Anthologie féminine/Mme Ancelot

Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 279-282).

Mme ANCELOT

(1795-1872)


Marguerite-Virginie Chardon, née à Dijon, épousa M. Ancelot, littérateur distingué, membre de l’Académie française. Elle eut un des salons les plus littéraires de l’époque, où se rencontraient la duchesse d’Abrantès, Mme Vigée-Lebrun, Mme Sophie Gay et sa fille.

Quelques nouvelles, une vingtaine de pièces de théâtre dont : Marie, ou Trois Époques, Théâtre-Français, 1836 ; le Château de ma nièce, représenté chez le comte de Castellane ; Hermance; le Baron de Frimonstiers, les Salons de Paris au XIXe siècle, Foyer éteint, tel est à peu près son bagage littéraire.

Mme Ancelot avait une fille charmante, âme d’élite, modeste et réservée, Louise Ancelot, qui épousa M. Lachaud, le célèbre avocat, et dont l’éloge peut se résumer en ces mots : « Comme les peuples heureux elle n’eut pas d’histoire. »

Elle mourut en 1885, de la rupture d’un anévrisme. Son fils, Georges Lachaud, héritier du talent de son père, et qui nous avait déjà donné de fines satires des mœurs modernes dans Cabotinage et plusieurs autres romans de mœurs, vit sa carrière arrêtée en pleine maturité par une maladie nerveuse causée par le chagrin qu’il éprouva de la mort de sa mère.

Mme Ancelot était peintre de talent. Un de ses tableaux les plus connus, qui figura au salon de 1828, représentait Une Lecture chez M. Ancelot,

Voici ce qu’elle nous en dit elle-même :

… J’ai étudié la peinture, parce que mon goût m’y portait. À l’âge de quinze ans, je peignais quelquefois sept ou huit heures par jour, composant de petits tableaux de genre, sachant de l’art tout ce qui ne s’apprend pas, mais ignorant beaucoup de ce que les maîtres enseignent. Depuis, j’ai écrit de même, par goût, par passion, mais toujours sans projet, sans calcul, aimant les lettres et les arts, comme j’aime mes amis, pour eux-mêmes. Aussi je n’ai jamais éprouvé de mécomptes, ni jamais ressenti d’envie contre personne. Ce que j’ai fait en peinture et en littérature m’a rendue plus indulgente pour les ouvrages des autres, plus enthousiaste de leurs talents, plus sympathique à leurs succès.

Les Salons de Paris de Mme Ancelot sont plus intéressants que bien des Mémoires et seront certainement réédités quand ils seront tombés dans le domaine public. Les salons, qu’elle décrit sur le vif, de Mme Vigée-Lebrun, de la duchesse d’Abrantès, du baron Gérard, etc., étaient fréquentés par les notabilités littéraires et artistiques, et elle donne à chacun son dû ; ainsi, dans le salon du baron Gérard :

On rencontrait Henri Beyle (Stendahl, l’auteur de Rouge et Noir, de la Chartreuse de Parme, etc.), dont rien ne peut rendre la piquante vivacité et qui avait avec M. Mérimée des entretiens inimitables par l’originalité tout à fait opposée de leur caractère et de leur intelligence, qui faisaient valoir l’un par l’autre et élevaient par la contradiction à leur plus haute grande puissance des esprits de si haute portée. Beyle était ému de tout, il éprouvait mille sensations diverses en quelques minutes. Rien ne lui échappait et rien ne le laissait de sang-froid ; mais ses émotions tristes étaient cachées sous des plaisanteries, et jamais il ne semblait aussi gai que le jour où il éprouvait de vives contrariétés. Alors quelle verve de folie et de sagesse ! Le calme insouciant et moqueur de Mérimée le troublait bien un peu et le rappelait quelquefois à lui-même ; mais quand il s’était contenu, son esprit jaillissait de nouveau plus énergique et plus original.

Le salon de Mme Ancelot méritait sa place dans la nomenclature au moins autant que les précédents ; littérateurs et artistes arrivés et débutants s’y pressaient ; Alfred de Vigny était un des assidus ; et parmi les jeunes qui arrivèrent à la gloire, il faut citer le peintre célèbre, Jean Gigoux.