Aqueducs de Belleville et du Pré-Saint-Gervais
M. L. Tesson, au nom de la 1re Sous-commission, dit qu’en exécution des devoirs qui lui sont imposés par la législation qui régit les monuments historiques, M. le maire de la commune du Pré-Saint-Gervais a signalé à l’attention de M. le Préfet de la Seine le mauvais état de la fontaine située sur une place, publique de sa commune et qui est classée. Cette communication a été transmise à la 1re Sous-commission, qui a décidé qu’une visite serait organisée, non seulement du monument signalé, mais encore de tous les édifices et ouvrages classés dépendant de l’ancien régime des eaux de Paris. M. Selmersheim dirigea, cette tournée de la Commission, qui fut guidée par M. Poulet, conducteur des Eaux ; l’on constata avec satisfaction que M. Poulet apporte un soin et un intérêt certains à l’entretien et à la conservation de ces vieux souvenirs de l’ancienne administration parisienne, qui pourraient être la cause de Véritables désastres pour les régions environnantes s’ils venaient à péricliter par défaut de surveillance.
Le regard Saint-Martin rue des Cascades visité d’abord a été habilement réparé et à peu de frais ; il ne donne plus d’inquiétudes maintenant pour sa conservation. L’on a observé un débit d’eau bien supérieur au débit ordinaire, ce qui indique que l’aqueduc et la pierrée sont en bon état.
Le grand regard monumental de la Lanterne, rue de Belleville, est en assez bon état ; quelques rejointoiements sont nécessaires. Mais il y a lieu de surveiller l’aqueduc, aux approches de l’ancien regard Beaufils, pour reconnaître l’origine des infiltrations caractéristiques que l’on y constate.
La Lanterne est un édifice encore important, dont l’utilité n’a plus le même caractère que dans les temps passés ; néanmoins c’est un souvenir précieux de l’ancien régime des eaux et qui servit de modèle pour la mise en adjudication des travaux de l’aqueduc d’Arcueil au commencement du xviie siècle. Sa situation, au fond d’une cour, au milieu d’appentis et de menues constructions, menace de le laisser péricliter si des mesures de préservation n’étaient appliquées. Dans l’état actuel, les personnes du voisinage déposent des gravats du fumier et des immondices tout autour de l’édifice, dont l’accès est rendu difficile. Il est désirable de voir appliquer la servitude de circulation frappant les propriétés sur lesquelles existent des ouvrages des eaux anciennes et d’enclore le regard par une grille de protection très simple.
Les anciennes ordonnances du Bureau de la Ville — notamment celles du 3 août 1663 et du 14 juillet 1666 — sont applicables en l’espèce en vertu des lettres patentes du roi Henri IV, données à Fontainebleau le 16 octobre 1601.
La servitude d’isolement qui existe pour tous les ouvrages anciens de nos sources est applicable a fortiori pour le regard de la Lanterne. Peut-être cette servitude a-t-elle souffert un peu de la tolérance accordée à M. de Vauvilliers en 1786 ; celui-ci propriétaire du terrain environnant[1], exceptionnellement, avait une clef lui permettant d’accéder dans l’aqueduc.
L’intérêt attaché au regard de la Lanterne ne concerne pas seulement, la conservation d’un édifice important au point de vue historique ; il faut considérer que ce regard est le signe apparent de tout un régime d’ouvrages souterrains formant un drain toujours en activité et dont le rôle est considérable.
Sur la commune du Pré-Saint-Gervais, la Sous-commission a visité la fontaine avec son château d’eau, le regard de Bernage, le trou Morin et le regard des Maussains.
La fontaine a été l’objet d’une attention particulière, car son délabrement avait été tout spécialement signalé. Cette fontaine, à l’origine, fut probablement le lieu de rencontre des premières eaux de sources captées pour le service de Paris. Tous les travaux primitifs de cette région furent, en effet, exécutés par les religieux de saint Laurent à une époque très éloignée, qu’il n’est pas téméraire de fixer à la période mérovingienne. Philippe-Auguste traita avec les religieux du prieuré de Sainte Lazare qui à son époque, détenaient ces eaux, pour faire arriver la conduite jusqu’aux Halles afin d’en faire profiter le public. D’un travail d’adduction tout différent de celui de Belleville les eaux du Pré-Saint-Gervais furent toujours assez abondantes, et le débit actuel est encore relativement important. Jusqu’en ces dernières années les conduites se dirigeaient sur Paris après avoir suivi un ouvrage construit spécialement par le Génie militaire lors de l’édification des fortifications de Paris en 1841. Aujourd’hui, sur la demande de la municipalité du Pré-Saint-Gervais, le tuyau aboutissant aux fortifications de Paris a été bouché au dernier regard qui des précède et l’eau se refoule d’elle-même dans la fontaine du Pré-Saint-Gervais, d’où elle repart à une altitude convenable pour suivre les ruisseaux de la Grand-rue et aller se perdre dans le canal de l’Ourcq.
Cette fontaine, avait une grande, importance, car elle servait à rassembler, les eaux des nombreuses pierrées de la région ; aussi, chaque année le Prévôt des marchands, les échevins et la maître des œuvres de la Ville s’y rendaient en corps, par devoir de leur charge, afin de voir par eux-mêmes et de se rendre compte de l’état des ouvrages. Une reconstruction complète eut lieu sous Louis XIV (Voir Procès-verbaux de la Commission, 6 octobre 1898, p. 15).
Le château d’eau ancien a été remplacé en 1828 par celui qui est encore en exercice et qui seul subsiste de toute l’organisation ancienne des distributions d’eau par bassinets individuels. Maintenant l’édifice périclite et une réfection s’impose ; avant tout, il est indispensable d’empêcher l’apposition des affiches de toute nature sur l’édifice qui, monument historique, doit, être absolument préservé. La couverture a besoin d’être refaite, mais sans rétablir le plafond qui n’est d’aucune utilité. L’escalier intérieur en bois doit aussi être changé.
Il parait nécessaire de conserver les installations anciennes, tant à cause de leur valeur historique que par l’utilité de les retrouver si le cours du déversement de l’eau venait à être de nouveau modifié. Il y aura lieu aussi d’assurer une clôture solide de toutes les ouvertures afin de préserver l’ancienne installation de distribution encore existante. L’inscription qui rappelle la reconstruction du bâtiment de la fontaine sous Louis XIV a été malencontreusement recouverte d’un barbouillage noir. Les grands regards des Maussains, de Bernage et du Trou-Morin sont en bon état, sauf quelques rejointoiements et menues réparations de peu d’importance qu’il est nécessaire d’exécuter. Le magnifique édifice des Maussains, qui est bien l’ouvrage le plus important et le plus vaste de tout le régime des anciennes sources, a été très habilement entretenu et les craintes que l’on avait autrefois sur sa stabilité n’existent plus. C’est une remarque que la Commission a faite avec satisfaction.
Les réparations nécessaires à ces édifices sont de peu d’importance et consistent en rejointoiements des couvertures.
Il existe encore quelques bornes, même dans Paris, qui portent en gravure les armes de la Ville. Il est nécessaire d’en assurer aussi la conservation, car elles sont la marque apparente qui, plus encore que le droit de servitude imposé aux propriétés traversées par les ouvrages des sources, montre le droit de la ville de Paris et atteste l’ancienneté de ce droit inaliénable.
La Commission, vu la bonne exécution des travaux de réparation exécutés par M. Poulet aux ouvrages des anciennes sources du Nord, propose de demander à M. le Préfet de la Seine de faire opérer les travaux nécessaires de réfection, de la fontaine du Pré-Saint-Gervais, ainsi que ceux des autres regards, par les soins du service des Eaux.
Il est aussi proposé de demander à ce même service de fournir la liste des bornes gravées existant encore sur le parcours des ouvrages des anciennes sources du Nord. Ces deux propositions sont adoptées.
- ↑ Registres de la Ville. Archives nationales, H. 1958.