Anthologie féminine/Princesse de Salm-Dyck

Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 237-239).

PRINCESSE DE SALM-DYCHA
(Constance-Marie de Théis)

(1767-1845)

Femme de lettres, née à Nantes. Elle a laissé des Poésies et de nombreux écrits, ainsi que des Mémoires sur sa vie. — Œuvres, 4 vol. 1842.


PRIE ET TRAVAILLE

« Plie et travaille » est la devise heureuse
D’un noble cœur, d’un esprit éclairé :

C’est d’une vie et pure et généreuse
L’art, le devoir et le bonheur sacré.

« Prie et travaille » était, dans le village,
Ce que disaient nos guerriers valeureux.
Ils priaient même au milieu du carnage,
Et pour l’honneur ils en travaillaient mieux.

« Prie et travaille » est ce que l’on répète
Au malheureux qui réclame un peu d’or:
Et ce conseil que souvent il rejette.
S’il le suivait, lui vaudrait un trésor.

« Prie et travaille » est le refrain du sage;
Faibles mortels, récitez-le tout bas:
Ceux dont l’erreur fut l’éternel partage
Ne priaient guère et ne travaillaient pas.

Prie et travaille, ô toi que peut surprendre.
Loin d’un époux, le monde, le plaisir;
Par la prière occupe un cœur trop tendre,
Par le travail un dangereux loisir.

Prie et travaille en tes sombres retraites,
Beauté qu’à Dieu l’on veut sacrifier :
Crains, en priant, les biens que tu regrettes.
En travaillant cherche à les oublier.

Prie et travaille, homme vain, femme altière.
Riche qu’entoure un pompeux attirail.
Que reste-t-il à notre heure dernière,
Hors la prière et les fruits du travail ?

Prie et travaille, ou redoute le blâme ;
Avec raison, enfin, on te redit :
Car la prière est le charme de l’âme,
Et le travail, le repos de l’esprit.


On doit à M. de Pongerville une bonne édition des Pensées de la princesse de Salm. En voici trois qui nous semblent charmantes :

PENSÉES DÉTACHÉES

Nous aimons la morale quand nous sommes vieux, parce qu’elle nous fait un mérite d’une foule de privations qui nous sont devenues une nécessité.

Il est des chagrins profonds qui semblent rester en réserve dans l’âme, où on les retrouve toujours lorsqu’on est disposé à s’affliger.

La conversation des femmes, dans la société, ressemble à ce duvet dont on se sert pour emballer les porcelaines : ce n’est rien, et sans lui tout se brise.