Annonces bibliographiques/1829

Annonces Bibliographiques.

Annuaire du budjet, ou Dictionnaire annuel des recettes et des dépenses générales de l’État, des dépenses particulières de chaque ministère, des traitemens de tous les employés civils, militaires et ecclésiastiques, et des discussions relatives au budjet ; par M. Roch.
Paris, chez Sédillot, libraire, rue d’Enfer-Saint-Michel, no 18.

C’est peut-être élargir les bases du gouvernement représentatif que de soumettre à l’examen de la nation tout entière ces comptes qui n’étaient présentés par les ministres qu’au contrôle de ses délégués. Ce sont, pour ainsi dire, les livres du gouvernement que l’auteur de cet important ouvrage met entre les mains des contribuables et même du moins imposé, s’il lui plaît d’en parcourir le contenu. Chacun peut dès-lors étudier les intérêts de tous, et le zèle de quatre cent cinquante députés être secondé par les efforts, les lumières et les méditations de quatre-vingt mille électeurs et de plusieurs milliers de contribuables. Quiconque paie a droit de compter ; l’Annuaire du budjet est donc bien évidemment le livre de tout le monde.




Memoirs of Bolivar. — Mémoires de Bolivar, président-libérateur de la république de Colombie ; par le général H.-L.-V. Ducoudray-Holstein, ancien chef de l’état-major du présidens-libérateur ; 2 vol. fort in-8o, avec portrait. Londres.


History of the progress, etc. — Histoire des progrès et de la suppression de la réforme en Espagne, au xvie siècle ; par Thomas Mac Crie, D. D., in-8o. Édimbourg. (10 shell. 6 pence).

History of the progress, etc. — Histoire des progrès et de la suppression de la réforme en Italie, au xvie siècle ; avec un coup d’œil sur l’histoire de la réforme dans le pays des Grisons ; par le même, 1 vol. in-8o. (10 shell. 6 pence).

Mémoirs, Correspondence, etc. de Thomas Jefferson, etc. — Mémoires, Correspondance et papiers particuliers de Thomas Jefferson, ancien président des États-Unis d’Amérique ; publiés par Thomas Jefferson Randolph ; 2 vol. in-8o. Londres.

La Monarquia y la Religion triunfantes. — La Monarchie et la Religion triomphant des sophismes, de la rébellion et de l’incrédulité du siècle, avec quatre dialogues entre un Américain et un Espagnol sur la liberté, les gouvernemens, les révolutions et la religion ; par M. R. P. Fr. Manuel Amado, Madrid, 1829.

Ismaël ben Kaïzar, ou la Découverte du Nouveau-Monde, roman historique, par M. Ferdinand-Denis, 5 vol. in-12, chez Charles Gosselin, rue Saint-Germain-des-Prés, no 9 ; avec cette triple épigraphe :
Muy rebuelta esta Granada,
En armas y fuego ardiendo
.
Romancero general.
Ainsi a dit l’Éternel, qui a dressé un chemin dans la mer, et un sentier parmi les eaux impétueuses.
Ésaïe.
Quoiqu’ils soient depuis long-temps au milieu de nous, ils conservent l’idée que je suis descendu des cieux, et ils le publient partout où nous abordons.
Christophe Colomb


C’est une carrière grande et brillante que celle que Walter-Scott a ouverte au roman moderne ; mais c’est aussi une carrière semée d’écueils, où le travail des recherches et l’amour-propre du savoir doivent s’effacer complétement sous le naturel du coloris, l’aisance de la touche, l’intérêt des situations ; où les grandes scènes de l’histoire veulent être dépouillées de leur grave majesté, pour se révéler à nous dans les actes individuels qui les ont produites ou accompagnées.

M. Ferdinand-Denis a voulu nous peindre, dans une composition de ce genre, l’événement le plus mémorable, sans contredit, des temps modernes. Peut-être le choix d’un tel sujet, tel du moins que l’a envisagé le jeune littérateur, n’est-il point heureux ; il était en effet d’autant plus difficile à traiter, qu’il est trop solennel, trop historique jusque dans ses détails, pour laisser à l’imagination une part assez large ; la grande figure de Colomb est trop grave pour se prêter à devenir l’un des ressorts d’une action purement romanesque. Aussi l’ouvrage de M. Denis, rempli de peintures charmantes de cette nature inter-tropicale qu’il affectionne comme un fils, semé de curieux détails de mœurs sauvages, qu’il a étudiées chez les sauvages eux-mêmes, offrant des situations pleines d’intérêt et de poésie, ne remplit cependant pas complétement les conditions du roman : trop de particularités historiques s’y montrent à nu, indépendantes du sujet dramatique de la composition.

Nous n’oserions en rejeter la faute tout entière sur le talent de M. Denis ; mais nous avons un reproche à adresser directement à ce talent si frais, si gracieux, si romantique ; c’est de se montrer ici sous un style qui n’est pas le sien propre. À son originalité native il a préféré les coupes, les structures d’une école. M. Ferdinand Denis est fait pour ne point marcher à la suite des autres : l’auteur d’André le voyageur, des Scènes de la Nature sous les tropiques, ne peut que perdre à changer son style.

Ismaël ben Kaïzar sera lu avec intérêt ; la tendre Nouna Koali est un portrait dont le type ne peut se trouver qu’au sein des forêts vierges brésiliennes ; le farouche Caonabo est peint d’une main ferme, qui manie des couleurs recueillies au milieu même des Caraïbes. Mais les figures européennes, bien que vraies, laissent à désirer ; elles sont empruntées à la froide histoire, au lieu d’être modelées sur la nature vivante et passionnée.

Peut-être ces observations paraîtront-elles quelque peu sévères ; mais nous les croyons justes, et nous aimons à croire que M. Ferdinand Denis nous saura gré de les lui avoir adressées : ce qui tue la médiocrité, n’est pour le vrai talent qu’un aiguillon salutaire.

A…

Prima Lezioni de Maria Edgeworth, prima traduzione italiana di Bianca Milesi Moion. — Milano, Fontana, 1829, in-12.

Les ouvrages de miss Edgeworth sont populaires en France. D’élégantes traductions, des imitations ingénieuses nous ont révélé tout ce qu’il y a de délicat, de maternel dans ces procédés d’éducation naturels et vrais, à la portée de toutes les classes et de toutes les intelligences, dépouillé de ces théories vagues qui en rendent l’application impossible, et de cet esprit de système qui en a si souvent faussé l’objet. Miss Edgeworth était l’aînée d’une famille de dix-sept enfans, qu’elle a élevée presque seule, qu’elle n’a jamais perdue de vue. Ses ouvrages ne sont exactement que le résumé de ses observations de tous les jours ; c’est l’œuvre de vingt années d’expérience : aussi est-ce une œuvre consciencieuse, originale et neuve dans quelques-unes de ses parties, irréprochable dans toutes, depuis le Traité d’Éducation, qui est comme l’exposé de la méthode, jusqu’aux petits ouvrages qui en semblent l’application indirecte. L’Éducation pratique, le Livre de Lecture et les Petits Industrieux, dont Mme Belloc vient de nous donner une traduction charmante, sont maintenant dans toutes les bibliothèques, à côté d’Adèle et Théodore, du Théâtre de Société et des Contes à ma Fille.

Le mérite des productions de miss Edgeworth n’a pas été compris seulement en France ; l’Italie va s’enrichir de ces ouvrages, naturalisés chez nous. Les Premières lectures viennent de paraître à Milan, traduites par Mme Milesi Moion. Mme Moion a adopté pour épigraphe celle que M. Pictet avait mise en tête de la traduction de l’Éducation pratique. C’est, en deux mots, le résumé et l’éloge du système : Associer le plaisir à ce qu’on veut que les enfans recherchent, et la peine à ce qu’on veut qu’ils évitent. Le livre de Mme Moion prouve qu’elle a parfaitement compris le précepte. Autant que nous en pouvons juger, sa traduction est écrite en italien très-pur. À un grand mérite de naturel et de fidélité, choses aujourd’hui assez rares en Italie, elle joint une qualité qui manque quelquefois à la narration de miss Edgeworth : c’est une sensibilité douce et vraie, dont le charme se répand sur son récit.

En dernière analyse, cet ouvrage fait beaucoup d’honneur à la plume et au goût de Mme Milesi Moion, et nous le recommandons à ceux de nos lecteurs français qui sentent et apprécient la bonne littérature italienne.




Lettres inédites de Marc-Aurèle et de Fronton, retrouvées sur les palimpsestes de Rome et de Milan, traduites avec le texte latin en regard, accompagnées de notes. Par M. Armand Cassan.

Paris, chez Levavasseur, libraire, Palais-Royal. 2 vol. in-8o.

La traduction de ces lettres, depuis long-temps annoncée et attendue, paraîtra incessamment. Cette correspondance offre plus d’un intérêt : c’est un tableau curieux de la jeunesse de Marc-Aurèle, et de l’état des lettres, de la jurisprudence et de la philosophie, au siècle des Antonins. L’éditeur, M. Armand Cassan, a rétabli en partie le texte trop souvent altéré ; sa critique ingénieuse et savante, a été un complément au précieux commentaire de l’abbé Maio. Mais ce qui recommande surtout ce travail, ce sont les notes où le traducteur a rassemblé pour la première fois les fragmens des plus anciens orateurs de Rome, des Gracques, de Caton, de Scipion, etc., pour la plupart inédits, et dont sa version reproduit fidèlement l’originalité toute romaine.




Mémoire sur le Préambule d’un Édit de l’empereur Dioclétien, relatif au prix des denrées dans les provinces de l’empire romain, accompagné de deux planches lithographiées. Par M. Marcellin de Fonscolombe, membre de l’Académie d’Aix.

Prix : 4 fr. Chez Dondey-Dupré, rue Richelieu, 47 ; Debure, rue Serpente, 7 ; Treuttel et Wurtz, rue de Bourbon, 17.


Nous ne reproduirons pas ici les éloges que le Journal des Savans, dans le dernier No d’octobre, a décernés à l’auteur. Ce Mémoire y est présenté comme offrant la statistique de l’empire romain, au commencement du ive siècle, et comme jetant une vive lumière sur toute l’époque de Dioclétien. Le monde savant n’attendait rien moins d’un littérateur profondément versé dans les études archéologiques, et qui perpétue en Provence les traditions des Peiresc et des Fauris-de-Saint-Vincent.

Un des grands mérites de ce travail destiné à révéler au public littéraire un monument apporté d’Égypte en 1827, est l’ordre avec lequel les diverses parties sont distribuées. L’objet de l’édit était de frapper quelques hommes qui tenaient le monopole des denrées, et qui en fixaient le prix au gré de leur avarice et de leur insatiable cupidité. C’est sur ce point capital que M. de Fonscolombe établit d’abord une discussion lumineuse. Dans la suite de l’ouvrage il donne des éclaircissemens qui complètent le tableau de la cour impériale. On y trouve méthodiquement rassemblées des notions caractéristiques sur les principaux officiers de la garde de l’empereur, sur les speculatores, les frumentarii, les stationarii, sur les censeurs, les executores, sur les gouverneurs et leurs employés. L’auteur a su se défier des conjectures dans un sujet où il était si facile de s’y livrer. Tout ce qu’il avance est appuyé, ou sur le texte de l’inscription qu’il a expliquée, ou sur celui d’autres inscriptions déjà connues, et sur les témoignages des Historiens.




Voyages en Orient, entrepris par ordre du gouvernement français, de 1821 à 1829. Par V. Fontanier. Chez Mongie aîné, boulevard des Italiens, 10.
Prix :
Turquie d’Asie 
8 fr
Grèce 
7

Les deux volumes se vendent séparement.


Le but de la Revue des Deux Mondes, est de propager la connaissance des pays étrangers ; de montrer quelle est leur politique intérieure et extérieure. L’ouvrage de M. Fontanier nous paraît sous ce rapport assez intéressant pour que nous le recommandions à nos lecteurs. En le considérant sous le rapport politique seulement, il nous a paru que l’auteur a énoncé des opinions modérées avec beaucoup de force et de conviction, qu’il s’est plus attaché à dire la vérité qu’à plaire aux partis. Ces sentimens ont se montrer surtout dans le second volume où M. Fontanier a exposé les derniers événemens politiques qui ont eu lieu en Grèce. Il diffère des écrivains qui l’ont précédé, en ce qu’il est avec les Russes dans une opposition constante, tandis qu’il porte aux Grecs le plus vif intérêt. Le séjour prolongé qu’il a fait chez les peuples dont il parle, et la franchise de son langage, doivent donner le plus grand poids à ses opinions.