Astronomie populaire (Arago)/III/22

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 143-145).

CHAPITRE XXII

observation des objets très-faibles


L’œil plus ou moins ébloui par l’action d’une forte lumière ne revient à l’état normal que peu à peu, la sensibilité de la rétine une fois émoussée, ne se rétablit que graduellement.

Ces faits ont dû être connus de toute antiquité. Une expérience journalière ne montre-t-elle pas, en effet, que si en venant du grand jour, on passe subitement dans un lieu très-faiblement éclairé, on a besoin d’un temps assez long pour y apercevoir les objets ?

De faibles lumières produisent des effets analogues relativement à des lumières beaucoup plus faibles encore ; de très-faibles lumières suffisent pour engendrer (si l’expression m’est permise) des éblouissements momentanés sous l’influence desquels certains objets restent complètement invisibles.

« Vingt minutes, dit William Herschel, n’étaient pas de trop quand je venais d’une pièce éclairée, si je voulais que ma vue reposée me permît de discerner dans le télescope des objets très-délicats. » Après le passage d’une étoile de deuxième grandeur dans le champ de l’instrument, il fallait à l’illustre astronome un pareil intervalle de vingt minutes, pour que l’œil reprît sa tranquillité.

Herschel fils rapporte qu’il ne commençait à voir les satellites d’Uranus dans ses grands télescopes, qu’après être resté, pendant un gros quart d’heure, l’œil appliqué à l’oculaire et en se garantissant de plus en plus soigneusement de l’action de toute lumière extérieure.

Une grande lumière empêche d’apercevoir les lumières très-faibles placées dans son voisinage.

Ce fait est constant. Je puis même citer des cas dans lesquels, chose singulière, Uranus, qui se voit à peine à l’œil nu, jouait le rôle de grande lumière.

Le premier satellite d’Uranus disparaissait toujours pendant les observations de William Herschel, faites avec un télescope de vingt pieds anglais (6m,10), lorsqu’il se trouvait à moins de 14″ du centre de la planète ; le second satellite disparaissait à son tour, dès que cette distance angulaire descendait au-dessous de 17″. De très-petites étoiles disparaissaient de même à des distances plus ou moins grandes d’Uranus, suivant leur intensité.

Le phénomène pourrait tenir à plusieurs causes distinctes ou à leur combinaison. Il serait possible que l’ébranlement communiqué à la rétine par les rayons concourant à la production de l’image de la planète s’étendît un peu au delà du contour de cette image et y rendît plus difficile la visibilité de très-faibles lumières ; on pourrait aussi imaginer qu’à raison de quelques défauts, de quelque aberration dans le miroir du télescope, l’image principale était entourée, jusqu’à de certaines distances, d’une sorte d’auréole lumineuse.