Anthologie des poètes bretons du XVIIe siècle/Julienne Cuquemelle

Anthologie des poètes bretons du XVIIe siècleSociété des bibliophiles bretons et de l’histoire de la Bretagne (p. 261-264).

JULIENNE CUQUEMELLE

née vers 1685.


Julienne Cuquemelle naquit aux environs de Rennes, vers 1685 ou 90. Elle publia deux recueils de cantiques : l’un en 1711, l’autre en 1725, in-12.

Cette Bretonne vécut dans la pratique de toutes les vertus et dans l’étude des saintes Écritures ; elle s’était vouée à l’éducation de la jeunesse, qu’elle édifiait et fortifiait par ses exemples.

Il y a dans toutes ses poésies un sentiment profond de piété, uni à une grande simplicité de style.

O’Sullivan fut un de ses admirateurs passionnés ; il lui adressa d’Irlande des vers où il l’appelle Phénix des Gaules, dixième Muse, Cynthie bretonne, etc. ; ce dernier nom lui est resté, bien qu’il ne caractérise nullement son talent.

Elle mourut à Châtelaudren. On ignore la date précise de sa mort comme celle de sa naissance.

J’ai remarqué dans ses œuvres le cantique servant de dédicace (il se chante sur l’air : J’apercus l’autre nuit en songe) :

I


Seigneur, bénissez cet ouvrage,
Ce travail, ce petit labeur,
Que je vous offre de bon cœur ;
Daignez le recevoir pour gage
De mon respect, et du désir
Que j’ai de vous plaire et servir.

II


Verbe divin, grand roi des anges,
Souverain monarque des cieux,
Agréez que, dans ces bas lieux,
J’annonce et chante les louanges
De la Mère du bel amour
Reine de la céleste cour.

III


Éclairez-moi de vos lumières,
Esprit saint, et ne permettez
Que j’altère les vérités
De nos très augustes mystères,
Et que je tombe dans l’erreur
Que je déteste avec horreur.

Les paraphrases sur les hymnes de la sainte Vierge et surtout le cantique sur l’Immaculée-Conception ; les cantiques sur les Commandements, les Vertus théologales, les sept péchés capitaux, les huit Béatitudes, sont très beaux.

Dans le second volume, je remarque : les Mystères, et un dialogue des bergers sur la naissance du Christ, morceau plein de naïveté :

Damon porte à ce poupon
Langes et couvertures,
Et la charmante Alizon,
Sachant ce qu’il endure,
Lui porte ce qu’elle a de bon,
Pain, bois, farine pure.

Jeanne porte un agnelet,
Une bonne canette ;
Alcidon un mantelet,
Et l’aimable Lisette
Quelques fruits, du beurre et du lait,
Avec une poêlette.

Tircis.

Ah ! bergers, je n’ose entrer,
Car, parmi sa misère,
Je vois dans ses yeux briller
Une vive lumière ;
Allez les premiers l’adorer,
Je marcherai derrière, etc.

Puis vient l’adoration des rois mages.

Julienne a fait un acrostiche ; ce devait être alors une grande difficulté vaincue :

Jésus, mon tout, mon bien
Et le roi de mon âme,
Seul objet de ma flamme,
Uous êtes mon soutien.
Sans vous, tout ne m’est rien !

Qu’il nous soit permis de citer, en terminant, une phrase du prêtre et docteur en théologie, Saint-Pierre de la Passion, au sujet de cet ouvrage :

« Le Seigneur se plaît en cette occasion, comme en beaucoup d’autres, à nous faire connaître que le mérite, la piété et la science sont de tout sexe, et que chacun doit répondre aux lumières qui lui sont envoyées du ciel, et aux talents que Dieu lui a confiés. »

Ce savant docteur, s’il vivait de nos jours, trouverait, il nous semble, un grand nombre de contradicteurs.

Comte de Saint-Jean