Anthologie féminine/Marie de Romieu

Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 43-45).

MARIE DE ROMIEU

(1550 environ à 1600)


Les dates de sa naissance et de sa mort ne sont pas connues avec précision. On sait seulement qu’elle est née à Viviers, dans le Vivarais, et que ses Premières œuvres poétiques furent éditées en 1580.

Son œuvre principale, et qui mériterait, autant par l’excellente langue dans laquelle elle est écrite que pour les idées qu’elle agite, d’être connue in extenso, est son Discours pour la défense des femmes, qui lui valut maintes félicitations de plusieurs poètes du temps, entre autres celles de Jan Édouard de Morin, qui débutent avec entrain :

Ce mâle vers en fat de ta verve femelle
Me faict prodigieus sonner en la poictrinée
Un vœu de m’enfemmer.....
..........


Ces poésies en son honneur sont réunies aux siennes dans un tout petit volume que nous avons eu entre les mains à la Bibliothèque nationale, et qui est intitulé ainsi qu’il suit :

Œuvres poétiques de Mme  Marie Romieu, contenant un brief Discours, que l’excellence de la femme surpasse celle de l’homme, non moins récréatif que plein de beaux exemples. Le tout à trés haute et trés illustre princesse ma dame Marguerite de Lorraine, duchesse de Joyeuse. À Paris, 1581, pour Lucas Breger, tenant sa boutique au second pillier de la grand’salle du Palais.


DISCOURS


Nous avons bien souvent à mespris une chose,
Ignorans la vertu qui est en elle enclose,
Faute de rechercher diligemment le pris
Qui pouvoit estonner en après nos esprits :
Car, comme un coq qui treuve une perle perdue,
Ne sçachant la valeur de la chose incognue,
Ainsi, ne peu s’en faut, l’homme ignare ne sçait
Quel est entre les deux sexes le plus parfait.
Il me plais bien de voir des hommes le courage,
Des hommes le sçavoir, le pouvoir, l’avantage,
Il me plais bien de voir des hommes la grandeur ;
Mais, puis si nous venons à priser la valleur.
Le courage, l’esprit et la magnificence.
L’honneur et la vertu et toute l’excellence
Qu’on voit luire toujours au sexe féminin,
A bon droit nous dirons que c’est le plus divin.
............
Allons donc plus avant, venons à la douceur
Et sainte humanité dont est remply leur cueur.
S’est-il treuvé quelqu’un qui n’eut l’âme saisie
De semblable bonté, faveur et courtoisie ?
............
Pleurez, mes yeux, pleurez, et ores de vos pleurs

 Faites sortir un ruisseau de douleur,
Et toy, mon cœur, fend toy d’une douleur profonde,
 Fay que mon mort se suive en l’autre monde.


HYMNE À LA ROSE

pouvant servir d’épitaphe

............
Celle qui gist ici sous cette froide cendre.
Toute sa vie aima la rose fraische et tendre,
Et l’aima tellement qu’après que le trespas
L’eut poussée à son gré aux ondes de là-bas
Voulut que son cercueil fût entouré de roses,
Comme ce qu’elle aimoit par-dessus toutes choses.