Anthologie des poètes français du XIXème siècle/Dionys Ordinaire
ionys Ordinaire, né à Jougue (Doubs) en 1826, est passé par l’École Normale, et a exercé près de trente ans le professorat. Il a écrit une Mythologie et une Rhétorique nouvelle (1866), très goûtées de Sainte-Beuve, et collaboré à la Revue des Deux-Mondes et à la Revue politique et littéraire. Il fonda en 1871 la Petite République Française. Élu membre de l’Assemblée nationale en 1870, il représente encore le département du Doubs à la Chambre des Députés.
Comme poète il a publié Mes Rimes, petit volume Rabelaisien, critique et gouailleur, fort bien apprécié en quelques lignes par l’éminent critique des Débats.
« Nourrisson d’Horace et de Rabelais, dit M. Weiss, M. Ordinaire n’est pas un simple imitateur qui s’adonne à l’artificiel et fait de l’anachronisme. Il est de son temps ; il al’humour ; il a le sentiment pur et frais de la nature. Dans Mes Rimes, tout est de verve, de flamme et de mouvement. Qui sait si ce modeste petit livre n émergera pas sur les ans ? La Fare et le chevalier Bertin n’ont-ils pas survécu ? M. Ordinaire a désormais son coin dans l’histoire des lettres. Pas bien large, ce coin, ni bien haut ! mais il est bien à lui. Quelque chose comme un arpent de terre, où rit le pampre et où sonne le franc baiser, sur une pente du Jura, à mi-chemin d’Arbois et de Saint-Amour. »
Les poésies de M. Dionys Ordinaire ont été publiées par A. Lemerre.
oint de soleil qui leur sourie,
Point de ciel bleu !
Comment font-ils en Picardie
Pour croire en Dieu ?
Ils ont là-haut une lanterne
De papier blanc,
Qui vacille dans un ciel terne
Au moindre vent.
C’est le soleil de l’Angleterre,
C’est l’Apollon
Qui mûrit la pomme de terre
Et le houblon.
Ô splendeur et magnificence
Des pays plats !
Les brouillards rampent en silence
Sur les colzas ;
Tandis qu’entre la betterave
Et le froment
La Somme au pas tranquille et grave
Passe en dormant.
Hélas ! j’ai bien froid, dit la terre,
Et le soleil
Répond en clignant la paupière :
J’ai bien sommeil !
Astre douteux, lumière brune,
Quand tu nous luis,
On croit voir grelotter la lune
Au fond d’un puits.
Tu n’es que le Sosie indigne
Du vrai soleil
Qui fait circuler dans la vigne
Un sang vermeil,
Écumer les jeunes automnes
Dans les pressoirs,
Et pétiller des vigneronnes
Les grands yeux noirs.