Arrivée (Iwan Gilkin)

Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 82).


Arrivée


Vers des pays nouveaux, peuplés d’autres visages,
Irréparablement traîné par la vapeur,
Je frissonne, je souffre : arriver me fait peur.
Je devine, à travers d’hypocrites présages,

De grands châteaux qu’aigrit l’amertume des âges,
Des murs moisis d’ennui, d’où suinte une torpeur,
Et, malgré leur sourire adorable et trompeur,
L’occulte hostilité de haineux paysages.

— Bercé par le wagon comme par un vaisseau,
Au moment d’aborder je me lève en sursaut,
Ainsi qu’un matelot qu’éveillent des fanfares.

Dans l’ombre de la nuit hasardeuse, je vois
Vos feux, ô cœurs lointains, briller comme des phares
Sur des bords inconnus où m’appellent des voix.