Association de Demi-Vierges Vol.II/V

Bannière de début de chapitre
Bannière de début de chapitre



V


Avec un peu de retard de leur part, le général et Balbyne trouvèrent Simone qui, exacte au rendez-vous, les attendait, assise sur une chaise, tandis qu’un peu plus loin son groom gardait les chevaux. Elle remonta à cheval, et suivant le programme convenu, sous la tutelle du général qui les emmena déjeuner, elles obtinrent leur liberté de l’après-midi, après être rentrées changer de toilette et être reparties avec lui.

Elles le quittèrent après avoir fixé une heure pour se retrouver et grimpèrent dans un fiacre pour se faire conduire au cercle.

Seules dans la voiture, Simone s’empara des mains de Balbyne et lui dit :

— Ah, ma chérie, ma chérie, j’avais oublié nos plaisirs, et depuis hier, mon cœur n’a cessé de se rappeler notre ivresse !

— Va, elle a du bon, malgré le priekage et les plaisirs de la vue, du toucher, sont aussi doux entre femmes, qu’entre femmes et hommes.

— Entre amies, comme nous le sommes, mon adorée, parce que dans notre âme l’imagination aide à la sensation ; mais l’homme est plus brutal, et il y a beaucoup d’agrément à cette brutalité passionnée. Ne le reconnais-tu pas, toi, qui viens de prieker avec ton oncle.

— Oui, je ne dis pas non.

— Cette restriction ne te contrarie pas, n’est-ce pas ?

— Pas le moins du monde ! Mais, il est des choses que nous pouvons nous conter entre femmes et que les hommes seraient incapables de comprendre. Maintenant, je voudrais bien te questionner, comme j’ai questionné mon oncle, afin de m’instruire.

— N’ai-je pas commencé ?

— Ne trouves-tu pas que notre virginité, avec la quatrième manière de priekage, court des dangers ?

— Vous avez goûté aux quatre phases avec le général ?

— De la première à la dernière.

— Eh, eh, tu l’as ragaillardi ! Il est bien rare qu’il ne s’en tienne pas à la troisième, et encore plus souvent à la deuxième.

— À la deuxième ?

— La priekeuse sur ses genoux, il se repaît de ses fesses, entre lesquelles, par-dessous, il frotte sa queue et il y va de ses pleurs. Donc, la quatrième manière te chiffonne !

— S’il l’eût voulu, j’étais hors d’état de me refuser.

— La raison aurait parlé à la première atteinte, comme elle parle chez nous toutes, les anciennes, et au seul mot de : « Défiance » prononcé même très bas, il se serait repris.

— Je n’avais pas le mot ! Mais suspend-on la passion qui emporte et qu’on partage ?

— Oh, Balbyne, toi qui aimes encore le

saphisme, es-tu assez faible de volonté, pour ne pas diriger tes plaisirs, à ta guise  ? ! Une fois un priekeur, rencontré dans la rue, a failli s’oublier avec moi. Je m’y prêtais, son type d’homme m’avait donné dans l’œil.

— Dans la rue, mais il est des signes de reconnaissance qui peuvent attirer l’attention du passant.

— Détrompe-toi  : c’est si rapidement et si naturellement échangé, si habilement exécuté, les nuances adoucies selon le plus un moins de monde qu’on a autour de soi, que nul ne saurait s’en apercevoir. Mon priekeur m’avait conduit dans sa garçonnière. Je me trouvais en présence d’un charmant homme, que je ne connaissais pas, et qui accusait à peine trente ans. Il en a quarante-deux. Nous nous plaisions mutuellement. Par habitude j’exécutais les signes de début, et qui voilent l’imprévu de la situation, en réglant les premiers plaisirs.

— Il y a donc des signes pour indiquer les plaisirs.

— Sans doute  ; autrement il en est qui resteraient embarrassés tout le temps. Après le salut de réception, les mains jointes, le sais-tu ?

— Oui.

— Quand le priekeur a palpé les fesses de la priekeuse, celle-ci met la main sur ses yeux et il doit se lever pour suivre ses signes de désir.

— Mon oncle ne m’en a pas parlé.

— Il ne pensait qu’à lui. Pour voir l’homme, on touche l’épaule au priekeur et il sort sa queue. On lui rend la politesse en se montrant : on manifeste le désir de contemplation en se retroussant jusqu’à la ceinture et en se touchant le nombril. Il y a un certain nombre de priekeurs que ça amuse, et il y en a d’autres que ça énerve. Alors c’est très drôle. Moi, je m’offre souvent cette fantaisie : me faire voir et voir, en reculant tant que je puis le toucher. Avec ce priekeur, je ne sais comment il s’y prit, je fus séduite par son admiration et aussi par sa tenue, et glissant rapidement sur les signes, je lui dis « Agis », ce qui donnait l’autorisation d’écouter ses propres caprices.

— C’est une vraie science que de savoir se guider entre priekeurs et priekeuses.

— Quelle erreur ! Cela se retient en une seule leçon. Mon priekeur me témoigna la joie la plus vive et nous filâmes, je ne te le cacherai pas, du parfait amour. Je m’échauffai aux gestes polissons que nous ne cessions d’échanger (il y a du sentiment là-dedans, je t’assure), et il pensa à la quatrième manière. Il m’avait placée à cheval sur ses genoux et sa queue frappait à coups redoublés entre mes cuisses, ne me chatouillant plus comme il devait le faire. J’étais très émue et la manœuvre ne me déplaisait pas. Néanmoins, me sentant faiblir, je prononçai le fameux mot « Défiance », et il suspendit le jeu, pour me rappeler que la règle du priekage contenait un léger amendement. En effet elle dit : « En aucun cas, la possession n’est autorisée, ni devant, ni derrière ».

— Derrière ?

— Oui, par le cul ! Ça se fait aussi.

— On n’a pas d’enfant par là ?

— Non, mais cela peut abîmer.

— Ah !

— Je reprends : « La possession n’est autorisée ni devant, ni derrière. Cependant, il est permis d’entrer la tête de la queue dans le con, afin de la bien arroser par la liqueur de la priekeuse, mais le priekeur ne jouira pas dedans. Autant que possible la priekeuse surveillera l’humidité de la queue et elle la poussera à l’éjaculation en la poussant sur ses seins, ce qui les rendra durs et blancs.

— Oh, cette clause est terriblement élastique.

— Nos seins hier ont reçu leur tribut masculin.

— Oui, mais on n’avait pas essayé de glisser la tête en nous, ce qui est un commencement de dépucelage, et tu avoueras qu’au moment où elle excite notre jouissance, il devient impossible de la dompter.

— Eh bien, j’avais affaire à un galant homme : le récompensant de s’être arrêté à mon mot de « Défiance », après qu’il m’eût cité la règle, je plaçai moi-même la tête de sa queue entre les lèvres de mon con et l’aidai à m’en chatouiller. J’éprouvai une très douce ivresse et, tu l’as constaté, ma virginité est demeurée intacte. Quand il se sentit à bout, il grimpa jusqu’à mes seins, et ils furent inondés, je te le garantis.

— Si tous les priekeurs sont aussi raisonnables, il dépend absolument de nous seules d’être préservées de tout danger.

— Nous serions bien sottes de commettre des imprudences : toutes les formalités des signes et des poses amusent tellement qu’elles cuirassent le cœur et qu’on pense seulement à la petite sensation, non plus à la grande qui occasionne tant de tourments par la grossesse. Mais, nous voici arrivées.

— Nous nous arrêtons à cette église ?

— Oui, suis-moi, tes étonnements ne sont pas finis.

Simone paya le cocher et les deux jeunes filles pénétrèrent dans une église, située tout en haut du quartier de Vaugirard. Elle était déserte.

Elles s’agenouillèrent quelques secondes devant l’autel de la Vierge, puis, Simone précédant Balbyne, elles sortirent par une porte de côté, traversèrent un passage inhabité et entrèrent dans un grand jardin, planté de légumes, où, sur leur gauche, elles se dirigèrent vers une maison de petite apparence.

Sur le seuil de cette maison, Simone salua une grosse femme, lui remit une pièce de un franc, franchit le seuil et vint sortir par une porte placée juste en face de l’entrée sur un autre jardin, celui-là semé de fleurs, très bien réglé comme allées, avec une jolie maison bourgeoise sur la droite.

Cette maison était adossée contre un mur très élevé, derrière lequel se devinait un important établissement.

Le jardin de fleurs et la maison étaient à l’abri de tout regard indiscret, par l’absence d’immeubles voisins, et les jeunes filles ayant quitté l’habitation de la grosse femme, une cloche sonna annonçant leur approche.

Elles marchaient dans une allée ombragée, les conduisant à la maison, Simone dit à Balbyne :

— Nous allons voir le secrétaire du Cercle. C’est lui qui t’autorisera à y entrer, en attendant que tu en aies le droit par ton admission. — Qui est-ce ?

— Un priekeur naturellement, un bon abbé, très affable et très gai.

Elles montèrent au premier étage et Balbyne lut sur une porte : Secrétariat.

À leur apparition, un prêtre qui, debout, écrivait sur un registre, se retourna et les salua :

— Bonjour, Simone, tu es de nos côtés, toujours bien portante et toujours satisfaite !

— Toujours, l’abbé, et toi, toujours bon garçon et toujours priekeur.

— Je le mourrai, ma fleur ! Mais… je ne connais pas…

— Mademoiselle Balbyne, mon amie, postulante.

— Non encore initiée. Je viens justement de recevoir sa fiche, tiens, vois.

— Eh bien, est-elle favorable ?

— Des plus favorables.

— L’initiation marche bon train, tu vas me donner un bon de passe pour elle.

— Tu la mènes au Cercle ?

— Ça nous ferait plaisir.

— Sait-elle assez de signes et des formules ?

— Faites-vous le salut de reconnaissance, tu jugeras de ses dispositions.

Se tournant vers Balbyne, elle lui dit :

— Tu n’as qu’à imiter.

L’abbé s’avança près de Balbyne, s’inclina en un salut demi-respectueux, qu’elle rendit ; il souleva sa soutane et montra sa queue hors de la culotte. Balbyne se troussa par devant, releva la chemise sous le pantalon, exhiba ses cuisses et son ventre. L’abbé lui posa un doigt sur le clitoris, elle posa la main sur sa queue. Ils restèrent ainsi une seconde, puis l’abbé se recula, se remit en posture décente, et tapotant les joues de la jeune fille, dit :

— Je vais lui donner sa carte de pose, elle fera bien dans notre petite légion.

— Rien de nouveau par ailleurs ?

— Si : nous avons trois priekeurs de plus.

— Le nombre augmente.

— Oh, il est bien inférieur à celui des priekeuses. On éprouve de la difficulté à trouver des hommes assez sérieux, assez discrets et surtout assez maîtres d’eux, pour ne pas abuser d’une jeune fille et se contenter de simples attouchements. Il est vrai que quand on s’y accoutume, comme moi, on finit par les trouver bien plus agréables que le brutal acte de possession. J’ai du bonheur pour mon après-midi, rien que d’avoir vu et touché ton amie mademoiselle…

— Balbyne.

— Nom charmant ! Nous ne priekerons pas : tu dois être impatiente de lui montrer le Cercle. Voici sa carte.

— Merci, mais si tu veux voir et toucher avant que nous descendions, nous ne te le refuserons pas. Tu as envie de quelque chose, allons, dis vite.

Il réunit les deux poings, et Simone riant dit à Balbyne :

— Tu as vu le signe, il demande à voir notre cul, rien qu’à le voir. Satisfaisons-le.

Toutes les deux se troussèrent par derrière, l’abbé secrétaire, l’abbé Riousse fit claquer sa langue et murmura :

— Ils se valent ! Sauvez-vous mes mounettes, laissez-moi à mon travail ! Tu sais, Simone, il y aura au gymnase des élèves du pensionnat Gaytries : elles vous enlèveront une partie de l’attention que vous méritez.

— il y a du monde ?

— Heu, heu, une dizaine de priekeurs et déjà quatorze à quinze priekeuses.

— Nous ne cherchons pas le plaisir, aujourd’hui, nous visitons, nous n’augmenterons pas le nombre des assoiffées.

— On s’entend toujours. Au revoir. Faites bien attention à la bascule.

À la stupéfaction de Balbyne, Simone la fit descendre à la cave, par un escalier très propre et très convenable.

Dans une pièce, contre les quatre murs de laquelle étaient alignées de nombreuses bouteilles vides, couchées sur des rayons en fer, Simone prit son amie par la taille et, l’appuyant contre une rangée, lui recommanda de ne pas bouger. Elle poussa fortement une bouteille, du milieu, contre le mur, on entendit un coup sec, et soudain le plancher s’enfonça lentement.

— Ne crains rien, et attends que ça s’arrête, dit Simone.

— Pourquoi aurais-je peur ? La curiosité est bien plus forte.

— Elle a de quoi s’alimenter, tu verras.

Une seconde, l’obscurité entoura les jeunes filles, le jour très faible venant du trou formé par la partie du plancher qui les soutenait ; puis elles distinguèrent la clarté de lumières, le plancher stopa, un déclanchement retentit, Simone tendit la main à Balbyne ; elles étaient de plein pied dans une longue galerie souterraine, éclairée de distance en distance par de grandes lampes.

Simone donna un coup à un pilier, et le plancher remonta.

— Voilà la sécurité, reprit Simone. Personne ne soupçonne l’existence de cette galerie, qui nous met en communications avec un grand couvent, avec l’église dont nous sommes parties, avec le Cercle, le pensionnat Gaytries et cinq maisons différentes dans le genre de celles dont nous venons. Vois, voici une seconde galerie qui coupe celle-ci en croix : à droite, on va directement sous l’église ; à gauche, nous allons au Cercle.

Poser des questions, ce n’était pas l’heure. Balbyne suivit son amie.

Au milieu de la galerie, à gauche, elle remarqua, contre le mur, un casier en fer, garni de bouteilles pleines. Simone pressa un coin de ce casier, qui pivota sur lui-même et ouvrit le passage d’une cave.

— Ici, nous sommes à hauteur ordinaire, murmura Simone ; la cave est remplie d’excellent vin.

Le bruit de nombreuses voix parvint jusqu’à Balbyne ; Simone ajouta :

— Nous sommes dans les dépendances du Cercle ; prends garde à ces trois marches ; par un couloir en pente douce, partant d’une antichambre, nous arriverons à notre monde.

Au bout des trois marches, en effet, la porte ouverte, Balbyne reconnut une antichambre plongée dans une demi-obscurité et assez vaste, entourée de porte-manteaux, auxquels elle vit suspendus des jupes et des paletots.

De chaque côté de cette antichambre, et en face, s’étendaient des couloirs ; elles s’engagèrent dans celui de face, d’où venait le bruit des voix.

À travers des portes ouvertes, à droite, à gauche, Balbyne entrevit divers salons, une salle de lecture, une salle de bains, et pénétra dans un immense hall vitré, orné de tous les appareils nécessaires à la gymnastique, auxquels s’exerçaient des fillettes de quatorze à quinze ans, dans des costumes mi-masculins, mi-féminins, sous la direction d’un professeur d’une quarantaine d’années. Tout autour, des canapés, des divans, des fauteuils servaient de sièges à des jeunes filles, à des femmes un peu mûres, dont une de corpulence… assez forte, mais très gracieuse, que Simone dit être madame Gaytries, et à quelques Messieurs batifolant de ci de là.

Le professeur de gymnastique donnait sérieusement sa leçon, mais ne négligeait pas de peloter de temps en temps celles qui se balançaient en trapèze, et lançait des plaisanteries qui témoignaient de son entente avec tous.

L’arrivée de Balbyne et de Simone ne provoqua aucune distraction, et elles purent s’approcher de madame Gaytries sans déranger personne.

— Bonjour, mes mignonnes, dit la directrice de l’institution de ce nom. Vous êtes de plus en plus fraîche, Simone, vous nous amenez ?

— Mon amie, mademoiselle Balbyne de Primetard, postulante, et bientôt admise. Qui est de service pour les bons de passe ?

— Mademoiselle Jerbie.

— Ah, vous, Jerbie, dit Simone à l’une des femmes mûres, l’antithèse de madame Gaytries, une grande personne maigre, osseuse, aux pommettes saillantes, mais aux yeux très vifs et au sourire accueillant ; voici le bon de mon amie.

— Bien, ma chère Simone, tu es libre d’aller et de venir avec elle, partout où il te plaira.

— S’amuse-t-on ?

— Comme ci, comme ça, il n’y a pas encore d’entrain. Juges-en. On cause comme dans le monde. Là-bas, un groupe de priekeurs, attachés aux exercices gymnastiques de nos fillettes ; de ce côté, un groupe de priekeuses plaisantant entre elles ; trois couples à peine, sur la droite, en train d’ébaucher une entente ; dans les salons, peut-être pas six personnes.

— Il y a cependant des jupes suspendues.

— Des liseuses, qui se seront mises à l’aise à tout événement. Ah, bravo, à la bonne heure, voici deux boute-en-train !

Deux Messieurs apparaissaient, du côté opposé à celui par lequel étaient survenues les jeunes filles. Madame Gaytries se leva à leur vue, pour leur adresser un signe d’amitié, et ils s’approchèrent du groupe qui l’entourait.

— Bonjour, Gaytries, dit familièrement l’un d’eux.

— Bonjour, compère, répondit-elle.

— On va bien, tout le monde ?

— Tout le monde, tout le monde ! Vous allez jeter de l’animation, hein, on dormait.

— As pas peur, ma caillette. Ah, les belles assises !

— Elles ont du poids, mes fesses, mais cela ne leur enlève pas leurs amateurs.

— Je te crois, bellissime.

Les nouveaux venus étaient deux robustes gentlemen de quarante à quarante-cinq ans : messieurs Paul Séroulan, gros rentier, et le docteur Louis Piferrin, une sommité du monde médical, n’engendrant, ni l’un, ni l’autre, la mélancolie, et tous les deux imbus du principe que le plaisir est encore la meilleure des hygiènes.

Piferrin, sans autre forme de procès, expédia les mains sous les jupes de madame Gaytries et cria :

— Mesdemoiselles et Messieurs, de grâce, un salut à la pleine lune.

Il retroussa la directrice, qui n’opposa aucune résistance, et son astre immense se profilant, on accourut et on s’exclama :

— Vivat, Vivat, vive Piferrin, vive Gaytries.

— Qui le baise ? demanda-t-elle.

— Moi, charmante demoiselle, répondit Piferrin, et cela me revient pour l’avoir découvert.

— Oh découvert !

Paul Séroulant s’était dirigé vers le maître de gymnastique, Arthur Lemollard, et lui serrant la main, dit :

— Sans entraver la leçon, ou peut bien rigoler !

— Oui, oui, clamèrent les fillettes, gamines délurées et déjà façonnées au priekage par leurs chères maîtresses.

— Rigolons, répliqua Lemollard, et remplacez-moi, je vais souhaiter un bonjour à la nouvelle de là-bas.

— L’amie de Simone ! je n’avais pas remarqué, une belle blonde.

— Elle a des yeux canailles.

— Vous distinguez déjà ça, Lemollard.

— Oh, je m’y connais, et j’y suis bien obligé avec ces fripouilles de garcettes ! tenez, regardez-moi cette galopine, la plus petite, là, et qui est la plus âgée de la classe, elle vous guigne et étale ses deux cuisses.

— Ah oui, oui, c’était entendu. Allons-y, Mesdemoiselles je vais achever votre leçon de gymnastique, par les exercices des bras, placez-vous en ligne.

— Vive Séroulan.

Lemollard libre, vint s’incliner devant Balbyne et porta la main sur sa poitrine.

— Il te demande le priekage, lui dit Simone, accepte en faisant le salut qu’on t’a appris chez mademoiselle de la Garinière, soulève les jupes par devant jusqu’aux genoux.

— Oui, je comprenais, répondit Balbyne s’exécutant.

Des yeux, Lemollard dévora le bas de ses jambes, il lui offrit la main, elle laissa tomber la sienne dedans et l’accompagna sur un canapé.

On aurait dit que cela devait être le signal de toutes les licences. Le calme qui régnait cessa, et aux éclats de rire des fillettes, se patouillant entr’elles, patouillant les hommes qui s’aventuraient dans leurs rangs, patouillées par eux, se joignirent des scènes d’une excessive lascivité se jouant sur les canapés, sur les fauteuils.

Chose extraordinaire ! Dans cette réunion de jeunes filles ; toutes d’une beauté indiscutable, les femmes mûres ne chômaient pas. Avaient-elles plus d’acquis, plus de science, le docteur avait presque dévêtu madame Gaytries et ne se lassait pas de fêter ses gros tétons et son gros cul, tandis que mademoiselle Jerbie donnait une leçon de suçage à trois fillettes, se prêtant successivement à deux priekeurs qui la sollicitaient.

— Considérez bien, mes petites, petite bouche pour commencer, grande bouche pour finir, avec des coups de langue enveloppants pour maintenir son sujet. Ces cochons d’hommes sont pour nous rendre cochonnes. Je donnerai un prix à celle de la classe qui sera la plus cochonne.

Sur le trapèze, des fillettes se balançaient, s’appuyant sur le ventre, et au mouvement des cordes, des mains leur happaient les fesses, couraient dans leurs cuisses, leur arrachaient des petits cris de volupté.

Puis, il y en avait qui quittaient le hall, se réfugiaient dans les salons pour des licences plus grandes ; la surveillance n’existait plus, le priekage se déroulait de tous les côtés à la fois, et les fillettes, se divisant, échangeaient les signes maçonniques pour raccrocher des amateurs, s’élançaient vers les couloirs, poursuivies par les galants provoqués, en un clin d’œil se débarrassaient de leur costume de gymnastique, se montraient en chemise et même nues.

— Balbyne avait reçu les ardentes minettes de Lemollard et l’avait sucé : un priekeur était survenu, un prêtre arrivé depuis quelques minutes, et Lemollard la lui céda.

Le prêtre était le fameux abbé Béron que Simone lui avait envoyé.

— Mademoiselle Balbyne, murmura-t-il, en l’entraînant vers un salon, une ancienne des Bleuets ?

— Vous le savez.

— Votre amie Simone m’a parlé de vous.

— Vous êtes l’abbé Béron.

— Justement,

— Les amis de nos amies sont nos amis.

Un nouveau priekage commença plus accentué, plus dévêtu sur la demande de l’abbé, Balbyne quitta robe et jupons, se mit en chemise.

— Le cercle, lui dit-il, est le point central de l’association, on y peut tout ce qu’on veut : s’amuser par couples ou par groupes.

— Vous dirigez l’association, vous, les prêtres, et je le reconnais, nous n’avons pas à nous en plaindre.

— Nous assurons vos voluptés, mon enfant, nous les protégeons plus que vous ne pourriez l’imaginer. Nous avons créé ce cercle, nous avons établi les groupes, nous avons donné les moyens de se reconnaître entre priekeurs et priekeuses, le bonheur est pour vous comme pour nous.

Parler, on n’en avait pas le temps ; les scènes se multipliaient et Béron agenouillé soulevant la chemise de Balbyne, la contemplait avec délices et la pelotait avec dévotion, avant de lui darder des coups de langue.

Elle s’échauffait et de son pied nu s’amusait à le souffleter, en disant :

— Dis, tu te montreras aussi et je te tripoterai à mon tour.

Simone apparut en petit jupon, sautillant et riant, les seins hors de la chemise, poursuivie par Paul Séroulan, la queue à la main, la menaçant de lui envoyer dans le cou le jet de son sperme, si elle ne s’arrêtait pas.

Passant près de Balbyne, debout, avec la tête de Béron entre ses cuisses, commençant à la délecter de minettes, elle lui dit :

— Ne t’attarde pas trop aux plaisirs, cours plutôt avec moi, voir et être vue.

Balbyne voulut s’échapper, Béron la retint par les jambes, en murmurant :

— Ne l’écoute pas, prieker est bien meilleur que d’assister aux ébats des autres.

Séroulan attrapa Simone ; la troussant prestement sur les fesses, il lui appliqua plusieurs coups de queue sur le cul. Saisissant son petit jupon et sa chemise, elle lui présenta le cul et cria :

— Pisse ton jus, si tu es prêt, tien au bon milieu.

— Non, je ne le pisserai pas, répondit-il en se précipitant sur les genoux et lui faisant feuilles de roses, je veux que tu me masturbes. — Viens vite sur ce canapé, ma main est à ton service.

Balbyne suivit l’impulsion de Béron, glissa sur le tapis et, le prêtre ayant quitté sa soutane, ils se mirent en soixante-neuf. Une voix cria :

— Bravo, bravo, on ne perd pas son temps.

La grosse madame Gaytries entra, les jupes sur les bras, étalant son gros cul et ses grosses cuisses d’une telle blancheur qu’elles fulguraient au milieu des tentures sombres du salon.

— Oh, dit Béron suspendant ses caresses, ta lune, par hasard, serait-elle solitaire, qu’elle rayonne par ici ?

— Solitaire, l’abbé ; on me l’a tant pourléchée dans le hall, qu’elle cherchait un coin désert où se reposer, pour esquiver ses trop avides amateurs.

— Un coin désert, toi, Gaytries ! chantonna une voix flûtée ; ah, je te retrouve.

— Elle ne t’échappera pas, Manoussin, il n’y a rien comme ton gros canon pour la chatouiller gentiment.

Un nouveau venu pénétrait dans le salon, Hippolyte Manoussin, conseiller de cour, d’une cinquantaine d’années, petit, sec, nerveux, à moitié dévêtu, n’ayant que le pantalon, retenu par des bretelles, avec tous les boutons défaits, pour laisser voir une queue très longue et très en érection.

— Hé là, cria Séroulan, sur qui Simone était étendue en travers pour le masturber, tout en lui offrant la vue de ses fesses, prête vite ton cul à ce glouton, Gaytries, sa queue a soif, bien soif.

— Tout de suite, oh non, par exemple, il faut qu’il le gagne.

— Qu’exiges-tu de ton serviteur ? répliqua Manoussin, en présentant sa queue.

— Oh, qu’elle est belle, qu’elle est belle, murmura Gaytries la pelotant avec tendresse ; Mesdemoiselles, Mesdemoiselles, quittez vos priekeurs, venez voir ça, mes minettes.

Malgré la mauvaise humeur des Messieurs, Simone et Balbyne accoururent et Manoussin, apercevant cette dernière, s’exclama :

— Tiens, je ne connais pas celle-là, comment t’appelles-tu, camisarde ?

— Elle est postulante, répondit Simone, et mon amie, mademoiselle Balbyne de Primetard.

— La fille de l’industriel ?

— Sa fille.

— Bon, qu’elle me suce, ou j’envoie un véto à son admission définitive.

— Cochon, répliqua Simone, tu en voulais au cul de Gaytries, et, maintenant, tu exiges la bouche de mon amie, qui est en priekage avec Béron !

— Béron, un ami, un frère, nous étions ensemble aux Bleuets la semaine passée ; puis, je ne dis pas que je la garderai, ton amie ! Gaytries a bien compris que son cul avalerait toute ma provision de… liqueur.

— Oui-da, intervint celle-ci, pourvu que tu ne la fasses pas trop attendre, mon beau seigneur ! Tu sais, les amateurs pullulent.

— Qu’elle suce pour prouver sa sincérité de priekeuse, et je m’engloutis dans ton adorable fente.

— Regardez-moi ça, il y a de la place, Hein !

— Oh, je t’en supplie, ne me tentalise pas ! Je me dévoue à cette petite qui hésite bien longtemps ! Veux-tu, oui ou non, me sucer, Balbyne la postulante ?

— Vas donc, dit Simone à son amie, et donne un coup de dent à ce salop.

— Toi, Simone, souviens-toi de ma prédiction.

— Tu m’embêtes.

— Pendant qu’elle me suce, je vais la conter.

— Qu’est-ce que cela me fait ! Elle te suce, et pas mal encore, n’est-ce pas, renvoie-la à Béron et occupe-toi de Gaytries. Tiens, Gaytries, elle nous a faussé compagnie.

— Gaytries partie, oh, la coquine ! Merci petite, à une autre fois, retourne à Béron. Gaytries envolée avec son gros cul qui convient si bien à ma queue ! Ça n’empêche, Simone, tu sais, toi, tu ne sortiras pas de l’association pour cause de mariage, tu en sortiras pour cause de putanerie, ma fille, tu as de la putain dans l’âme, putain tu seras, et putain, tu ne seras plus vierge.

— Tiens, mauvais sorcier, voilà le paiement de tes prédictions : quand nous serons à dix, je te…

— Tu me…

— Je te garde la surprise.

Simone avait allongé un coup de pied dans le derrière de Manoussin, qui, tout riant, s’élança au dehors pour retrouver Gaytries.

Balbyne, après les quelques suçons qu’elle venait d’octroyer, restait agenouillée, ne sachant quel parti prendre. Simone l’aida à se relever, lui donna le bras, et

— Au revoir, les mizots, nous retournons au hall ! Vous n’avez pas su retenir vos priekeuses, nous usons de notre droit. Vous avez la permission de nous y suivre, ou de nous y rejoindre. Mon amie a plus besoin de s’accoutumer à l’ensemble que de vivre les détails pour aujourd’hui.

Des protestations s’élevèrent, mais elles ne les écoutèrent pas et reprirent le couloir.

Oh, le hall ! il était en pleine animation. Des priekeurs et des priekeuses l’avaient envahi, et partout on échangeait mille polissonneries, dans lesquelles les femmes mûres et les fillettes se remarquaient au premier rang. Mademoiselle Jerbie ne chômait pas plus de complimentateurs que madame Gaytries. Elle était toute nue, avec plutôt l’aspect garçonnier que fille par sa sécheresse de corps et sa peau brune ; mais elle avait un débraillé de membres qui attirait après elle toute une meute de gros bedonnants et de fillettes, riant les uns et les autres comme des fous, à ses gestes faubouriens, entremêlés de propos obscènes.

— J’aime les hommes et j’aime les filles, disait-elle : j’ai du goût pour les pics et les vallons, pines et cons vont dans ma bouche.

— Mademoiselle Jerbie, criait une fillette de quatorze ans, la tirant par le bras, une blondinette accorte et mutine, encore toute habillée, avec cependant sous les jupes la main d’un homme de haute taille, presque un géant, Jerbie, Jerbie, dis, fais mon petit mari et gratouille-moi le cul à la place de ce grand Tisseterre.

— Ah, ma finette, tu perdrais au change, laisse ton cul à Tisseterre, nous avons le temps de nous retrouver et lui n’est que de passage à Paris.

— Tu crois qu’il m’amusera ? il me demande à me mettre tout nu sur son tonneau de ventre.

— Mon tonneau de ventre, oui mon tonneau, ma petite, et tu crèveras de rire dessus.

— Je rirai !

— Tu appliqueras des coups avec ton joli joli petit cul et il te répondra : glou, glou, glou.

— Oh, et puis, peut-être tu serais pas convenable, je veux pas.

— Petite sotte, intervint Jerbie que patouillait Lemollard, ici, tout le monde est convenable. Mets vite ton cul sur son ventre.

— Oh, je veux bien, mais j’eusse préféré que tu jouasses au petit mari avec moi, mademoiselle Jerbie.

Avait-elle le loisir de s’arrêter à cela, Balbyne, à cela et aux autres scènes qui se déroulaient de tous côtés, en une franche allure d’entente générale. Toujours en chemise, elle circulait au bras de Simone en petit jupon et toujours les seins libres, elle voyait les regards masculins la fouiller d’un rapide coup d’œil, sentait quelques mains l’agripper par un pan de sa chemise, elle se prêtait à la contemplation, au toucher, écoutait maints propos, saluait avec son amie, répétant sans cesse les mêmes paroles.

— Simone, tu ne priekes pas ?

— Pas pour l’instant, je promène mon amie.

— On priekerait ensemble.

— Faut se réserver, on a déjà mouillé.

— Oh, Simone, Simone.

— Tu as du jus ! Il ne manque pas de priekeuses, elles sont toujours en majorité avec les fillettes de Gaytries et ses institutrices.

— Tout à coup des acclamations retentirent : l’abbé Tisse apparaissait, escorté de quatre autres prêtres, jeunes et vigoureux gaillards, propres à contenter un essaim de priekeuses.

On se précipita pour lui baiser la main, et lui, étendant le bras, prononça avec une certaine solennité :

— Je vous bénis, mes enfants, vous et vos plaisirs, car vous n’oubliez pas le Seigneur auquel vous appartenez, ni ses ministres.

Balbyne se trouva portée à son côté par son amie Simone, et celle-ci l’interpellant dit :

— Elle est déjà du temple, mon père, comme vous voyez, elle est dans l’arche pour tous nos frères.

Un moment il plana du regard sur les deux jeunes filles, il posa un doigt sur un sein de Simone et l’y maintint plus d’une minute, marmottant une prière quelconque ; puis, il glissa une main sous la chemise de Balbyne, la pelota, en continuant de marmotter des paroles latines, et enfin dit :

— Elle est des Bleuets ; encore trois visites à la Garinière et nous la baptiserons. Seulement, il faut un autre parrain que le général. Autant que possible, ne jouons pas de la parenté.

— Quel parrain lui donner ?

— Voyons, il n’en manque pas ici. À qui a-t-elle eu affaire ?

— À Béron, il est prêtre ! À Lemollard, À Manoussin, une seconde. Chez la Garinière, à Issitus et à Lhermineux.

— Attendez, attendez, Manoussin, c’est très bien. L’accepteriez-vous, ma mignonne ?

— Oui, j’ai déjà fait connaissance.

— Eh bien, je vais régler la chose et, dès la semaine prochaine, vous serez définitivement des nôtres.