Antoine Bruckner : l’homme et l’œuvre

Musique

ANTOINE BRUCKNER

L’HOMME ET L’ŒUVRE


Exquisse d’une ceractérisque d’après des recherches personnelles inédites

Cette étude est due à M. Alfred Westarp, docteur ès sciences musicales de Munich. Elle offre un intérêt particulier en ce moment où vient d’être donné à Paris l’exécution orchestrale de la neuvième symphonie de Bruckner. Nous publions cette étude dans sa forme pittoresque :


Est-ce que personne s’est jamais préoccupé d’étudier la vie intime de Bruckner ? Il est bien vrai qu’on n’a pas compris sa musique jusqu’ici et c’est pourquoi on n’est pas parvenu aux dispositions affectives correspondant à cette musique, ni à celles de Bruckner ni aux siennes propres.

Pour nous expliquer le malentendu qui régna entre les musiciens et Bruckner, il faut nous rappeler que la compréhension des créateurs musicaux est toujours entravée par la rigueur des règles de la tradition musicale, ces règles étant très étroites à cause de la jeunesse de l’art musical. Quelle peut être la mesure dont les musiciens se serviront envers le génie si ce n’est leur théorie ? Ce fut toujours l’objection éternelle des musiciens contre les génies, dont les œuvres étaient à leur dire criblées de fautes contre les règles. Même un musicien comme M. Saint-Saëns, qui reconnaît que : « La vraie théorie de la musique est encore à faire », renonce à réaliser musicalement cette assertion. Le plus souvent ce n’est qu’une génération suivante de musiciens qui arrive à approuver les progrès musicaux créés par les génies qui les ont précédés. Car aucun génie musical n’a jamais été partisan d’une esthétique formaliste de la musique (1). Ils n’ont jamais demandé qu’une « transposition » aussi vive que possible de leurs émotions dans les sons. On voit que les œuvres musicales les plus délicates ont toujours été en relation intime avec les événements les plus délicats de la vie des artistes. Je rappelle seulement les chants d’amour et les scènes d’enfance de Schumann ; les préludes de Chopin, qui sont nés de l’angoisse causée par l’absence de George Sand ; il en est de même d’une grande partie des œuvres magistrales de M. Debussy. Et enfin, pour nommer une œuvre moins intime, le chef-d’œuvre de Wagner, ce que ce dernier écrivait à Mme Wesendonck (2) : « Que j’ai écrit Tristan, c’est ce dont je vous remercie du plus profond de mon âme, en toute éternité !... » On peut donc dire d’une façon irréfutable que la valeur musicale d’un compositeur consiste vraiment dans la profondeur et dans l’étendue de sa capacité de vie. Même le plus grand talent se meurt faute d’une base vitale, comme Wagner le confesse après sa séparation de Mme Wesendonck (3) : « Croyez-moi, quelque autre son de cloche que vous puissiez entendre, — quand je quittai cet asile, mon étoile était vouée à la chute ; je ne puis plus que tomber encore !... » Oserai-je même rendre responsable du manque de développement psychiquement logique des œuvres musicales de grand format le manque d’unité continue de la vie sentimentale de leurs compositeurs ? Et dire que les brefs moments de contentement et de tranquillité fertile dans la vie des compositeurs n’ont pu produire que des œuvres ce petit format, comme celles que j’ai mentionnées plus haut ?

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Parmi tous les états d’âme c’est le sentiment d’amour, dont l’importance prévaut pour le musicien. Car c’est en même temps le plus fin et le plus fort de tous les autres sentiments qui n’en sont peut-être qu’autant de nuances. Justement la forme sévère de la tradition musicale a besoin de la force psychique la plus complexe et la plus pénétrante pour sa vivification. Car il y a loin de l’enseignement d’harmonie et de forme des Conservatoires jusqu’à l’expression musicale d’une âme moderne. Si loin que ce but n’a peut-être jamais été tout à fait atteint et que les musiciens se voyaient parfois forcés de renoncer à une partie de ce qu’ils auraient voulu exprimer musicalement. Cette insuffisance des moyens musicaux venait alors s’ajouter à la déperdition de forces d’âme, causée, comme nous l’avons vu plus haut, par le caractère fragmentaire de leur vie intérieure. Il va sans dire que l’insuffisance des moyens musicaux, elle aussi, se fait le plus sentir dans l’emploi des grandes formes, qui réclameraient une faculté de développement tonal encore inconnue. Wagner nous révèle son indigence musicale (4) : « Malgré toutes les lamentations, toute la misère, cela doit sonner encore bien, à la fin, et s’insinuer imperceptiblement et agréablement, de telle sorte que la détresse entre au cour, sans qu’on s’aperçoive même quelle mauvaise chose c’est ! » Nous trouverons aussi chez Bruckner une certaine tendance vers la mélodie primitive qui détourne facilement l’attention de la complexité de sa vie intérieure et qui devient facilement à la fin, simplifiée encore par des dessous harmoniques, la raison naturelle de l’impression d’une « grandiloquence ».

Ces mélodies et harmonies simples, que notre jeune enseignement harmonique aime tant, doivent paraître froides au véritable sentiment musical, n’étant basées que sur les premiers sons supérieurs, c’est-à-dire les harmoniques, c’est-à-dire l’acoustique la plus primitive. Le grand public cependant se subordonne aux Conservatoires, consent encore à laisser étouffer ses sentiments différenciés et ceux de ses compositeurs, en réclamant « toutes les huit mesures une petite satisfaction » comme Otto Wesendonck le demandait à Wagner (5).

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C’est donc à nous de ne pas laisser étouffer la vie intérieure de Bruckner par la surabondance de ses mélodies et harmonies, puisque c’est cette vie intérieure qui forme le souffle humain de ses œuvres pour en faire des organismes. Cette vie intérieure de Bruckner était purement instinctive, son imagination créatrice une imagination purement affective, de sorte que nous constaterons dans l’œuvre de Bruckner une suite assez logique qui part de sa vie intérieure pour aboutir dans ses mélodies et harmonies. L’inspiration inconsciente, c’est-à-dire mélodique et harmonique, sera assez équilibrée par l’imagination consciente, c’est-à-dire tonalement différenciée ; et même plus équilibrée que chez aucun musicien avant ou après Bruckner qui ait employé la forme traditionnelle. Nous trouverons que le surcroît de l’inconscient (6) dans Bruckner, autrement dit de la mélodie et de l’harmonie dans sa musique, correspond assez bien à la tradition de ces formes musicales, sans affaiblir trop sensiblement dans l’œuvre de Bruckner l’unité logique. Rappelons que Schopenhauer éprouvait encore toute la musique comme une neutralisation de la volonté personnelle, qui le rendait « heureux » à l’égal du sentiment du Nirvana.

C’est donc à la base de son fond inconscient naturellement riche que nous pouvons procéder à l’étude de la vie personnelle et de la complexité musicale de Bruckner.

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Sur les sentiments d’amour de Bruckner on s’est cru très renseigné en énonçant, ce qui correspond vraisemblablement à la vérité, que Bruckner est mort vierge à l’âge de 72 ans. Au cas où il en serait ainsi, qu’est-ce que cela peut bien prouver ? Est-ce que personne a jamais eu l’idée de conclure du grand nombre d’enfants de Bach en faveur de son génie musical ? En quoi la virginité de Bruckner nous regarde-t-elle alors musicalement ? Est-ce qu’on veut s’en servir comme preuve de son impuissance artistique ? Je crois que cette assertion serait un peu prématurée. Comme personne n’a jamais partagé la chambre de Bruckner et que les rapports de sa gouvernante sont aussi douteux que ceux de la plupart de ses soi-disant amis, comme aussi personne ne m’en a jamais parlé, on devra se renseigner un peu plus minutieusement, avant d’attribuer une telle faiblesse à la nature de Bruckner.

Principalement le sentiment d’amour d’un grand artiste, n’est-il pas fondamentalement plutôt égoïste qu’altruiste, c’est-à-dire dirigé vers le culte du Moi et vers l’expression pure qui se suffit à elle-même, plutôt que vers l’abandon à d’autres êtres humains ? Chaque artiste, n’éprouve-t-il pas vis-à-vis de son œuvre le sentiment de Richard Wagner (7) : « Un père à la vue de son enfant peut à peine éprouver pareille joie !... Celui qui est encore capable de créer une telle chose est encore plein à déborder !... » Et est-ce que la crainte d’exposer ses enfants à la vue du public ne renferme pas quelque chasteté intérieure ? Wagner aussi tenait beaucoup à une exécution piano (8) et exigeait même dans l’exécution un piano où il avait noté un forte ou fortissimo (9). Il y a une scène célèbre où Bruckner, alors chef de chœurs à Linz, tonne pour obtenir une exécution piano, jusqu’à ce que les chanteurs agacés finissent par se taire : Bruckner cependant est satisfait car il entend son âme délicate. Nous remarquons aussi chez la plupart des compositeurs, même chez Wagner (10) une certaine tendance à précipiter le tempo de leurs œuvres, qui s’explique peut-être elle aussi par le désir de ne pas laisser apparaître les détails de sa personnalité. Même le succès de leurs œuvres ne réussit pas à faire sortir d’eux-mêmes ces esprits solitaires et impérieux. Wagner aussi auquel on reproche sa recherche d’effets nous confesse (11), après une série de concerts très appréciés à Paris en 1860 : « Les fêtes c’est bel et bon..., mais je n’en ai pas besoin ! De telles soirées restent quelque chose qui m’est extérieur : ce sont des ivresses, rien d’autre, et elles laissent derrière elles les effets de toute ivresse. » Bruckner n’a jamais eu l’embarras d’exiger de l’argent pour ses œuvres ; il devait s’estimer heureux de trouver des amis qui payèrent l’impression de ses œuvres et qui lui adoucirent la vie à partir de sa 66e année par une petite rente annuelle. Wagner ne se décidait pas facilement non plus à monnayer ses enthousiasmes musicaux. Il écrit de Vienne (12) : « Il m’a été impossible de demander de l’argent à la direction du Théâtre qui m’interrogeait sur mes conditions », et c’est en communication avec ses œuvres que la première nuance d’une sympathie pour les êtres humains se fait remarquer par la demande qu’il adresse à la direction du Théâtre (13) : « Que durant quatre semaines avant la première représentation annoncée, ses chanteurs et l’orchestre seraient soigneusement ménagés pour lui. » Il se sent dans le dénuement intérieur au moment même où on le comble d’argent et il se plaint de la nouvelle richesse extérieure (14) : « Plus le poids de ma foi diminue, plus précieux je deviens... Déjà je ne crois pour ainsi dire plus à rien du tout, et comment combler ce vide : par un lest formidable de faveurs royales ! » Ce sont les sentiments qu’éprouvent presque tous les artistes, principalement les musiciens. Tout le monde connaît l’attitude de Beethoven, qui ne consentait pas à amoindrir sa force intérieure, en s’inclinant devant les princes, comme le faisait Gœthe...

Il est vrai que cette concentration en soi-même est dangereuse. Wagner commence à souffrir de rhumatismes violents par suite de surexcitation due à l’interprétation de ses œuvres et le médecin lui donne le conseil (15) de détourner cette excitation sur le monde extérieur pour que la maladie ne s’attaque pas au cœur. Il me semble certain qu’une telle surexcitation a été en partie la cause de la mort prématurée de Chopin, de Schubert, de Mozart. Schumann jouissait dans des moments excités du grincement d’une porte dont un des effets était de distraire son attention, Smetana des bruits du chemin de fer, Dworak des nombre des horaires. C’est en quelque sorte une preuve en faveur de la théorie de Charcot sur l’équilibre qui doit se produire entre les sensations sensorielles et motrices (16). Bruckner souffre, comme le Tasse de Gœthe et comme la plupart des grands hommes plus ou moins longtemps victimes d’une hostilité générale, d’une légère manie de persécution, ainsi que d’une hantise de nombres qui correspond sans doute aux idées de relations de nombres, qui forment l’enseignement de l’harmonie et dont la simplicité est la raison du Beau musical (17). Bruckner se vit une fois forcé de s’arrêter de jouer de l’orgue pour compter les touches. Les pavés de la rue le préoccupent dans le même sens. Il voudrait pouvoir dessécher le Danube goutte par goutte. Il compte les fenêtres des châteaux de Sans-Souci et de Munich. Le désir de netteté de forme l’irrite jusqu’à lui faire un besoin de mettre la pointe du doigt dans le cercle qui figure le point sur une plaque de métal, comme on en voit apposées sur les portes des maisons et des appartements en Allemagne.

Nous ne devons pas donner trop d’importance à cette manifestation nerveuse. Rappelons-nous combien de gens nerveux ne peuvent pas s’empêcher de passer la main sur des traces d’encre déjà séchées par le buvard ; et combien d’autres de mettre les doigts dans une boîte à lettres pour s’assurer que l’enveloppe a bien glissé ! Bruckner était poursuivi par le nombre jusque dans les fonctions quotidiennes de son organisme. Nous trouvons peut-être une autre forme de la hantise du nombre dans les mélodies vulgaires qui poursuivirent parfois Schumann et Berlioz, les mélodies vulgaires n’étant que des exploitations commodes des relations simples entre les nombres de vibrations des sons. Toutefois nous sommes assez éloignés des préjugés de Lombroso pour ne pas nous laisser entraîner dans une conception étroitement pathologique de ces moments d’émotion. Nous pouvons recourir à la science exacte si un de mes lecteurs en éprouve le besoin (18) : « Nous concevons le génie comme résultat de dispositions anatomiques anormales par la richesse du réseau d’associations et le sens des connexions. » « Par une confusion fréquente, anormal est pris dans le sens de malade. Rien n’est plus inexact. » « En principe, les tissus anormaux sont des tissus sains, au même titre que des tissus normaux. »

Ce que nous tirons musicalement de ces données biographiques de Bruckner, c’est principalement l’intensité de ses émotions qui se découvre une infinité de fois dans les détails les plus minimes de sa vie ; deuxièmement une certaine relation de l’expression inconsciente de ses émotions avec les principes harmoniques de son art, dont toute la sévérité était représentée dans la vie de Bruckner par son professeur Simon Sechter. Nous recourrons encore à l’activité de l’inconscient dans la vie de Bruckner après avoir déjà fait remarquer cette activité dans son art.

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Il y a un autre sentiment d’amour qui est moins dangereux pour le génie que la concentration sur le Moi artistique : c’est l’amour qu’il éprouve pour le monde et son Créateur. Et c’est cette piété de Bruckner qui a été si souvent mal interprétée. Bruckner avait trop confiance en lui-même pour s’adonner à cette piété servile qu’on aime à représenter. Nous avons vu combien il est important pour le génie de croire à quelque chose en dehors de lui-même. Wagner se débat contre sa propre grandeur (19) : « Oh ! ne me tiens pas pour tellement grand, que je puisse être, rien que pour moi et par moi, ce que je suis, et tel que je suis », et Wagner devient (20) « involontairement bouddhiste », Berlioz s’extasie devant certains héros de la littérature ( 21) : « Dès l’enfance, Berlioz vit la fable de Didon, les romans de Chateaubriand, s’identifie à leurs héros ; il se crée par le miracle de l’imagination, une existence passionnée dans ce monde héroïque qu’il évoque. » Bruckner a des entretiens quotidiens avec le Dieu chrétien, où il est loin d’avoir toujours l’humble attitude du pêcheur pénitent. Un de ses médecins, M. le docteur Heller, de Salzbourg, m’a raconté que Bruckner osait même menacer son interlocuteur divin. Une fois, par exemple, après avoir, à plusieurs reprises, demandé en vain d’être délivré d’une certaine indisposition, il termina ses prières par trois « Amen » énergiques, accompagnés de plusieurs coups sur la cuisse. Il note consciencieusement le nombre de ses prières dans ses carnets de professeur. Il inscrit aussi les adresses des dames qui attirent au passage son attention ; cet intérêt ne dure du reste que quelques instants ; il ne se rappelle bientôt plus ni des unes ni des autres. Le mal que Bruckner se donne à noter ses prières ne fait-il pas pressentir une légère crainte de les oublier elles aussi ? N’a-t-il pas un peu l’air de vouloir se débarrasser de ces exercices religieux comme d’un devoir ? Dieu fut la plus riche des sources, où l’imagination inconsciente de Bruckner puisa quotidiennement pendant toute sa vie, et l’abondance de cette source l’empêchait de ressentir le désagrément physique du jeûne officiel, que le représentant de Dieu, son ami l’évêque de Linz, lui imposait. C’était une sorte de reconnaissance intime qui n’avait rien d’officiel ni de théologique. La croyance en un autre monde, qui est la base même du christianisme théologique, ne semble pas avoir été une conviction inébranlable dans l’âme de Bruckner. Il ne comptait pas sur une récompense certaine qui compenserait les souffrances de la vie terrestre, et il expliquait très ouvertement la régularité de ses actes religieux par l’argument suivant : « Si je n’en tire aucun profit, je n’y perds pas non plus. » Il a bien lu « La Vie de Jésus-Christ » de David Friedrich Strauss ; mais il a besoin de croire en la réalité des objets de son enthousiasme ; son imagination inconsciente en dépend ; devait-il donc se priver de la meilleure partie de sa vie, pour se laisser influencer par un tel livre ?

L’éducation de Bruckner ne fut pas elle non plus dirigée par un christianisme théologique. Les prêtres de la campagne en sont en même temps les savants. Comme Bruckner n’était pas issu d’une famille de paysans et que sa sensibilité était assez délicate dès ses premières années, il n’y avait rien de plus naturel que de le faire entrer dans le chœur du couvent de Saint-Florian. Sa maison paternelle n’était guère agréable. Son père le laissa orphelin à l’âge de douze ans. Sa mère était neurasthénique et poitrinaire. La pneumonie de la mère se communiqua d’ailleurs à deux sœurs, à une nièce et à une petite-nièce de Bruckner. Le frère de Bruckner qui vit encore aujourd’hui à Saint-Florian, souffrait d’une grande faiblesse des yeux. Nous sommes heureux de constater que Bruckner, en dépit de cette ambiance morbide n’a souffert lui-même que d’une affection de l’oreille qui a été traitée et scientifiquement exposée par M. le docteur Urbantschitsch de Vienne. L’organe le moins délicat de l’organisme de Bruckner semble avoir été son estomac, dont la force est d’après Schopenhauer, (22) une des premières nécessités physiologiques du génie. Cette force physiologique lui a été enviée, elle aussi, par ses adversaires, dont le chef, Edouard Hanslick s’obstinait à répéter que Bruckner valait (ist) ce qu’il avalait (isst), autrement dit de la choucroute et des boulettes de pâté. C’était une atmosphère de sensualité, comme celle qu’on étalait au dix-septième siècle pour des empereurs et des papes, qui entourait Bruckner au couvent de Saint-Florian. Il y avait aussi là tout un trésor de ressources intellectuelles : une bibliothèque, une collection d’histoire naturelle, une autre de médailles et une troisième d’antiquités. C’était un entourage infiniment supérieur au point de vue de la culture de l’esprit aux milieux profanes que Bruckner fréquentait à Vienne. À Saint-Florian, la belle lumière, l’air frais et pur de la campagne ne laissèrent pas d’exercer de l’influence sur l’œuvre de Bruckner. Nous ne devons pas négliger l’importance de ce facteur, que Wagner apprécie par la comparaison suivante (23) : « Quand le ciel est clair, sans nuages, on fait de moi ce que l’on veut, exactement comme lorsqu’on m’aime. »

N’oublions pas non plus que Bruckner n’a jamais été, malgré son éducation à Saint-Florian, destiné au sacerdoce. Il y préparait sa carrière d’instituteur. Il a rempli cette fonction à la campagne pour gagner sa vie ; ses premiers honoraires ne s’élevèrent tout d’abord qu’à deux florins par mois. Plus tard, à Linz, nous le retrouvons musicien, et combattant par sa musique la mélancolie de son évêque Franz Rudigier (24). Et voilà la piété chrétienne de Bruckner dans toute sa beauté artistique !

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Parmi les êtres que Bruckner rencontra sur cette terre, c’est Richard Wagner qu’il aima le plus. C’est pourquoi j’ai cru bien faire en rappelant des paroles de Wagner pour caractériser quelques situations de la vie intérieure de Bruckner, dont celui-ci ne s’est jamais rendu compte lui-même autant que je le sache. L’amitié profonde qui unissait Bruckner et Wagner n’a cependant pas servi à rapprocher personnellement Bruckner de l’objet de son adoration terrestre. Les rencontres les plus intimes ont sans doute eu lieu à Bayreuth. C’est là que Wagner a probablement voulu lui donner un signe de sympathie personnelle, qui resta unique dans la vie de Bruckner, en lui présentant sa toute petite fille par ces mots : « Voilà votre femme, M. Bruckner ! »

(-) Voir le numéro précédént. Souvenons-nous que Wagner était depuis 1859 silencieux et peu disposé à se laisser distraire de lui-même par un interlocuteur quelconque. Il écrit (25) de Venise à Mme Wesendonck : « Je ne parle à personne si ce n’est à Ritter, qui est suffisamment taciturne pour ne point m’importuner. » Ce ne fut pas avant 1865, à l’occasion de la première exécution de « Tristan et Isolde », à Munich, que Bruckner rencontra Wagner pour la première fois. Bruckner était alors âgé de 41 ans. Le cercle le plus intime de Wagner avait été formé par Gœthe et Schiller (26), qui ne lui imposaient jamais leurs visites ; ils n’allaient le voir qu’au moment où Wagner en éprouvait un véritable besoin. C’est de cette façon un peu trop idéaliste et commode, que Wagner prouvait sa conviction (27) : « On ne devrait entretenir de commerce qu’avec les esprits les plus nobles ; le reste est une déchéance, un dérivé mille fois affaibli de la source première. » L’expérience avait déjà appris à Wagner, ce dont Bruckner devait souffrir à peu près toute sa vie, en ce qui concernait la plus grande partie de ses soi-disant amis (28) : « Des relations créées par des besoins, et se consolidant peu à peu, constituent précisément ce qui devient à la longue un supplice. »

Je ne sais si c’est la naïveté de Bruckner qui s’attachait volontiers à tout le monde — ou si c’est l’amour qu’il portait à ses œuvres, qui lui dicta les lettres cordiales qu’il adressait aux chefs d’orchestre, par exemple à M. Félix Mottl. Ou bien était-ce plutôt son incapacité de renseigner les chefs d’orchestre sur les détails de l’exécution de ses œuvres, qui se cachait sous la cordialité de cette correspondance ? Je l’ignore aussi. Nous devons déplorer que notre technique musicale soit encore trop loin d’être une effluve véritable de l’âme humaine pour qu’une simple relation d’amitié puisse donner naissance à une compréhension musicale entre deux musiciens. Nous savons que les formes musicales ne sont que des symboles ; ceux-ci sont plus ou moins insuffisants à exprimer les sensations de l’âme du musicien. C’est la force d’âme la plus grande qui seule parvient à vaincre les obstacles que lui impose le formalisme naïf de notre technique musicale ; tandis que les forces moindres succombent. Finalement les grands musiciens, qui jouiraient d’un commerce mutuel, sont isolés par l’espace et par le temps ; et les petits ne servent qu’à accaparer le temps des grands et à créer des partis autour d’eux. Et puis, il n’y a que des haines et des luttes entre les partis des musiciens. Et l’âme la plus forte, qui est toujours celle du lutteur le plus faible, succombe invariablement. Le gouvernement musical de Vienne n’était pas seulement l’ennemi de Bruckner par mépris de ses compositions, mais on le poursuivait encore dans sa qualité de soi-disant wagnérien. Aussi Bruckner était-il peut-être plus isolé à Vienne qu’à Saint-Florian. Il ne devait rien à personne. Même Wagner ne lui avait rien donné que le courage de noter les émotions qui le secouaient et le désespoir d’en faire tant bien que mal, d’après les règles, des « symphonies ».

Les élèves des divers cours que Bruckner faisait à Vienne ne servaient qu’à tromper momentanément Bruckner sur sa solitude. Il cherchait à être agréable aux étudiants de l’Université, en les appelant « Mes Gaudeamuser », d’après le célèbre chant des étudiants allemands, et en leur racontant des anecdotes. Sa tendresse pour ses élèves au Conservatoire se déversait plus librement encore dans des appellations familières et peut-être même dans des caresses véritables (29). L’enseignement même était pour Bruckner, comme pour toute nature créatrice, un tourment. Il arrivait assez souvent au Conservatoire (30), la tête toute enflammée par ses enthousiasmes créateurs, et à l’Université, il quittait même parfois la salle des cours pour rafraîchir sa tête d’empereur romain sous les conduites d’eau. (31) Sa qualité de chargé de cours à l’Université ne servait guère qu’à renforcer la violence des critiques que le président de la République musicale de Vienne, Edouard Hanslick, infligeait aux œuvres de Bruckner. Car Hanslick lui aussi était professeur à la même Université.

Le seul génie musical parmi la jeunesse viennoise d’alors était Hugo Wolf, dont le public aujourd’hui encore, et cela pour des raisons très diverses, ne connaît que quatre ou cinq chants des plus insignifiants. Mais Wolf était jeune — il avait 36 ans de moins que Bruckner — il était aussi, je crois, d’une haleine un peu courte ; ce n’était pas l’homme qui aurait pu accompagner Bruckner sur le chemin de la vie, en l’arpentant d’un rythme parent au sien.

Le hasard, qui crée le plus souvent les relations entre les humains pouvait à peine servir Bruckner. Il n’y avait pas place pour lui dans la société. Sa mise était trop étrange pour qu’elle pût lui permettre l’accès des salons. C’est à peine s’il allait au théâtre. Nous le trouvons comme auditeur des œuvres de Wagner à la quatrième galerie. Et nous comprenons que de là haut l’action dramatique de ces œuvres devait rester assez souvent incompréhensible pour lui ; l’action philosophique de ces drames musicaux ne reste-t-elle pas souvent incompréhensible aussi au Monsieur de l’orchestre !

À l’égal de Richard Wagner, il semble avoir eu dans l’intimité de son appartement quelques relations avec les génies du passé, avec Gœthe par exemple, dont il cite le Faust.

Qui voudrait lui reprocher que les sciences allemandes lui soient restées étrangères ?

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Dans la vie sentimentale de Bruckner la femme a la même importance que dans la vie de tout grand artiste. C’est extraordinaire que jusqu’ici aucun des biographes de Bruckner n’ait osé en parler franchement. Bruckner était-il si personnel aussi par rapport aux femmes ?

Les relations entre les grands aussi, alors même qu’ils se rencontrent une fois amicalement dans la vie disparaissent presque devant le charme évocateur qu’une femme exerce sur celui qui est né pour s’exprimer. Tous les grands hommes partagent de pareilles émotions (32) : « Dieu ! de combien de choses, de combien de gens on peut se passer ! Seule, votre société, mon enfant, me manque péniblement : je ne connais aucun être à qui je puisse me confier de meilleur cœur. Cela ne va pas du tout avec les hommes : malgré toute l’amitié possible, au fond il s’agit pour eux de ne rien abandonner de leur moi, de maintenir leur propre opinion, de se laisser le moins possible porter atteinte. C’est un fait ; l’homme vit de lui-même. »

Les génies n’ouvrent jamais tous les trésors de leur essence humaine qu’à une femme (33) : « Par le fervent désir de produire un effet d’apaisement sur votre sympathie, je pouvais prendre conscience des plus hautes facultés d’art que je trouve toujours plus heureusement développées dans mes nouvelles œuvres ; et je pouvais vous parler comme du sanctuaire même de mon art sans la moindre contrainte, sans la moindre fraude amicale même, en toute vérité, en toute franchise. » Voilà un artiste qui rend grâce à la femme de la conscience dont son amour l’a enrichi ! Avant de continuer, souvenons-nous des remarques qui ont été déjà faites à ce sujet au courant de ces recherches (page 1, 2).

Nous ne nous étonnons même pas de voir l’artiste placer la femme au-dessus de son art, parce que le progrès des moyens d’expression des états d’âme dépend du progrès de la conscience que l’artiste en a. Recevons de nouveau la confirmation de ces déductions de la bouche de Wagner (34) : « N’attache pas tant d’importance à mon art ! Je l’ai senti clairement : il n’est pour moi mi une consolation, ni une compensation ; il ne fait qu’accompagner ma profonde harmonie avec toi. »

Mais tout au fond, ces héroïnes n’étaient-elles pas toutes des êtres imaginés plutôt que des êtres réels, sœurs de celles de Chateaubriand qui nous la décrit (35) : « L’ardeur de mon imagination, ma timidité, la solitude firent qu’au lieu de jeter au dehors, je me repliais sur moi-même ; faute d’un objet réel j’évoquais par la puissance de mes vagues désirs un fantôme, qui ne me quitta plus ; je me composai donc une femme de toutes les femmes que j’avais vues. Cette charmeuse me suivait partout, invisible ; je m’entretenais avec elle comme avec un être réel ; elle variait au gré de ma folie ; Pygmalion fut moins amoureux de sa statue. »

Bruckner pour sa part, comme musicien, n’était pas en état de pouvoir se contenter d’une imagination aussi abstraite que Chateaubriand. Il se subordonnait aux influences que le jour et les rencontres du hasard lui apportaient. Il se subordonnait, sans cependant se laisser subjuguer : c’est pourquoi il n’osait jamais toucher à l’objet de ses rêves. Et on le blâme pour cela ? Et on le traite de maladif et de simple ?

Ne voyons-nous pas le grand contemporain musical de Bruckner renoncer consciemment à la possession de la femme aimée (36) : « La muse, comme l’amour, n’apporte la félicité que lorsqu’elle le veut. Malheur à l’insensé, malheur à l’homme sans amour qui veut obtenir par violence ce qu’elle ne donne que spontanément ! On n’aboutit à rien par la force. N’est-ce pas ? N’est-ce pas ? Comment l’amour pourrait-il encore être muse s’il succombait à la violence ? »

Est-ce toujours encore aussi absurde que Bruckner n’ait vraisemblablement jamais touché à une femme ? Croit-on donc qu’il était vraiment moins soucieux de sa dignité d’artiste que Wagner parce qu’il eut moins l’occasion de s’expliquer ? N’y a-t-il pas un degré assez élevé de dignité artistique pour qu’on préfère se priver plutôt de tout que d’attirer à soi ceux qui ne comprennent pas, pour les entraîner dans des émotions géniales ? Bruckner, lui, savait peser la valeur de ses sentiments à l’égal de Beethoven. Tant que sa croyance persiste, il tient à retenir les objets de son adoration ; son abandon est le résultat immédiat de la perte de sa croyance : Bruckner vénère une jeune fille, blonde, délicate, intelligente, de bonne famille. Elle assiste à ses exécutions au piano ; elle comprend assez de la grandeur du compositeur pour s’adjuger un nombre considérable d’esquisses autographes de Bruckner. L’accord intérieur semble assez satisfaisant. Tout d’un coup les voix secrètes sont étouffées par l’annonce brutale du prochain mariage de cette même jeune fille. Bruckner se lève, ferme le piano, se dirige vers la porte, — « Fi donc ! » — et disparaît.

On se souvient que Beethoven, comme Bruckner, repoussait une femme autrefois aimée, Guilietta Guiccardi, après son mariage, en opposant sa dignité d’artiste à ses souffrances de femme : « Elle cherchait moi en pleurant, mais je la méprisois. »

Berlioz ne dédaignait pas d’entrer en lutte, sinon pour prévenir la perte, du moins pour la venger. Il s’exclame lors du mariage de Charlotte Mocke avec Pleyel (37) : « Qu’ils meurent donc tous les deux, la femme coupable et l’innocent, qu’ils meurent ! »

— Je crois que pour le grand artiste c’est la chose la plus compliquée au monde que de trouver la femme qui lui serait nécessaire. L’artiste recrée la nature par l’esprit. La personnalité artistique atteint par l’art même sa dissolution dans la nature pure. Cet inconscient artistique correspond à l’inconscient dans la vie. Et c’est la femme aimante et délicate qui, en recréant son esprit par son tempérament naturel, communique à l’artiste l’expérience de l’inconscient dans la vie.

Le manque de cet inconscient naturel entraîne l’exagération du désir de l’inconscient artistique. Nous avons déjà fait mention de cette exagération et nous la traiterons en détail un peu plus loin. Ce manque de l’inconscient dans la vie a sa raison dans le manque de développement spirituel dans la plupart des natures féminines. Au lieu de former pour l’artiste l’incarnation du charme primitif, les relations féminines ne font le plus souvent que désenchanter et appauvrir les forces d’âme de l’artiste. Les secrets de l’amour féminin et de l’inconscient, qui en est la fleur, sont destinés le plus souvent à être payés par des humiliations de la volonté. Nous devons croire que la nature purement affective de Bruckner était assez complexe, pour ne pas pouvoir s’abandonner sans trouver au moins un faible écho de la différenciation qui était la base de son être. N’oublions pas non plus que Bruckner apportait de la campagne un fonds tout à fait extraordinaire de perspicacité dans les questions sexuelles, lors de son arrivée à Vienne à l’âge de 44 ans.

Bruckner était si jaloux de son âme d’artiste qu’il se saturait de la richesse du moment sans jamais arriver au dégoût : On raconte qu’à Linz il poursuivit trois femmes à la fois ; lui-même s’attachait à la première, et envoyait son ami Waldeck et un commissionnaire à la poursuite de la seconde et de la troisième. À Voecklabruck, en visite chez sa sœur mariée, sa première question fut de demander où trouver une jolie fille dans le voisinage. À Vienne, il envoyait souvent sa gouvernante, Kathi Kachelmeyer, aux différentes adresses de jeunes femmes qu’il rencontrait ; et souvent même il lui échappait, quand il sortait faire des emplettes avec elle. À Steyr, il danse (38) toute une demi-nuit avec une belle comme un jeune homme, malgré ses 61 ans. Le jour suivant, il lui joue, devant toute la société, avec une « intensité inouïe », la deuxième partie de sa Huitième Symphonie, qui lui avait été inspirée au moment où il était attablé à boire sa bière de Pilsen.

En dernier lieu, c’était la sensibilité même réunie à la faculté et au désir de l’expression immédiate de ses états d’âme par la musique, qui empêchait Bruckner de chercher la satisfaction sensuelle. Sa vivacité ne savait jamais s’accorder à un projet de mariage et il lui est arrivé à Linz de se décider une première fois pour la mère, lors de sa visite suivante pour la fille et de renoncer finalement à toutes les deux. Le respect qu’il éprouvait envers ses propres sentiments lui défendait des conquêtes faciles. Une fois, étant mis en présence d’une dame galante par les bons soins de ses amis, Bruckner se dérobe à l’importunité de cette compagnie, en prononçant ce seul mot : « Putiphar ! », c’est-à-dire : ma mission est sacrée ; ne me touche pas ! Qu’on remarque bien que le personnage biblique lui devient un symbole tout naturel de sa disposition intérieure. Je ne crois pas que les règles de chasteté du couvent ni celles de l’église aient jamais été la raison principale qui expliquerait le caractère de la vie amoureuse de Bruckner.

On pourra encore moins faire valoir la situation économique de Bruckner dans un sens semblable. Bien que Bruckner n’ait jamais été riche, ce n’est pas le manque d’argent qui aurait pu l’empêcher de quitter la solitude de temps en temps ou pour toute sa vie. Il était dans l’impossibilité absolue de se rendre compte des questions financières, aussi celles-ci ne jouaient-elles aucun rôle décisif dans ses résolutions.

Grâce à la délicatesse et à la vivacité de ses instincts, Bruckner savait non seulement se préserver du dégoût, mais il sut encore augmenter ses jouissances différenciées par des moyens artificiels dans le sens de Wagner (39) : « Nous ne menons pas une existence naturelle ; pour retourner jusqu’à mi-chemin seulement de la nature, elle devrait être beaucoup plus artificielle encore, en quelque sorte comme mes œuvres d’art mêmes, qui ne se retrouvent pas non plus dans la nature et dans l’expérience, mais cependant reçoivent une vie nouvelle et supérieure justement par l’application la plus complète de l’art. » Bruckner possédait toute une collection de montres de dames. Il possédait aussi trente et une paires de bottes en peau de phoque. Il semble que ces dernières devaient servir au toucher ; on sait (40) que ce sens à la faculté de percevoir dans le temps le plus court plus d’impressions que l’oreille. Et voilà un nouveau signe de la sensibilité de Bruckner.

On a tort de faire d’une telle substitution d’un charme artificiel à un charme naturel une manie pathologique. Il suffit pour s’en convaincre de lire la très simple explication que Wagner donne de sa prédilection pour le velours, la soie et d’autres étoffes précieuses dans ses lettres à Mme Wesendonck (41).

*

Telle fut la vie amoureuse de Antoine Bruckner. Si dans la plupart des vies humaines, et même dans la plupart des biographies d’artistes l’amour n’est qu’une sorte de moyen de séduction, qui atteint son but par la conquête de la femme, la vie amoureuse de Bruckner est un effort continu au delà des individualités vers les secrets de sa nature. C’est un amour qui désire à peine connaître des objets, parce qu’il a peur de se heurter aux corps en cherchant la route vers son Moi. C’est un amour qui ne connaît pas de direction fixe.

Les deux marques essentielles du facteur inconscient (42), la soudaineté et l’impersonnalité se trouvent aussi visiblement que possible dans la vie amoureuse d’Antoine Bruckner ; sans que cette vie soit pourtant jamais arrivée, faute d’un abandon définitif, à la dissolution dans l’inconscient.

Et cet inconscient, que la vie de Bruckner — (sauf dans des moments de crise nerveuse, dont nous avons parlé, et, avec moins d’intensité, dans quelques adorations religieuses) — n’a jamais atteint, se surexcite par conséquent dans sa musique. « La surexcitation (43) provoque des idées plus nombreuses, des conceptions plus rapides, elle donne à l’imagination plus de spontanéité, plus d’originalité à la pensée, de l’imprévu et de la variété à l’association des idées, de la vivacité aux souvenirs. » C’est la chaîne infinie des mélodies brucknériennes, leur nouveauté, leur ordre personnel, leurs oppositions dynamiques, c’est aussi la forme cyclique de la huitième ou de la cinquième symphonie avec la reprise du premier thème de la première partie à la fin de la quatrième. Ce sont autant d’effets de la surexcitation de l’inconscient musical ! Cette surexcitation, c’est à peu près tout ce qu’on comprenait jusqu’ici dans la musique de Bruckner !

Pourtant n’avons-nous pas trouvé assez de conscience dans les instincts de Bruckner ? N’était-ce pas justement à cause du haut développement de sa conscience qu’il renonçait à la jouissance de l’inconscient dans sa vie amoureuse ? N’était-ce pas cette conscience même qui entraînait chez lui la surexcitation du désir de l’inconscient ? Aussi, pour notre part, nous ne pouvons plus considérer les œuvres de Bruckner comme de simples résultats d’une inconscience absolue.

Parallèle à la conscience de la vie, nous trouvons aussi assez de conscience personnelle dans l’art de Bruckner ; de sorte que l’imagination inconsciente, l’inspiration, n’y apparaît (44) vraiment « pas comme une cause, mais plutôt un effet, plus exactement un moment, une crise, un état aigu » ; tandis que l’imagination consciente agit vraiment comme « appareil de perfectionnement » formant le souffle vital des œuvres et en faisant des organismes.

Assurons-nous aussi de la conscience artistique de Bruckner par un succinct aperçu de sa carrière musicale : son éducation musicale fut essentiellement autodidactique, basée sur des émotions personnelles qui lui paraissaient aptes à être rendues par les sons.

Déjà, par sa famille, Bruckner était beaucoup moins soumis aux lois de la tradition musicale que Bach ou Beethoven. Son éducation musicale n’eut tout d’abord rien d’officiel. Cependant son instrument principal était l’orgue ; et celui-ci sonne (45) assez faux pour exercer une influence inquiétante ; d’un autre côté par la parenté de son coloris avec la voix humaine (46) l’orgue empêche une différenciation de l’ouïe de Bruckner. Une partie considérable du tempérament musical de Bruckner est symbolisée par ce dualisme de l’orgue, qui excite, pour ne contenter que par des moyens pathétiques. Ce n’est que très tard que Bruckner se sépara de son orgue, en le faisant parvenir à un de ses médecins, le conseiller aulique Schrotter. M. Max Graf (47) cherche à expliquer techniquement les oppositions dynamiques qui rompent toujours dans des exécutions ordinaires des œuvres de Bruckner l’unité de la construction, en faisant allusion à l’habitude des claviers de l’orgue. La prédilection pour les cuivres que Bruckner manifeste dans ses œuvres et qu’on aime à expliquer comme un genre de wagnérianisme, pourrait bien être basée sur l’habitude de la sonorité de l’orgue. En commençant l’instrumentation de ses symphonies par les cordes, Bruckner effectue cependant au courant de sa carrière musicale une différenciation considérable en comparaison de la lourdeur majestueuse de l’orgue ; ce qui n’a pas empêché d’ailleurs que le voisinage de l’orgue lui restât le plus sympathique pour son sommeil éternel. On sait que le sarcophage de Bruckner est placé sous le grand orgue de l’église du couvent de Saint-Florian.

Les études du « Clavecin bien tempéré » que Bruckner entreprit à la campagne au cours des loisirs que lui laissaient ses occupations d’instituteur, n’étaient certainement pas trop scholastiques et elles étaient assez bien équilibrées par ses autres études de pédagogue et même d’agriculteur. À l’âge de 21 ans, alors qu’il était maître d’école à Saint-Florian, il cultive plutôt le piano que l’orgue ; il partage sa journée d’après ses propres dires, en 10 heures d’études de piano et 3 heures d’études de l’orgue. Le piano favorisait par sa plus grande richesse de nuances la vivacité de l’expression (48). Ses études du violon, du chant, et de la basse chiffrée semblent avoir favorisé ses premiers exercices de composition. Il est assez libre d’esprit pour étudier les chants de Schubert. L’examen d’orgue que Bruckner passa à Vienne auprès du célèbre théoricien et organiste Simon Sechter était plutôt destiné à servir à l’avancement de Bruckner, qu’à manifester ses besoins de subordination. Il devint organiste de l’église principale de Linz.

Là, en même temps qu’il était au service de la Vierge Marie, Bruckner s’approchait au cours de ses leçons d’instrumentation de la Vénus de « Tannhäuser, » dont les rythmes dionysiaques ne manquaient certainement pas d’exercer une certaine influence sur lui ; bien que vraisemblablement le théâtre de Linz les ait encore moins réalisés dans des exécutions orchestrales que les autres théâtres du monde, qui restent tous assez loin de la pensée de Wagner. Bruckner, dont le tempérament était si jeune, se plaisait à Linz aussi dans la direction d’une association de chanteurs, nommée La Bonne Gaieté (Frohsinn) et sa dévotion à la cause des chanteurs semble avoir été si intense que le refus d’une de ses compositions de la part d’une de ces associations provoqua la première manifestation des troubles nerveux, dont nous avons fait mention. M. Paul Magnette parle (49) de leçons de forme musicale que le chef d’orchestre de Linz aurait donné à Bruckner. Bruckner était trop avide de science musicale pour se contenter de ces leçons de forme. Il espérait peut-être pouvoir pénétrer jusqu’au fond de lui-même à l’aide de cette science musicale. « Aucune théorie n’est assez fausse, pour qu’il n’y ait pas de musiciens qui l’approuvent » (50), dit-on ; mais les espoirs de Bruckner semblent avoir été déçus, quoiqu’il ait passé au Conservatoire de Vienne un examen des plus brillants.

Est-ce que son caractère n’était plus assez souple pour se plier au joug ? L’enseignement que Bruckner donnait à l’occasion, n’était pas strictement conforme à celui qu’il avait reçu. Laissons la parole à Bruckner même, par exemple pour l’explication de la dissonance. Bruckner démontre (51) ; « la tonique est un jardin... un jardin, qui est là (geste)... La dominante est un jardinier qui veille sur le jardin. Et maintenant vient un bouc (pause)... Alors le jardinier prend un bâton et frappe le bouc au front : Voilà, Messieurs, une dissonance ». Une septième qui n’est pas préparée est d’après Bruckner « une tante qui répand de l’effroi autour d’elle par son arrivée inopinée ». N’est-ce pas l’effort souriant d’un savant qui débarrasse les cerveaux de tous les nuages en descendant aux sources naïves d’une tradition invétérée ?

Jusqu’à l’âge de 40 ans — (âge que Mozart, Schubert et Chopin n’ont pas atteint) — l’activité créatrice de Bruckner était presque entièrement consacrée à l’improvisation. Personne ne lui prescrivit la forme à choisir ; aucune insuffisance de la notation ne défigura les produits de son imagination. Il était indépendant autant qu’on peut l’être. Il avait l’occasion la plus parfaite de faire la connaissance de son âme musicale. Il dépensait autant que possible tout ce qui était en lui. Ici aussi le corps devenait l’esclave de ses désirs intérieurs. Il travaillait son instrument jusqu’à ce qu’il fût baigné de sueur.

C’était le temps le plus fertile de toute sa vie musicale (52). On a grand peine à s’imaginer la magnificence de ces improvisations d’après les symphonies qui nous sont parvenues. Les sentiments qui animent les symphonies sont modérés par le respect de la tradition et ce n’est plus tant la conscience inébranlable que l’inconscience surexcitée qui trouve les nouveaux moyens d’expression musicale dont chacune des neuf symphonies de Bruckner enrichit le monde.

Cependant il s’est trouvé quelqu’un en Allemagne qui a cru bon de prendre les symphonies de Bruckner pour des improvisations, sans égard aux longues années et aux études scrupuleuses que Bruckner consacrait à chacune de ces symphonies. Je n’ose pas décider si cette explication fait un plus grand tort aux improvisations de Bruckner ou à la forme symphonique que Bruckner ranimait par sa personnalité.

*

Les exécutions que Bruckner fit entendre sur l’orgue à Nancy, à Paris et à Londres en 1869 (53) étaient déjà très différentes des improvisations de Linz et de Saint-Florian. La messe de sa composition, qui fut notée quelques années auparavant, a l’air d’un exercice de bon ton, qui se répétait sous la forme de deux autres messes.


C’est avec la plus grande souffrance que Bruckner exposa au jour sa première symphonie. Il avait du reste brûlé la véritable première. Celle que nous connaissons dut subir d’innombrables retouches. Car sa première conception était assez audacieuse pour effrayer Hans de Buelow, qui cependant n’était pas timide, surtout au moment du Tristan.

Le public de Linz ne comprit rien de cette symphonie que Bruckner même lui faisait entendre. Le journal principal de Linz (54) parle de « recherche d’effets » et d’une « inquiétude qui ne s’apaisait ni dans l’Adagio ni dans le Final, ni même dans l’accord resplendissant de ut majeur, qui forme la fin définitive. »

À l’instar du public de Linz, le public de partout n’a jamais joui d’une œuvre entière de Bruckner. On n’a qu’à observer les salles de concert pendant et après les exécutions des œuvres de Bruckner, soit à Vienne, soit à Munich, soit à Leipzig, soit à Berlin, ou à Paris.

Bruckner, pour des raisons que nous connaissons et que nous connaîtrons encore de plus près, était incapable de se faire comprendre. Au commencement il se dit « volontairement solitaire ». Mais déjà après l’exécution de la première symphonie, Bruckner commence à désespérer. Il parle de suicide. On se rappelle qu’un critique avait intitulé Beethoven, après la première exécution de la Symphonie Héroïque, de « cochon musical » : à Vienne, Bruckner se voit obligé de répéter mélancoliquement (55) la réponse que Beethoven avait adressée à son critique : « Ah  ! l’humanité, qu’elle est sotte, qu’elle est sotte ! » Une autre fois, Bruckner s’érige en défenseur de sa forme, que tout le monde mettait en loques. Il s’adresse à Beethoven dans sa manière viennoise (56) : « Je vous demande pardon, Monsieur de Beethoven, d’avoir délaissé vos traces. Mais je m’imagine toujours qu’un véritable artiste peut mouler sa propre forme. » C’est l’opinion la plus sûre que Bruckner ait jamais prononcée sur la construction de ses œuvres.

Son désir de défendre la liberté créatrice devant la Chambre autrichienne, était d’autant plus grandiose qu’il était irréalisable. Sa gratitude envers les chefs d’orchestre qui daignaient exécuter une de ses œuvres, se surexcitait au courant de sa vie à ce point que Bruckner se jeta une fois en plein boulevard aux pieds de l’un d’eux. Il ne se permettait pas la moindre observation sur la qualité d’une exécution et accordait d’avance toute demande qui lui parvenait de la part d’un des très honorés « Chefs d’orchestre de la Cour ». C’était la plus mélodique de ses symphonies, la Septième, qui eut le plus grand succès de son vivant, c’est-à-dire dans la soixantième année de sa vie. Aucun titre de docteur, aucune faveur impériale ne put jamais remplacer la jouissance de lui-même dont l’incompréhension du public le priva pendant toute sa vie.

La surexcitation de l’inconscient que nous avons vu se produire dans l’œuvre de Bruckner, va grandissante, à mesure que Bruckner au courant de sa vie s’efforce de satisfaire les demandes du public et de la tradition musicale. Les notations des manuscrits de Bruckner me semblent très caractéristiques des états d’âme qui ont donné naissance à ses symphonies ; une infinité de fois nous y retrouvons le mot « feierlich » (solennel). C’est toujours à nous cependant de ne pas négliger la partie consciente de l’imagination créatrice de Bruckner qui a pour base les souffrances de sa vie. De telles souffrances ne lui faisaient jamais défaut et pénétraient de leur chaleur les voiles de la froide « Beauté » musicale sous lesquels Bruckner s’efforce de cacher sa peine.

Bruckner dit à ses amis (57) : « Racontez au monde l’histoire de mes douleurs. » Racontons cette histoire en faisant entendre les œuvres de Bruckner dans leur logique intérieure. La force consciente de ses improvisations se transforme en souffrance consciente dans ses symphonies ; l’imagination inconsciente de sa jeunesse se change en surexcitation mélodique. Il y a toujours aussi dans les symphonies un développement délicat (58).

*

Une telle interprétation des symphonies de Bruckner devra renoncer au concours du compositeur. On connaît l’histoire des erreurs que l’inconscience créatrice commet dans les questions qui concernent ses œuvres. On se souvient des interprétations naïves que Haydn donnait de sa Création ; Gounod de sa Rédemption. On se rappelle des théories que Wagner propageait sur son propre art, sans remarquer qu’aucun de ses opéras ne correspondait à son idéal. On se souvient enfin de la valeur que Beethoven accordait plus ou moins naïvement aux causes extérieures de ses œuvres (59). Bruckner est tombé dans la faute de Beethoven.

Chaque fois que Bruckner désirait communiquer le contenu, la signification intérieure de sa musique, il se tenait plutôt à la cause extérieure, en prenant la raison extérieure de la création à la place de la raison intérieure. Les exécutions orchestrales qui étaient faites dans ce sens, ressemblaient donc plutôt à une suite de films cinématographiques qu’à une œuvre musicale.

Il va sans dire, que les notations manuscrites des compositeurs, et surtout celles de Bruckner ne sont pas plus satisfaisantes que leurs indications verbales. Je ne répéterai pas ici les arguments de tous les auteurs qui traitent la question de l’interprétation des manuscrits musicaux (60). La seule réflexion devrait convaincre de l’insuffisance de la notation musicale, si nous nous rappelons que notre enseignement ne s’est jamais occupé de la notation du groupement détaillé des sons. Le soi disant « phrasé » des Allemands est lui aussi fragmentaire et trompeur. La notation des degrés dynamiques de l’œuvre, qui ne se manifestent que par le développement détaillé des sons devait aussi rester incomplète (61).

Notre interprétation doit remédier par la conscience récréatrice aux défauts de l’inconscience créatrice, pour qu’apparaisse enfin la véritable personnalité de Bruckner, « Il faut entendre l’originalité avec Laplace (62) comme résultant du rapprochement d’idées susceptibles de se joindre et qui étaient isolées jusqu’alors »... « Les rapprochements inattendus, mais légitimes du génie relèvent de l’invention guidée, canalisée par une réflexion, par un esprit critique aiguisés ; si l’invention est spontanée en apparence, elle découle en réalité d’un travail permanent. »

Alfred WESTARP.



NOTES

(1) JEAN HURÉ : Dogmes Musicaux, Édition du Monde Musical, Paris, RICHARD WALLASCHEK : Aesthetik der Tonkunst.

(2) Lettres de Wagner à Mathilde Wesendonck (Édition française) II, 165.

(3) Loc. cit. II, 136.

(4) Loc. cit. I, 208-209.

(5) Loc. cit. I, 177.

(6) TH. RIBOT : Imagination Créatrice, Page 284.

(7) Lettres de Wagner à Mathilde Wesendonck II, 28.

(8) Loc. cit. II. 52.

(9) OTTMAR RUTZ : Neue Entdeckungen von der menschlichen Stimme, Pages 146, 147.

(10) Lettres de Wagner à Mathilde Wesendonck II, 48.

(11) Loc. cit. II, 54.

(12) Loc. cit. II, 150.

(13) Loc, cit. II, 150.

(14) Loc. cit. II, 224.

(15) Loc. cit. II, 27.

(16) RICHARD WALLASCHEK : Psychologie und Pathologie der Vorstellung.

(17) PAUL Moos : Moderne Musikaesthetik in Deutschland.

(18) ETIENNE RABAUD : Le génie et les théories de M. Lombroso, Pages 69, 74, 75.

(19) Lettres de Wagner à Mathilde Wesendonck 1, 98.

(20) Loc. cit. I, 146.

(21) DUPRÉ-NATHAN : Le langage musical, Page 158.

(22) Lettres de Wagner à Mathilde Wesendonck, II, 17.

(23) Loc. cit. I, 228.

(24) GRAF : Anton Bruckner, dans Die Musik, I, 4, Page 298.

(25) Lettres de Wagner à Mathilde Wesendonck I, 129.

(26) Loc. cit. I, 187.

(27) Loc. cit. I, 195.

(28) Loc. cit. I, 130.

(29) Communication de M. le docteur Fleischanderl à Vienne.

(30) DECSEY : Bruckner als Lehrer dans Die Musik, II, 22.

(31) GRAF : Bruckner in der Anekdote dans Neue Musikzeitung, Stuttgart.

XXIII, 13, Page 178.

(32) Lettres de Wagner à Madame Wesendonck, I, 222.

(33) Loc. cit. II, 25.

(34) Loc. cit. I, 101.

(35) TH. RIBOT : Imagination Créatrice, Page 64.

(36) Lettres de Wagner à Mathilde Wesendonck, I, 22.

(37) DUPRÉ-NATHAN : Le Langage musical, Page 164.

(38) HRUBY : Meine Erinnerungen an Anton Bruckner, Page 36.

(39) Lettres de Wagner à Mathilde Wesendonck, I, 148, 181, 194, 222.

(40) STUMPF : Tonpsychologie.

(41) Lettres de Wagner à Mathilde Wesendonck, I, 148, 181, 194, 222.

(42) TH. RIBOT : Imagination Créatrice, Page 43.

(43) ETIENNE RABAUD : Le génie et les théories de M. Lombroso, Page 11.

(44). TH. RIBOT : Imagination Créatrice, Pages 49-48.

(45) HELMHOLTZ : Théorie physiologique de la musique.

(45) HELMHOLTZ : Théorie physiologique de la musique.

(47) GRAF : Anton Bruckner dans Die Musik, 1, 4, Page 296.

(48) CHRISTIANI : Das Verständniss im Klavierspiel.

(49) Revue de Belgique, Avril 1910, Page 339.

(50) RICHARD WALLASCHEK : Aesthetik der Tonkunst.

(51) GRAF : Bruckner in der Anekdote dans Neue Musikzeitung, Stuttgart, XXIII, 13, Page 178.

(52) GRAF : Anton Bruckner dans Die Musik, I, 4, Page 298.

(53) PAUL MAGNETTE, Anton Bruckner, Revue de Belgique, Avril 1910, Page 342.

(54) GRAF : Anton Bruckner dans Die Musik, I, 14, Page 1267.

(55) HRUBY : Meine Erinnerungen an Anton Bruckner, Page 20.

(56) Loc cit., Page 22.

(57) Loc. cit. Page 26.

(58) Lettres de Wagner à Mathilde Wesendonck, II, 19 : « Il a toujours été dans ma nature de passer rapidement et fortement aux extrêmes d’un état d’âme : ces extrêmes, d’ailleurs, ne peuvent faire autrement que se toucher ; en cela même gît souvent le salut de la vie. Au fond, l’art véritable n’a d’autre objet que de présenter ces états suprêmes dans leurs relations ; ce dont il s’agit uniquement ici, le résultat décisif, n’est dû qu’à ces oppositions tranchées. » « Mon art le plus subtil et le plus profond, je voudrais pouvoir l’appeler l’art de la transition, car tout mon œuvre artistique est composé de telles transitions ». (II, 20).

(59) WALLASCHEK : Aesthetik der Onkunst.

(60) FERRUCCIO BUSONI : Entwo einer neuen Asthetik der Tonkunst.

HUGO RIEMANN : Musikalische Dynamik und Agogik, Pages 37, 47, 240, 255.

HUGO RIEMANN : Der Ausdruck in der Musik.

WALLASCHEK : Aesthetik der Tonkunst.

MATTHIS LUSSY : De l’Expression Musicale.

A. J. POLAK : Ueber Tonrythmik, und Stimmenfuenrung.

OTTO KLAUWELL : Der Vortrag in der Musik.

ALFRED WESTARP : Du Sentiment musical, Édition de l’Institut Général Psychologique, Paris, 14, rue de Condé, Page 11.

(61) ALFRED WESTARP, loc. cit., Pages 3 à 8.

(62) ETIENNE RABAUD : Le génie et les théories de M. Lombroso, Page 64.