Arrêt de Règlement du Conseil de Léogane du 16 mars 1705

Conseil de Léogane
Arrêt de Règlement du Conseil de Léogane du 16 mars 1705authortome II : 1704-1721 (p. 25-27).

Arrêt de Règlement du Conseil de Léogane, qui, I°. défend le Port d'Armes et les Assemblées aux Esclaves 2°. établit 36 Hommes dans chacun des Quartiers désignés pour chasser les Nègres Marons 3°. fixe la nature et les circonstances de cette Chasse 4°. ordonne une Levée publique pour payer lesdits Hommes, et d'autres objets 5°. règle la Comptabilité de cette Levée, et les Droits du Receveur 6°. et enfin, enjoint de fournir à ce dernier un recensement fidèle.

Du 16 Mars 1705.


Sur la Requête présentée au Conseil par le Procureur-Général du Roi, que quelques ordres qu'il ait plu à Sa Majesté accorder à ses Sujets de l'Amérique, pour contenir les Esclaves dans leur devoir, et dans l'obéissance ; néanmoins parce que les Terres sont d'une grande étendue, lesdits Nègres trouvent la facilité de s'y attrouper dans les Bois, et y vivent exempts du service de leur Maîtres, et sans Chef que celui d'entr'eux qu'ils élisent ; les autres, à la faveur des Cannes qui les couvrent le jour, attendent la nuit dans les grands chemins ceux qui passent pour les voler, et vont d'Habitations en Habitations enlever, le Bétail qu'ils peuvent rencontrer pour se nourrir, ou se cachent dans la demeure de leurs Camarades, qui sont pour l'ordinaire participant de leurs vols ; lesquels sachant ce qui se passe chez leurs Maîtres, en donnent avis auxdits Esclaves fugitifs, alin qu'ils prennent leurs mesures pour faire lesdits vols sans être apperçus ; desorte que le libertinage pourroit augmenter le nombre desdits Esclaves, et les porter à des excès, tant par la douceur qu'ils trouvent, que par la trop grande négligence de leurs Maîtres, à observer l'Ordonnance de Sa Majesté de 1685, qui défend aux Nègres Esclaves de porter aucune arme défensive, ni de gros bâtons, à peine de fouet, ans avoir de Billet de leurs Maîtres ; qui leur défend pareillement de s'attrouper le jour ou la nuit, sous quelque prétexte que ce soit, même chez leurs Maîtres ou ailleurs, et encore moins dans les grands chemins et lieux écartés, à peine de punition corporelle, qui ne pourra être moindre que le fouet et la Fleur-de-Lys, et qui rend leurs Maîtres responsables des dommages causés par semblables et telles Assemblées ; à cet effet qu'il y soit pourvu suivant son Mémoire au bas d'icelle ; Le Conseil après avoir eu la lecture de la Requête, ensemble d'un Mémoire ; et après avoir pris l'avis des principaux Habitans de ce Quartier, a ordonné ce qui suit :

I°. Fait défenses aux Nègres Esclaves de porter aucunes Armes défensives ni gros bâtons sans avoir des Billets, ou marques de leur Maître, sous peine de fouet et marque de la Fleur-de-Lys.

2°. Défend pareillement aux Esclaves de différens Maîtres de s'attrouper jour ou nuit, sous prétexte de noces ou autrement, soit chez leur Maître ou ailleurs, encore moins dans les grands chemins et lieux écartés, sous mêmes peines qui ci-dessus.

3°. Fait défenses aux Maîtres de quelque qualité ou condition qu'ils soient de souffrir de telles Assemblées, à peine d'être responsables des dommages causés par leurs Nègres.

4°. Et comme il est d'une nécessité urgente de faire remettre dans l'obéissance ceux qui sont actuellemeut fugitifs, et contenir les autres dans le respect et l'obéissance, ordonne qu'il y sera tenu la main ; en conséquence il sera entretenu 36 Hommes par chaque Quartier du Petit-Goave, Léogane et Cul-de-Sac, qui seront payés à raison de 300 livres chacun an, laquelle somme sera prise du fonds qui sera pour cet effet levé et réglé par chaque tête de Nègres, depuis l'âge de 14 ans jusqu'à 60 ; pour lesdits Hommes, faire la recherche des Nègres fugitifs, soit dans la demeure des Esclaves, de nuit ou de jour ( ordonne pour cet effet aux Maîtres ou Commandeurs de leur ouvrir les portes et leur prêter main-forte, au cas qu'ils le demandent, sans que pour quelque prétexte que ce soit, ils puissent s'en exempter ) ou dans les Cannes, grands. Chemins et Bois.

5°. Qu'il sera pareillement payé auxdits Hommes, sans diminution de leur pension, par les Propriétaires des Nègres qu'ils prendront, soit par eux-mêmes, ou par l'asistance des Maîtres ou Commandeurs, la somme de 30 livres par chaque Esclave pris, soit dans la demeure desdits Nègres ou dans les Cannes et grands Chemins ; celle de 45 livres pour ceux qui seront pris en-deçà des Montagnes ; et celle de 6o livres pour ceux qui seront pris dans les Quartiers plus éloignés, desquelles sommes ils seront payés comptant.

6°. Et comme lesdits Nègres fugitifs pourroient se mettre en devoir de se défendre, permet auxdits Hommes de tirer dessus pour les arrêter ; et au cas qu'il se trouve quelques Esclaves détruits et dénoncés par lesdits Maîtres, ordonne qu'ils seront payés sur lesdits fonds.

7°. Qu'il sera levé pour cet effet un fonds de 15,ooo liv. qui demeurera entre les mains d'un Habitant solvable, tel qu'il plaira à MM. Auger, Gouverneur, et Deslandes, Commissaire-Ordonnateur choisir, pour par lui payer tous lesdits Hommes préposés, Nègres supplicies et autres frais qu'il conviendra sur les Ordonnances dudit sieur Commissaire-Ordonnateur.


8°. Ordonne qu'il sera payé au sieur Trésorier ou Syndic le dixième dudit fonds, pour les frais de la Recette qu'il fera ou fera faire dans les Quartiers ci-devant dits ; auquel il sera donné par chaque Habitant un dénombrement de tous les Nègres, depuis l'âge de 14 ans jusqu'à 60 signé ; et au défaut ledit Syndic ou Commis en fera foi sur son Registre, qu'il fera parapher par le Commissaire-Ordonnateur.

9°. Finalement le Conseil ordonne à tous les Habitans de donner un fidèle dénombrement desdits Nègres nom par nom, tant celui de Baptême que du Pays, et l'âge d'iceux ou environ, à peine au contrevenant de perdre les Nègres qui se trouveront par lui recelés, pour lesdits Nègres être vendus, et les deniers en provenant être partagés moitié au Dénonciateur, l'autre audit fonds ; et duquel fonds ledit Syndic se fera décharger tous les ans au mois de Décembre par le Conseil ; que le présent Arrêt sera enregistré dans les Juridictions en ressortissantes, et ensuite lu, publié et affiché, etc.

Ce Réglement fut approuvé par une Lettre du Ministre à M. Deslandes, en date du 14 Avril 1706.