Alphonse Lemerre, éditeur (p. 47-48).

NOSTALGIE EN PROVINCE


À Truffier.


Un grand estaminet sis dans la rue unique
De la ville ; à travers les carreaux brouillardés,
Un ciel qui tombe, gris, ennuyeux, galvanique,
Des éclairs, l’eau grinçant, des trottoirs inondés.

Les provinciaux sont là tous ; on pronostique,
On se presse au billard, on fume, on joue aux dés.
Irritantes, les voix montent comme un cantique :
Un long bourdonnement d’accents désaccordés.


L’air est vieux, noir, malsain, contenant la poussière
Et l’odeur d’un tabac fort. — Puis une lumière,
Une autre, une autre encore éclairent maintenant ;

Et je vis au milieu de cette indifférence,
Un voisin sur ma table étend un bras gênant,
J’ai froid, j’ai mal au cœur, j’ai soif ; la bière est rance.