Asseuré suis d’estre prys et lyé

Asseuré suis d’estre prys et lyé
Œuvres complètes de Saint-Gelais, Texte établi par Prosper BlanchemainDaffis (Bibliothèque elzévirienne)tome 1 (p. 280-281).

SONNET I.


Asseuré suis d’estre pris et lié ;
Mais asseurer ne puis l’heure et raison[1],
Que je changeay ma franchise à prison,
Dont mon orgüeil fut tant humilié.
Si long-temps fut couvert et pallié
L’amer du doulx et l’erreur de raison,
Que je cuidois en prenant la poison[2],
Estre immortel et des dieux allié.
Œuvre ne fut d’un jour ne d’une annee
Ce changement ; mais de main longue et forte
En fut la rets tissue et ordonnée ;
Dont aux effets du ciel je la rapporte,
Et aux beaux yeux qui de fatale sorte
Tournent mes ans, ma vie et destinée[3].

  1. Il diffère de Pétrarque, qui, dans le sonnet Voglia mi sprona, dit positivement que ce fut le 6 avril 1327 qu’il devint amoureux de Mme Laure. l. m.

    Ronsard dit aussi quel jour il devint amoureux. p. b.

  2.   Il y avoit, dans les éditions précédentes, entre l’an et prison, ce qui n’offroit aucun sens. Les Mss. m’ont donné la vraie leçon. p. b.
  3.   Sainct-Gelays, qu’on croit avoir amené le sonnet en France, a presque toujours suivi la manière des Italiens, y disposant comme eux les rimes de ses tercets. Mais, chose remarquable, Marot, dont nous avons dix sonnets, les a disposés suivant l’usage adopté depuis en France, sans observer toutefois la loi des masculins et des féminins. Joachim du Bellay, qui, sous Henri II, publia ses sonnets sur Mlle de Viole, déguisée sous l’anagramme d’Olive, préféra d’abord la règle italienne ; mais depuis, ayant senti la grâce qu’il y avoit à commencer le premier tercet par deux vers en rime plate, suivi d’un qui rimât ou avec le second ou avec le dernier vers de l’autre tercet, il ne manqua plus à cet usage. l. m.