Anthologie féminine/Mme Carette

Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 385-387).

Mme  CARETTE, née BOUVET


Lectrice de l’impératrice Eugénie, Mme Carette sera la Mme de Staal-Delaunay du second empire, qui ne me parait pas avoir de Saint-Simon. Elle a débuté par un roman, Passion, et publie une collection des Mémoires des femmes des XVIIIe et XIXe siècles ; mais son grand succès est dans ses Souvenirs des Tuileries. Dans le siècle prochain, on s’intéressera beaucoup à lire, par exemple, son récit d’une certaine revue jouée à Compiègne en 1865, les Commentaires de César, où la princesse de Metternich jouait en travesti le rôle de cocher de fiacre. La marquise de Galliffet représentait l’Industrie, drapée de laine blanche, coiffée de rayons d’or, comme la statue qui domine le dôme du Palais des Champs-Élysées. La comtesse de Pourtalès était en Hôtel des Ventes.

Trouville (Mme Bartholoni), Deauville (la baronne Poilly), se disputaient la suprématie, et le marquis de Caux, en cocodès au naturel, cherchait à mettre d’accord les deux villes d’eaux rivales ; à distance d’années tout cela paraît bien plus piquant que sur le moment.


Les cochers de fiacre venaient de se mettre en grève (alors, comme maintenant).

Au bruit d’un cliquetis de fouets dans la coulisse apparaissait un cocher de fiacre, fouet à la main, bien étoffé dans son long carrick blanc, finement chaussé de bottes à revers, le cou serré dans la haute cravate blanche, et le chapeau à cocarde posé sur le bord des yeux, un cocher tel que la grâce mignarde du XVIIIe siècle l’aurait reproduit en pâte tendre, plein de malice et d’élégance sous la livrée populaire d’un cocher de l’Urbaine, la princesse de Metternich faisait une entrée étourdissante, et d’une petite voix aigrelette détaillait ses couplets, avec plus de verve et d’esprit qu’on n’en a jamais entendu sur aucun théâtre :


D’un bout à l’autre de Paris,
En voiturant jusqu’à leur porte
Un tas de gens de toutes sortes,
J’observe et j’ai beaucoup appris !
Primo, je vais prendre à la gare
Les voyageurs et leur colis ;
Les premiers dans cette bagarre
Ne sont pas toujours très polis.
Quand tout commence à s’animer,
J’ai déjà fait plus d’une course ;
À midi je jette à la Bourse
Les pigeons qui s’y font plumer.
..........
Le soir, c’est quelque bon ménage
Qu’on mène au bal, et, quelquefois.
Pour ne pas déranger la cage[1],
Le serin monte auprès de moi !

..........
Le samedi survient et, crac,
Pour la noce il faut que j’attelle ;
Et nous allons en ribambelle
Faire trois fois le tour du lac.
..........
Mais avec moi rien n’est perdu,
Et chaque objet que l’on égare,
Pourvu du moins qu’on le déclare.
Sera fidèlement rendu.
Sans que l’ambition m’assiège.
Haut placé je suis fort content ;
Combien d’autres qui, sur le siège,
En devraient savoir faire autant.

Restons-en sur cette réflexion à méditer !


  1. À cette époque, les femmes portaient des crinolines appelées cage.