Alphonse Lemerre, éditeur (p. 15-16).

PAYSAGE MORNE


À Michel Peter.


Journée humide et tiède, une incessante pluie :
Tristes, les paysans se retirent des prés ;
Derrière, l’horizon est noir comme la suie,
Le vent bougonne et pousse au loin des ciels cuivrés.

Par-dessus le châlet un arbre géant plie
Ses branchages d’un gris très sombre enchevêtrés,
Et les feuilles s’en vont de la branche assouplie,
Tremblent, tournent en rond près des murs déplâtrés.

Les rideaux sont ouverts, dans sa chambre élégante,
La jeune fille joue une valse assez lente
Et regarde ses doigts agiles et cambrés,

Se tourne vers son père, un vieux qui se soulève
Pour voir si par là-bas au moins le temps se lève ;
Et l’eau cingle en tous sens les grands champs labourés.