Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 08/Géométrie analitique, article 5

GÉOMÉTRIE ANALITIQUE.

Sur une méthode analitique pour la recherche des
foyers des sections coniques ;

Par M. Bret, professeur à la faculté des sciences de Grenoble.
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Au Rédacteur des Annales ;
Monsieur et cher confrère,

M. Poncelet, dans son intéressant mémoire, inséré à la page 301 du présent volume, observe que la définition des foyers des sections coniques, telle qu’on la donne dans les élémens de Géométrie analitique, n’est point satisfaisante, et il propose de la remplacer par une autre plus analitique ; mais il me semble qu’avant d’opérer ce changement, il serait convenable d’examiner d’abord plus particulièrement la définition des foyers donnée par Euler.

Lorsque la section conique est rapportée à son premier axe ou axe principal, comme axe des abscisses, on dit communément que le foyer est un point tel que sa distance à un point quelconque de la courbe est une fonction rationnelle et entière de l’abscisse correspondante ; mais il est évident que rien n’empêche de généraliser cette idée, et de donner un caractère des foyers qui puisse convenir à tous les systèmes de coordonnées parallèles à deux axes fixes. Je propose douc la définition suivante :

Le foyer () d’une section conique est un point tellement situé que sa distance à un point quelconque de de la courbe est une fonction rationnelle et entière des coordonnées de ce point.

En partant de là, je crois qu’on peut exposer, très-simplement et d’une manière générale, la théorie des foyers.

Soit, en effet, l’équation générale du second degré

rapportée, pour plus de simplicité, à un système de coordonnées rectangulaires. On aura, d’après cela, pour la distance du point au point

si donc l’on veut que le point soit un foyer, on devra avoir

et tout se réduira à exprimer que cette équation est identique avec la proposée, ou du moins qu’elle n’en diffère que par un facteur constant il faudra donc déterminer et de manière à rendre identique, quels que soient et l’équation

On obtient ainsi, entre les six inconnues les six équations suivantes, en nombre suffisant pour les déterminer

Il résulte de là que les sections coniques ont, généralement parlant, quatre foyers ; car, par l’élimination de on parvient à deux équations du second degré entre et les coefficiens de la proposée.

Pour faire à l’ellipse l’application de cette analise nous prendrons son équation la plus simple, qui est, comme l’on sait,

on aura alors

en sorte que les six équations ci-dessus deviendront

d’où l’on tirera ces deux systèmes de valeurs

Or, comme est nécessairement plus grand ou plus petit que il s’ensuit que, excepté le cas du cercle, pour lequel on a à la fois toujours l’un de ces systèmes aéra réel et l’autre imaginaire, Ainsi, indépendamment de deux foyers réels, situés sur son grand axe, l’ellipse en a deux autres imaginaires, situés sur son petit axe.

Si, dans ces deux séries de valeurs, on change en on aura les formules qui conviennent à l’hyperbole dont l’équation est

ces formules seront

de sorte qu’ici ce sera toujours le second système qui sera réel.

S’il s’agit de la parabole, on pourra prendre l’équation

ce qui donnera

en conséquence, nos six équations deviendront

d’où on tirera

J’observerai, en terminant, que l’équation

offre un moyen bien simple de construire les sections coniques par l’intersection d’une droite mobile constamment parallèle à une droite fixe, avec un cercle variable de rayon, dont le centre fixe n’est autre chose que le foyer de la courbe[1].

Agréez, etc.

Grenoble ; le 21 avril 1818.

  1. Ce que propose ici M. Bret vaut, sans contredit, incomparablement mieux que ce qu’on pratique communément, dans la vue de parvenir aux foyers des sections coniques, mais cela ne peut guère servir à découvrir les points remarquables dans les courbes des degrés supérieurs. Nous persistons donc à penser que, pour parvenir à la découverte de ces sortes de points, il faut se proposer le problème suivant :

    Trouver deux points du plan d’une courbe auxquels tous les points de cette courbe étant rapportés, son équation devienne la plus simple possible ?

    On voit bien que, si est l’équation de la courbe, il faudra, pour résoudre le problème, éliminer et entre cette équation et les deux équations

    (A)

    et profiter ensuite de l’indétermination des quatre constantes pour rendre l’équation résultante en et la plus simple possible. Mais l’élimination ne pourrait être que très-laborieuse, même pour le second degré. À la vérité, on pourrait substituer à l’une des équations (A) la différence de ces deux équations, qui n’est que du premier degré ; mais alors le calcul perdrait de sa symétrie, à moins qu’on ne substituât à l’autre une combinaison symétrique de ces deux-là, distincte de la première, et la plus simple possible.

    Ces considérations peuvent être facilement étendues aux surfaces courbes ; et l’on voit que si est l’équation d’une pareille surface, la manière la plus analitique d’en trouver les points remarquables sera d’éliminer entre cette équation et les trois équations

    (A)

    et de disposer ensuite des neuf constantes indéterminées pour rendre l’équation résultante, en la plus simple possible ; mais, ici les difficultés de calcul sont bien plus grandes encore que dans le premier cas.

    J. D. G.