalle compris entre deux étoiles composantes de cette sphère, placées à une certaine distance, sera rempli quelquefois par une étoile située à une distance infiniment plus grande, ce qui n’empêchera pas que sous le rapport de l’intensité les phénomènes se passeront comme si toutes les étoiles étaient attachées à une voûte sphérique et à la même distance de l’observateur. L’intensité de cette voûte serait égale partout, si toutes les étoiles composantes avaient le même éclat intrinsèque. En admettant que cet éclat soit égal à celui du soleil, supposition assez naturelle, puisque le soleil est véritablement une étoile, chaque région du ciel d’une étendue angulaire de 32′ environ, nous enverrait une quantité de lumière égale à celle qui nous vient de cet astre. Les choses s’offrent à nous sous un aspect bien différent. Comment tout expliquer sans renoncer à l’idée d’un espace infini parsemé d’étoiles dans toute son étendue !

Pour concilier les résultats si opposés donnés par les lois de l’optique et par l’observation, on a admis que les espaces célestes ne sont pas complétement diaphanes, qu’ils absorbent une partie des rayons qui les traversent. Cette absorption n’aurait pas besoin d’être considérable, on rendrait compte de tous les faits en supposant, par exemple, que sur huit cents rayons envoyés par Sirius un seul est arrêté dans le passage de la matière comprise entre cet astre et la terre. Suivant cette hypothèse, combinée avec celle d’une absorption proportionnelle à l’étendue de l’espace parcouru, on trouve que des étoiles qui seraient à une distance trente mille fois plus considérable que celle de Sirius ne contribueraient en rien de sensible à la clarté de la voûte céleste.