Architecture rurale, premier cahier, 1793/construction du moule

Construction du moule.

On prendra des planches de 10 pieds de longueur chacune, bois blanc, afin que le moule, en étant plus léger, puisse se manier et se transporter plus facilement par les ouvriers. Le bois le plus convenable est sans doute le sapin, parce qu’il est moins sujet à se déjetter ; c’est aussi par cette raison qu’on choisit les planches les plus sèches, les plus droites, les plus saines, enfin où il y ait moins de nœuds.

La hauteur la plus ordinaire du moule est d’environ 2 pieds 9 à 10 pouces : si l’on met trois planches pour chaque côté de l’encaissement, il faut donc que chacune d’elles portent un pied de large, attendu qu’étant feuillées et languettées, il puisse rester cette hauteur ; mais si les planches avoient moins de large, comme 9 à 10 pouces, alors on fera scier en longueur une planche, pour y prendre la partie nécessaire pour completter la hauteur du moule.

Les six ou sept planches choisies, doivent être blanchies des deux côtés au rabot ; on pourroit ce pendant se passer de le faire en dehors, puisque ce n’est que leur face intérieure qui doit former les paremens lisses des murs : mais mon expérience m’a appris que cette négligence nuit de plusieurs manières ; la terre s’attache sur les côtés extérieurs qui n’ont point été blanchis, ce qui rend le moule plus lourd, sur-tout lors des pluies, tandis qu’étant lisse ou uni par quelques coups de rabot, on peut le tenir toujours propre en le nettoyant d’un tour de bras avec un torchon de paille.

Pour lier solidement les trois planches ou trois planches et demie emboîtées à languettes et rainures, on pose, on cloue et on rive dessus quatre petites planches, appelées barres ; celles qui sont aux extrémités ont 10 pouces de large, et les deux autres, qu’on espace également, en ont 8. Voy. planch. I, fig. 1, où l’on remarquera encore que l’on cloue deux poignées à chaque partie du moule, pour les supporter. Ces poignées se font en fer ; mais, pour plus d’économie, on peut se servir de nerfs de bœuf.

La tête du moule qui sert à former les angles des bâtimens en terre, doit se faire de deux petites planches rainées, languettées et blanchies des deux côtés ; on pourroit n’y employer qu’une seule planche, puisqu’elle n’auroit que 18 pouces de large sur trois pieds de hauteur ; mais on sent qu’elle se déjetteroit : ainsi on placera, clouera et rivera deux petites barres de 4 pouces de largeur. Voy. planche I, fig. 3, où l’on remarquera encore que la largeur de cette partie du moule diminue insensiblement sur sa hauteur, pour donner le talus ou le fruit au mur.

Toutes les planches et barres mentionnées ci-dessus, doivent avoir chacune, après qu’elles ont été blanchies au rabot, au moins 13 lignes d’épaisseur.

Les coins, planche I, fig. 5, ne sont autre chose que les débris de planches d’un pouce d’épaisseur, et de 8 à 12 pouces de hauteur ; et à l’égard des gros de mur, fig. 6, ce sont des petits bâtons que l’on coupe sur l’épaisseur du mur que l’on a à faire.

On vient de voir qu’il y a huit barres pour arrêter l’assemblage de deux grandes parties de l’encaissement ; ces barres servent également pour recevoir huit poteaux et quatre clefs.

Les poteaux, planche II, fig. 7 et 8, peuvent se faire avec des bois de sciage équarris, ou avec des bois de brins ronds, n’importe leur qualité ; ainsi on se servira indifféremment des bouts de soliveaux, de chevrons, de petits arbres ou de leurs branches.

Ces poteaux doivent surmonter la hauteur du moule d’environ 18 pouces ; il les faut donc à peu près de 5 pieds de hauteur, y compris leur tenon de 6 pouces et de 3 pouces sur 4 de grosseur. La partie qui doit appuyer contre les barres de l’encaissement, sera applatie et tirée à la varlope en ligne droite, n’importe que le surplus soit brut ou rond.

On peut aussi se servir indifféremment de toute espèce de bois pour faire les clefs ; cependant, pour la durée, on doit préférer les bois durs, tels que le chêne, le frêne, le hêtre, et autres. Comme la solidité du pisé exige que les murs aient le plus souvent 18 pouces d’épaisseur, il faut donc 3 pieds et demi de longueur à chaque clef ; ainsi on équarrira les bois sur cette dimension, ou on se servira de quelques bouts de soliveaux que l’on a toujours de reste dans les bâtimens ou dans les fermes. On les réduira à 3 pouces et demi de largeur, sur 3 pouces d’épaisseur ; sur la largeur, on tracera les deux mortaises, ainsi qu’il est marqué planche II, fig. 9 et 10 ; ensuite on percera avec une tarière plusieurs trous, pour dégager le ciseau qui percera à jour la mortaise : ces dernières doivent avoir chacune 10 pouces et demi de longueur sur un fort pouce de largeur, et à chaque extrémité on laissera 3 pouces et demi, de manière qu’il restera d’intervalle entre les deux mortaises 14 pouces ; dimension restreinte et nécessaire pour laisser rapprocher les deux parties du moule, qui faciliteront à donner le talus aux murs à fur et mesure que l’on élévera la maison, de manière qu’on puisse réduire les murs de terre près le toit à cette épaisseur de 14 pouces.

Reprise des mesures d’une clef.

pieds. pouces.
Les deux bouts ou extrémités à 3 pouces et demi chacun, ci 
0 7
Les deux mortaises à 10 pouces et demi chacune ci 
1 9
L’intervalle restant entre lesdites deux mortaises, qui laisse la liberté de pouvoir diminuer insensiblement l’épaisseur des murs jusqu’à cette mesure, ci 
1 2
Longueur totale de la clef 
3 pied. 6 pouc.

Les choses les plus simples sont difficiles à comprendre, lorsqu’on ne les a jamais vues ; c’est pourquoi j’ai tracé, pl. II, fig. 11, l’encaissement monté, dont je vais faire la description, pièce par pièce, en commençant par la première jusqu’à la dernière, tout de même que les maçons doivent les poser pour établir complettement le moule.