Astronomie populaire (Arago)/III/12

GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 113-116).

CHAPITRE XII

manière dont s’opère la vision


Jusqu’ici, nous n’avons considéré le grossissement d’une petite lentille que comme un fait connu de tout le monde, ou que chacun peut aisément vérifier.

Il nous reste maintenant à expliquer comment le microscope simple du naturaliste, comment la lentille oculaire grossit les objets matériels ou les images de ces objets engendrées au foyer d’une première lentille ; mais cette explication exigera que nous rendions compte de la manière dont s’opère la vision.

Revenons sur nos pas. Nous n’avons encore parlé des foyers qu’en tant qu’ils résultent des inflexions imprimées aux faisceaux parallèles ou non parallèles par une seule lentille. Il résulte du calcul et de l’expérience que ces mêmes faisceaux forment des foyers lorsqu’ils traversent plusieurs lentilles superposées ; or, l’œil de l’homme peut être considéré comme étant composé de trois lentilles en contact placées les unes devant les autres (fig. 70). La première, c’est-à-dire la lentille extérieure terminée par la cornée, est formée d’un liquide assez semblable à l’eau pure et qu’on nomme l’humeur aqueuse. Vient ensuite la lentille cristalline, formée d’un milieu consistant La troisième et dernière lentille, en contact avec le cristallin, constitue ce que les anatomistes ont appelé l’humeur vitrée.

C’est à travers ces trois lentilles en contact que les rayons lumineux qui ont pénétré dans l’œil par l’ouverture circulaire nommée la pupille, se réfractent pour se réunir sur les divers points de l’image que cet assemblage de lentilles doit produire.

Fig. 70. — Constitution de l’œil.

Lorsque nous nous occupions de l’image formée par la lentille objective d’une lunette, nous avons vu que cette image se produisait dans le vide, ou, si l’on veut, dans l’atmosphère ; les images engendrées par les trois lentilles de l’œil tombent, au contraire, sur une membrane qui tapisse le fond de l’organe et qu’on appelle la rétine. Si la rétine coïncide avec le plan focal des trois lentilles, les images qui vont se peindre sur sa surface interne ont de la netteté. Chaque point extérieur est représenté par un point, et la rétine, qui en réalité est une extension du nerf optique, va porter au sensorium la sensation sans confusion des objets extérieurs.

Supposons maintenant que la rétine ne coïncide pas avec les foyers des divers rayons.

Il y aura ici deux cas à considérer. Imaginons que les rayons se réunissent avant d’atteindre la membrane. Après avoir dépassé la surface focale, les rayons qui s’étaient croisés exactement sur chacun des points de cette surface idéale vont en divergeant ; chaque point d’un objet extérieur qui aurait été représenté par un point sans dimension, si la rétine avait été placée à la distance convenable, sera, dans sa position défectueuse, représenté par une surface d’une certaine étendue.

Les images des points voisins empiéteront ainsi les unes sur les autres, et la confusion de l’image totale ne pourra manquer de se manifester par une confusion correspondante de la sensation.

Des considérations analogues s’appliqueront au cas où la rétine est plus près du cristallin qu’il ne faut. Les foyers tendent à se former alors au delà de la rétine ; les rayons ne sont pas encore réunis lorsqu’ils rencontrent cette membrane ; elle coupe le cône formé par les rayons infléchis partis de chaque point de l’objet, avant son sommet. Chacun de ces points se trouvera représenté par une surface d’une certaine étendue. L’image totale sera confuse, quoique par une raison différente de la première, et la vision manquera également de netteté.

Comment peut-on parer à ce double inconvénient ?

Dans le premier cas, les rayons, eu égard à la position défectueuse de la rétine, s’étaient trop réfractés en traversant les trois lentilles dont l’œil est composé. Si l’on pouvait convenablement diminuer cette réfraction, on ramènerait les choses à l’état normal. Or, le foyer d’un faisceau de rayons divergents qui traversent une ou plusieurs lentilles, est toujours plus loin que le foyer des rayons parallèles. En donnant aux rayons qui pénétraient d’abord dans la pupille parallèlement entre eux une certaine divergence, les foyers qui se produisaient en avant de la rétine pourront ainsi être ramenés exactement sur sa surface.

Dans le second cas, lorsque les foyers tendent à se former au delà de la rétine, c’est que les lentilles n’ont pas suffisamment dévié les rayons qui les traversent. Il faut ajouter à cette insuffisance, en rendant les rayons convergents avant leur pénétration dans l’œil.

Ce résultat s’obtient, dans le premier cas, en plaçant devant l’œil une lentille double concave convenable, et, dans le second cas, à l’aide d’une lentille double convexe.

Ces lentilles additionnelles, que chacun doit choisir exprès suivant la nature de ses yeux, ont pris le nom de besicles.

Les yeux dans lesquels les rayons se réfractent trop, dans lesquels les surfage des lentilles ont une courbure trop prononcée, et où la perfection de la vision exige l’emploi de besicles biconcaves, s’appellent des yeux myopes.

Les yeux dans lesquels les surfaces des lentilles sont trop aplaties et ne réfractent pas assez les rayons pour amener les foyers sur la surface de la rétine ; les yeux pour lesquels il faut produire une réfraction auxiliaire, à l’aide d’un verre biconvexe placé en dehors, de l’œil, s’appellent des yeux presbytes.