Annuaire encyclopédique/1863/Économie politique
ÉCONOMIE POLITIQUE. — La monotonie
que presenlent depuis assez longtemps les pro-
ductions de la science economique a ete rompue
cette annce par une ceuvre a grand eclat, une a de-
couverte»qui a faitun bruit considerable dans les
revues et societes d’economie politique, et qui
mfeme, suivant quetques-uns, devrait produire
une revolution dans la science. C’est M. Macleod
qui, dans des Elements d’ficonomie politique et
dans un Dictionnaire consacre a la meme science,
publies en anglais, a ^mis l’idee lumineuse qui
doit renverser toutes les doctrines economiques
recues. Que nos lecteurs se rassurent, ils n’au-
ront pas a recommencer leurs etudes en cette
matiere. L’idee de M. Macleod n’est qu’un para-
doxe qui nc modifiera en rien les notions ac-
quises.
L’idee que M. Macleod pose comme un prin-
cipe nouveau qui doit transformer toute l’ econo-
mic politique, c’est que le credit est tlu capital.
Cela revient non-seulemcnt a dire que toutes les
creances qui existent dans la societe, notamment
les billets de banque, les lettres de change sous-
crites par les debiteurs a leurs creanciers, les ac-
tions et obligations des .chemins de fer et autres
societes industrielles, les tilres de rentes sur
l’ktat doivent elre comptes dans lc capital social,
mais qu’il faut encore y comprendre revaluation
de lous les interets, fermages, revenus, etc., a
echoir dans Vavenir. M. Macleod, en effet, n’at-
tribue la va’.eur de capital aux billets ct effeis
de commerce qu’en les assimilant a des annuite*s
ou interets a echoir. Pour lui, le billet a 6cheance
de trois mois n’est autre chose qu’une annuile
payable une seule fois. En consequence, il divise
le bilan dela societe en deux parlies, dont Tune
comprend, sous le titre de produils du passe 1 , les
terres, les maisons, l’argcnt monnaye, tous les
instruments de travail en un mot, et sous celui
de produit de I’avenir, le revenu annuel a perp6-
tuite des immeubles et des capitaux, lesproduits
futurs des brevets d’invention, des droits d’au-
teurs, les creances de toutes sortes, les actions des
compagnies, etc.
Ces conclusions exorbitantes ne sont fondles
que sur des raisons bien subfiles et peu propres
a entrainer l’asscnliment. M. Macleod distingue d’abord entre Ies warrants et les billets a ordre
ou au porteur; it reconnait que les premiers ne
sont que des titres de propriete et que la faculty
qui en resulte de transmettre sans deplacement la
marchandise qu’ils represented ne constitue pas
une propriete nouvelle et par consequent ne
donne pas lieu a un accroissement de capital.
D’autre part, il admet qu’un droit sur une chose
future est distinct de la chose tneme a laquelle il
s’applique, qu’il a une valcur propre, puisqu’il
peut etre cede ou vendu, et que par consequent
c’est un capital comme un autre. Il n’est pas besoin d’insister sur la singularity de ce raisonnement, en vertu duquel uu droit sur une chose qui
existe serait depourvu de valeur, tandis qu’on
reconnaitrait une valeur reelle aux droits sur les
choses qui n’existent pas. A Fobjection tiree de la
compensation qui s’etablit necessairement entre
les creances et les deltes, du double caractere de
toute valeur de credit qui figure au bilan du
creancier dans Factif et dans celui du debiteur
au passif, M. Macleod repond par des arguties
algebriques ; il prouve qu’en geometrie les valeurs
negatives onl souvent une valeur positive, en taut
qu’elles n’expriment qu’une difference de position,
et applique les memes signes convenlionnels au
bilan social. Il reconnait en effet que le produit
de l’avenir doit etre affecte du signe — , tandis
que le signe + doit designer le produit du passe;
mais cela n’empeche pas, suivant lui, le pro-
duit de l’avenir de constituer une valeur posi-
tive, un capital reel.
Ges subtilites ne convaincront evidemment
personne. La seule raison plausible que M. Mac-
leod ait invoquee en faveur de son systeme est celle
qui a deja induit en erreur d’autres economistes
sur la nature du credit el provoque souvent des
affirmations pareilles a la sienne. Elle se fonde
sur la faculte que possedent les titres de credit
de remplacer la monnaie et d’en jouer le r61e. Il
est certain quele n6gociant qui a vendu desmar-
chandises a credit peut se servir le plus souvent
du billet que lui a fait Facheteur comme d’ar-
gent complant, a charge seulement de payer
d’avance Finteret de cet argent sous forme d’es-
compte. Il a done livre un capital a Facheteur et
se retrouve lui-rneme en possession d’un capital
equivalent, bien qa’il n’ait pas ete.paye. De
meme les billets au porteur qu’emet une banque
font exaclement Foffice de monnaie tant qu’ils
sont en circulation, C’est la ce qui a fait croire a
M. Macleod et a d’autres que les effets de banque
et de commerce augmentaient le capital social.
Mais il est facile de se rendre compte de leur
erreur. Les billets suppleent a la monnaie et
rendent un grand service, puisqulls dispensent la
sociele de se procurer Fexcedant de monnaie dont
sanseux elle aurait besoinpoursesechanges. La
monnaie etant un capital et un capital tres-reel,
Femploi des billets dans la circulation permet a la
societ6derealiserunplus grand nombre de trans-
actions sans augmenterce capital. Mais les billets
ne constituent pas eux-memes un accroissement
de ce capital, pas plus que toute autre economie
rdalisee’dans Femploi des capitaux ou du travail.
Les machines a vapeur dont on se servait en 1837
consommaient 6 kilog. de houille par heure et
par cheval-vapeur. Aujourd’hui, gr&ce aux per-
feclionnements qui se sont oper6s, on obtient le
meme travail moyennant 1,33 kilog. Voila une
grande Economie dans le capital combustible.
Dira-t-on pour cela que la masse du combustible
a augment^? Evidemment non. Mais avec la
meme quantity de combustible on produit beau-
coup plus de travail, et depuis longtemps I’un
des buts assignees par la science 6conomique a la
production est de produire le plus possible avec
le moins de travail et de capital.
Les consequences du systeme de M. Macleod
sont tellemcnt perilleuses qu’elles n’auraient pro-
bablement pas eu un grand retentissement en
France si cette doctrine ne s’6tait produite dans
le Journal des Economistes sous le patronage de
M. Michel Chevalier. Il est vrai que d’autres pu-
blicistes Font vivementcombattue dans le meme
recueil. Il est facile en effet de se rendre compte
des desastres auxquels s’exposeraient un particu-
lier, unnegociant, une compagnie financi6re, un
fitat qui comprendraient dans leur avoir tous les
benefices, certains et incertains, qu’ils peuvent
faire dans l’avenir. Quedesbanques,des society
industrielles aient escompte" l’avenir et ruine
leurs creanciers du present, cela ne s’est vu que
trop souvent ; mais est-ce a la science de justifier
etd’encouragerces speculations hasardeuses, cet
emploi aleatoire d’un capital qui n’existepas? Et
qu’arriverait-il si le fisc voulait prendre a la lettre
le principe que le credit est du capital etimposer
nos gains fulurs comme nos possessions actuelles?
Le fisc paratt assez porte en pratique pour le
systeme de M. Macleod; deja il ne tient pas
compte du passif pour les droits d’enregistrement
percus sur les successions.
En dehors de la pretendue decouverte de
M. Macleod, nous n’avons pas aenregistrer des
oeuvres bien importantcs en economie politique.
M. Perin, professeur a FUniversite de Louvaio,
a publie, sous le litre : De la richesse dans les
socidtes chrtHiennes, 2 vol. in-8°, un ouvrage qui
rappelle jusqu’a certain point I’ficonomie poli-
tique chre’lienne de M. Viileneuve de Bargemont.
Le livre de M. Perin s’occupe principalemcnt du
progres materiel et de F amelioration du sore
des populations ouvrieres. M. Perin est Chre-
tien et il ne lui a pas ete difficile de prouver que
c’est sous Finfluence des idees chretiennes que
se sont operas tous les progres realises dans le
bien-elre et la position sociale des masses. Parmi
les autres ouvrages embrassant jusqu’a un certain
point l’ensemble de la science, nous citerons : Li-urvre, Expos6 des principes dconomiqnes de la
socicU chrdtieime , gr. in-18. Cet ouvrage ne re-
pond pas a son litre. L’auteur ne presente qu’un
plaidoyer en faveur du systeme protecteur contre
la libre concurrence. Or, sans faire du libre
ecbange un dogme social comme les £conomistes
de Tecole accreditee, on doit condamner severe-
ment ces tenlatives de placer sous le patronage
de la religion un systeme economique qui a fait
son temps, et derriere lequel s’abritent surtout
des inl£r&ts individuals. — Garbouleau, foments
d’tconomie politique a I’usage des gens du mondc,
in-18. — Hubner, Petit manuel populairc d’e’cono-
mic politique, trad, en franc, ais par M. Lehardy
de Beaulieu ; brochure in-16. — De nouvelles
editions des trails et cours d’economie politique
de MM. Frederic Passy, J. Garnier, Molinari.
Di verses matieres speciales, sur lesquelles des
concours academiques ont appele Inattention* ont
et6 Tobjct de travaux remarquables. Ainsi, outre
T6crit de M. Proudhon, dont nous avons parle
dans le dernier Annuaire, le concours institu6 a
Lausanne a provoque la publication de deux
autres ouvrages surrimp6t,run de mademoiselle
Clemence Royer, Thtorie de Vimpdt ou la Dime
sociale, 2 vol. grand in-18, et l’autre deM. Leon
W alius, Thdorie critique de Vimpdt. Mais, sur la
m&rne question, ont 6te publies, en outre, les deux
premiers volumes d’un ouvrage bien plus impor-
tant, dont deja des fragments considerables ont
paru, ces dernieres annees, dans le Journal des
Economistes. Nous voulons parler du Traite des
hnpdts consider c’s sous le rapport Mstorique, tco-
nonique et politique en France et a I’ Mr anger, par
M. Esquirou de Parieu, vice-president du Con-
seil d’Elat, membredel’lnstitut. Dans un premier
livre intitule Considerations g Mr ales t l’auteur
traite toutes les questions generates relatives a
Pimpdt. II essaie d’abord d’etablir le principe de
rimp6t, de le definir, et de classer les diYerses
contributions. Puis il s’occupe, dans autant de
chapitres speciaux, des regies fondamenlales re-
latives au choix eta l’assiettc des taxes, de la
justice en matiere de taxe, de l’impot propor-
tionnel’et cle l’impot progressif, des obstacles que
rencontre dans la pratique l’application de la
justice pure en matiere d’impOt et des causes de
la variete des contributions chez les divers
peuples, de l’incidence et de l’effet des taxes, de
leur elendue, des frais et du mode de perception
de l’impot; enfm il etablit unecomparaisonenlre
les deux principals formes d’impot, la contribu-
tion directe et la contribution indirecte. Toule
cette vaste matiere; est traitee en 124 pages, ce
qui prouve que l’auteur est loin deTavoir epuisee.
On rencontre dans cet expose peu d’idees nou-
velles, et en general, le savant academicien s’est
trop preoccupe" des auteurs allemands qui ont
ecrit sur ce sujet. Les Allemands ont traite,
il est vrai, les questions financieres avec la
methode et l’erudition qui font leur principal
m^rite, mais ils n’y ont porte ni iddes nou-
velles, ni vues profondes, et chevchant surtout
a classer les fails qu’ils avaient sous lesyeux,ils
ont trop laisse" dansleurs theories l’emprcin’te des
institutions financieres etablies en Allemagne,
institutions qui elles-memes portent encore le
cachet de la feodalit6. Ce n’est pas en Allemagne
en general que nous devons chercher nos idees
economiques. M, de Parieu divise les impSts en
cinq classes : impots sur les personnes ou capita-
tions, imp6ts sur la richesse ou sur la possession
des capitaux etdes revenus, imp6ts sur lesjouis-
sances, irapOts sur les consommations, imp6ts
sur les actes. Les deux volumes parus traitent
en detail des quatre premieres classes d’impdtset
d’une partie de ceux de lacinquieme. A Foccasion
dechaque impot, l’auteur en presente l’histoire,
fait connaltre les formes diverses sous lesquelles
il a eHe" realise chez les divers peuples et notam-
ment en France ; il cntre dans des details cir-
constancies sur la legislation qui le regit, et en
expose brievement les avantages et les inconve-
nients. Cette partie comprenddes renseignements
nombreux et varies que Ton ne retrouve nuile
part ailleurs et que l’auteur n’a pu se procurer
que grace a la haute position qu’il occupe. La
est le grand interetde ce livre. Sansaucun doute,
ces renseignements sont la plupart dignes de foi
et Ton ne doit pas reprocher a l’auteur quelques
inexactitudes qui ont pu se glisser dans le nombre
considerable de faits qu’il a recueillis. Ce qui
nous etonne davantage,c’est qu’ils soient incom-
plels quelquefois sur des points ou les informa-
tions n’etaient pas difficiles. Ainsi on ignore
dans cet ouvrage, publie a la fin de 1862, que les
lois importantes destinees a changer l’assictte de
l’impdt foncier en Prusse ont ete vot6es en mai
1861, comme nous avons eu occasion de le dire,
dans YAnnitaire 1860-1861.
Le concours sur l’taigration nous a valu deux
ouvrages, I’unde notre collaborateur M. Legoyt,
L’dmigrationeurope’emiC) son importance^ ses causes,
ses effets, 1 vol. in-8% sur lequel nous n’avous
pas a revenir, puisqu’il a 6te analyse d6jh dans
le dernier Annuaire a la fin de Tarticle Emigra-
tions. L’autre ouvrage, egalement d’un de nos
collaborateurs, M. Jules Duval, est intitule His-
toire de Immigration europtenne, asiatique et afri-
caine au XIX* stick, ses causes, ses effcts, 1 vol.
in-8°. Le livre de M. J. Duval a eLe couronne *
par TAcademie des sciences morales et politiques.
Si Touvrage de M. Legoyt est precieux surtout
par les chiffres officiels dont il est rempli, celui
de M. J. Duval est remarquable par les vues ge-
nerates qui y dominent et le point de vue eleve
de l’auteur. Pour lui, en effet, comme pour tout
homme qui se rend compte de Tceuvre de l’hu-
manite sur terre, Temigration estle grand moyen,
d’une part, de rem6dier,dans les anciens pays surcharges de population, aux difficulles qui re-
sultent de l’insuffisance croissante de Tinstrument
de travail nature!; et d’autre part, d’ouvrir au
travail humain de vastes espaces perdus aujour-
d’hui pour la civilisation. L’auleur s’est efforce
en particulier de corabatlrele prejug6 qui existe
contre l’emigralion en France, et d*en faire voir
les consequences funestes pour notre pays,, dont
les colonies ont tant de peine a prendre leur ex-
tension naturelle, tandis que FAngleterre a re-
pandu sa iangue et sa race sur de si nombreuses
et de si riches contrees. 11 nous reste a citer
comme ouvrages s’occupantde matieres speciales :
Clem. Juglar, Des crises commer ’dales et de leur
retour pdriodique en France, en Angleterre et aux
Etats-Vnis, in-8°. L’auleur a examine notamment
l’influence des hanques sur les crises. — Ducha-
telier, correspoudant de Plnstitut,, V agriculture
et les clauses agrkoles en Bretagne, in-8 Mono-
graphic inleressante. — Alph. Feillet, La mi-
sere au temps de la Fronde et saint Vincent de
Paul, ou un chapitre de l’histoire du pauperisme
en France, in-8 — L. Revbaud, Economistes con-
temporains, galerie de portraits et appreciation
des economistes les plus celebres de notre temps.
Les travaux sur Teconomie politique ont ete
raoins nombreux encore a l’etranger qu’en France.
Nous cilerons en ltalie : Corso elementaro sul
credito, deM. Hercule Amato, professeura J’Uni-
versite de Catane; en ’Allcmagne : Dankwardt,
National ceconomische civilistische studien; Leipzig,
in-8°. Etudes sur les rapports du droit civii avec
l’cconomie polilique. — Kiesselbacit, Socialpoli-
iische studien; Stutlgard, in-8°. Recueil de disser-
tations plutot politiquesqu’economiques, concues
dans Tesprit de l’ancien regime et du systeme
fcodal. — Gerstner, Vie Grundlehren der staats-
verwaltung, les principes de i’ad ministration pu-
blique, t. I, in-8% ouvrage destine aux etudiants
et dont Je e ^ volume contient un resume" d’eco-
nomie politique.
Le Journal des Economistes, jmbli&p&r M. Guil-
laumin, continue a presenter le mem interet.
Outre les articles sur le systSme de M. Macleod
dont nous ayons parle, nous signalerons, parmi
les travaux inseres dans ce recueil en 4862, des
considerations de M. Renouard sur l’influence
du taux des salaires, des eludes de mademoiselle
Juiie-Victoire Daubie* sur les moyens de subsis-
tancedes femmes, des observations sur les tarifs
speciaux des chemins de fer, les conditions du
transit par ces voiesde communication, etc., par
M. Lame Fleury ; des recherches de M. Du Puy-
uode sur la question des banques et la loi qui
regit leurs emissions. Une discussion interessante
s’est elevee enire MM. Baudrillart etDamelb, a
propos d’un article de ce dernier intitule : F Eco-
nomic politique el le spiritualisme, M. Da met h,
.sous pretextederevendiquerrindependancescicn-
iifique de Fecocomie politique, a fait une vive
sortie con (re le spirituaiisme, en se placant au
point de vue de Funite de substance et en traitant
de vieillerie d’on autre age la distinction enire
l’espritet la matiere. Mais cet ecrivain n’a pu s’em-
pecherde constater la consequence ouaboutissent
necessairement toutes les doctrines pantheisles
et materialisles fondees surl’unite de substance:
la negation du libre arbitre. Cette conclusion
oflrait beau jeu a M. Baudrillart pour rdfuterle
systeme de sonadversaire; car sans libre arbitre
il n’existe ni liberie morale, ni liberie economique.
Une autre discussion plus personnels, dans la-
quelle M. de Fontenay a combaitu avec force et
talent le systeme de Malthus, a revele au grand
jour la pretention de certains economistes de
conslituer une sorte d’orthodoxie economique et
de trailer en heretiques tous ceux qui ne veulent
pas souscrire aveuglement aux conclusions des
maitres de la science. UEconomiste francais, di-
rige par M. Jules Duval, et le Journal de la 8o-
cUte de statistique de Paris ont egalement pour-
suivi leurs publications. Dans le dernier nous
cilerons des articles intcYessants de M. Michel
Chevalier sur les monts-de-pief6, sur le morcel-
lement du territoire, la distribution de la popula-
tion europeenne par professions, les principaux
statisticiens modernes; de M. LeonVidal, surle
travail dans les prisons; de M. Boudin, sur le
danger des alliances entre consanguins, etc. Deux
nouvelles revues d’economie sociale : Social
science review et the Exchange ont paru en Angle-
terre. M. Bruno Hildebrand a public d’autre
part, alena, en decembre 4862, le premier numero
d’une revue allemandc intitulce Annates d’ Eco-
nomic politique et de statistique. — VAnnuaire de
VEconomie politique et de la Statistique de
MM. Block et Guillaumin e?t arrive a sa 19 c
annee.
Les discussions de la Societe d’ficonomie poli-
tique n’ont presente que peu d’interet. Qne
question philosophique posce par M. Joseph Gar-
nier sous ces termes : « En quoi consiste la justice
en economie politique ? a question qui pouvait con-
duire a l’examen des problemes les plus graves
de Tordre social, a ete a peine effleuree. Deux
questions pratiques, egalement tres-importantes,
n’ont pas ete discuses a fond. L’une etait relative
au monopole des grandes compagnies, notam-
ment a celui des chemins de fer, des compagnies
qui fabriquent le gaz, etc. Des economistes qui se
considerent comme tres-orthodoxes ont ete forces
de reconnailre que, dans cet ordre de travaux, la
liberie absolue laissee aux producteurs conclut
direclement a rnettre les consommateurs a leur
discretion. Contre les chemins de fer, les coali-
tions, des compagnies financieres, etc., il n’y a
pas de concurrence possible, et il faut bien que
1 HE tat prenne vis-a-vis des detenfeurs de ces mo-
nopoies la defense du public, qui ne peut se pas-
ser des services que seuls ils sont en possession dc rendre. La seconde question etait celle du travail des femmes, soulevee a propos du refus des
ouvriers de l'imprimcrie Dupont d’admettre des
femmes dans les ateliers. La plupart des membres
de la societe ont donne tort aux ouvriers au nom
du principe de liberte ou par sympathie pour la
position des femmes dont les salaires sont tombes
si bas. Ils n’ont pas reflechi que les ouvriers compositeurs, en s’opposant a l’admission des femmes,
n’ont fait que defendre leur propre salaire que la
cooperation du sexe moins retribue fera baisser
infailliblement; ils ont oublie que la baisse du
salaire du mari retombe aussi sur la femme et
toute la famille ; que s’il est utile d’ouvrir a la
femme des carrieres nouvelles et d’augmenter
son salaire, le but serait completement manque
si cette augmentation ne pouvait avoir lieu qu’au
prix de la diminution du salaire de l’homme; enfin,
comme le dit M. Corbon dans un ouvrage recent
(le Secret du peuple de Paris), que l’economie
qui resultera du travail des femmes dans l’imprimerie pour les patrons se traduira par une diminution du revenu de la classe ouvriere en general.A. Ott.