Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 07/Géométrie analitique, article 5

GÉOMÉTRIE ANALITIQUE.

Recherche du cercle qui en touche trois autres sur
un plan ;

Par M. Gergonne.
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Il y a environ trois ans que l’académie de Turin voulut bien rendre public, par la voie de l’impression, un mémoire que je lui avais adressé, et où, dans le dessein de venger complètement la géométrie analitique du reproche qu’on ne lui fait que trop souvent de ne pouvoir rivaliser avec la géométrie pure, pour la construction des problèmes, j’essayais de prouver que cette géométrie analitique, convenablement maniée, offrait les solutions les plus directes, les plus élégantes et les plus simples de deux problèmes dès-long-temps célèbres, et qui passent pour difficiles : je veux parler du problème où il s’agit de décrire un cercle qui touche trois cercles donnés et de celui où il est question de décrire une sphère qui touche quatre sphères données.

J’écrivais pour des savans consommés, et je crus devoir être court ; il paraît que je le fus un peu trop ; plusieurs géomètres, qui eurent connaissance de mon mémoire, me firent le reproche, fondé sans doute, que le fil qui m’avait guidé n’y était pas assez apparent, et que mes calculs semblaient plutôt propres à légitimer une construction trouvée par un heureux hasard, qu’à faire découvrir cette construction. Il paraît même que, par suite de mon excessif laconisme, beaucoup de géomètres n’ont pu suivre mes méthodes et en saisir l’esprit ; car on est revenu encore postérieurement sur ces deux problèmes, sur lesquels pourtant j’avais cru ne plus rien laisser à dire.

C’est ce qui me détermine aujourd’hui à reprendre le même sujet, dans la vue de le développer davantage, et de le mettre à la portée même des commençans. Je le fais d’autant plus volontiers que les méthodes que je mets en œuvre en cette rencontre me paraissent ouvrir un nouveau champ de spéculations et de recherches de nature à faire prendre à la géométrie analitique une face entièrement nouvelle. On verra, je pense, par ce qui va suivre, que tout, absolument tout, peut être motivé et justifié dans mes procédés ; et que, loin que mes calculs n’aient pour objet que de légitimer une construction graphique, découverte à l’avance, cette construction en est, au contraire, une conséquence toute naturelle, et, pour ainsi dire, absolument inévitable. On verra enfin que ces deux problèmes, sur lesquels tant d’illustres géomètres se sont tour à tour exercés, deviennent, par les méthodes que j’y applique, des problèmes de première facilité, qui peuvent aisément trouver place dans les traités même les plus élémentaires.

Au surplus, comme la marche des raisonnemens et des calculs est absolument la même pour ces deux problèmes, je ne m’occuperai uniquement ici que du premier : l’autre pourra offrir au lecteur un moyen de s’assurer s’il a bien saisi le procédé. Il pourra également s’exercer sur le problème où il s’agit de trouver sur une sphère, un cercle qui en touche trois autres, donnés sur la même sphère ; problème que j’ai traité par les mêmes méthodes, à la page 349 du IV.e volume de ce recueil.

Soient trois cercles donnés de grandeur et de situation sur un même plan, et proposons-nous de trouver un quatrième cercle qui touche à la fois ces trois-là.

Il se présente assez naturellement de chercher le centre et le rayon du cercle demandé. Mais, comme on sait faire passer une circonférence par trois points donnés, il se présente aussi assez naturellement de chercher trois points de la circonférence de ce cercle. Nous allons même voir bientôt que ce dernier moyen de solution mérite la préférence sur le premier.

Parmi les points de la circonférence du cercle cherché, il y en a trois qui se font particulièrement remarquer : ce sont ceux où cette circonférence doit être touchée par les trois cercles donnés ; voilà donc les points de cette circonférence que nous sommes naturellement invités à découvrir.

Notre problème se trouve donc ainsi ramené au suivant :

Trois cercles étant donnés de grandeur et de situation sur un plan ; déterminer en quels points ils doivent être touchés par un quatrième cercle qui les touche tous trois.

Mais il n’est pas difficile de voir que, pourvu que l’on sache trouver le point de contact de avec l’un quelconque des cercles donnés ; en répétant successivement le même procédé pour chacun de ces cercles, le problème se trouvera résolu.

Au moyen de cette remarque, notre problème se trouva ramené au suivant :

Trois cercles étant donnés de grandeur et de situation sur un même plan, déterminer en quel point l’un d’eux est touché par un quatrième cercle qui les touche tous trois.

Il nous est facile de prononcer présentement sur le mérite des deux modes de solution que nous avons d’abord indiqués.

Pour parvenir à la résolution complète d’un problème, il y a inévitablement à exécuter un certain nombre d’opérations qui dépendent de la nature de ce problème et qu’on ne saurait, avec toute l’adresse possible, abréger et réduire indéfiniment. Or, dès qu’on a le centre et le rayon du cercle cherché, le problème est à peu près résolu ; donc, la recherche de ce centre et de ce rayon doit compter toute la somme de constructions que la résolution du problème, simplifiée autant qu’elle peut l’être, peut exiger.

Au contraire, si nous avons lea points de contact du cercle cherché avec les trois cercles donnés, le problème ne sera pas encore complètement résolu, et il nous restera encore à faire passer un cercle par trois points donnés ; donc, il faudra moins faire pour parvenir jusques-là que pour arriver à la solution complète du problème ; donc enfin, il doit être plus facile de trouver les points de contact du cercle cherché avec les trois cercles donnés, qu’il ne le serait de trouver le centre et le rayon de ce cercle.

À plus forte raison devra-t-il être plus facile de trouver un de ces points de contact que de les trouver tous trois, puisque, ce point trouvé, on n’aura encore exécuté que le tiers de la construction nécessaire pour les trouver tous trois ; puis donc que, lorsqu’ils sont connus, le problème n’est pas encore complètement résolu, on peut présumer, avec beaucoup de vraisemblance, que la recherche de l’un d’eux ne comportera pas même le tiers de la complication totale du problème proposé[1].

Occupons-nous donc de la recherche du point où le cercle touche le cercle .

Un point est déterminé, sur un plan, lorsqu’on connaît deux lignes, droites ou courbes, sur lesquelles il doit se trouver.

Or, pour le point , nous connaissons déjà une telle ligne : c’est la circonférence il n’est donc plus question que d’en trouver une autre.

Notre problème se trouve donc ainsi ramené au suivant :

Trois cercles étant donnés de grandeur et de situation sur un plan, trouver une ligne qui coupe au point où il est touché par un quatrième cercle qui touche à la fois les trois premiers.

Mais il est essentiel de remarquer que ce dernier problème est indéterminé, puisqu’un même point peut être déterminé d’une infinité de manières différentes par l’intersection de deux lignes. C’est de la même manière que, lorsqu’on a deux équations entre deux inconnues et on peut remplacer ces deux équations d’une infinité de manières différentes, par le système de deux autres équations ayant lieu en même temps qu’elles, et donnant conséquemment les mêmes valeurs pour les deux inconnues[2].

Rapportons les données et les inconnues du problème à deux axes rectangulaires. Si nous n’aspirions qu’à la plus grande symétrie possible, nous supposerions ces axes absolument quelconques. Si, au contraire, nous n’aspirions qu’à la simplicité, nous pourrions placer l’origine au centre de l’un de nos cercles et faire passer l’un des axes par le centre de l’un des deux autres.

Mais pour concilier, autant qu’il est possible, la simplicité avec la symétrie, nous nous bornerons à placer le centre de l’un de nos cercles à l’origine, en donnant d’ailleurs aux axes une direction quelconque par rapport aux deux autres.

Quant au choix du cercle qui aura son centre à l’origine, il ne pourrait être douteux ; et on sent que ce doit être puisqu’il joue un rôle particulier, dans le problème auquel nous avons réduit le problème proposé.

Soient donc respectivement les rayons des cercles soient les coordonnées du centre de et soient celles du centre de

Soit le rayon inconnu du cercle et soient les coordonnées inconnues de son centre. Soient enfin les coordonnées inconnues du point touche ce qui donnera une première équation

(1)

Supposons, pour fixer les idées, que tous les contacts doivent être extérieurs ; il faudra pour cela que la distance du centre de au centre de chacun des cercles soit égale à la somme de leurs rayons, ce qui donnera

et telles sont les équations qui résoudraient le problème ; si nous voulions prendre pour inconnues les coordonnées du centre et le rayon du cercle cherché.

Avant d’aller plus loin, nous observerons que, dans le cas où le cercle devrait envelopper quelqu’un des cercles ou en être enveloppé, ce serait la différence des rayons, et non leur somme, qui devrait être égale à la distance des centres ; il faudrait donc changer les signes de quelques-uns des rayons ou bien changer quelque part le signe de On peut dbserver, au surplus que chacun des binômes se trouvant élevé au quarré, l’un de ces changement équivaut à l’autre ; et l’on voit qu’en variant, de toutes les manières possibles, les signes de le problème aura solutions, comme il est d’ailleurs aisé de s’en convaincre, en remarquant que le cercle cherché peut envelopper tous les cercles donnés ou les toucher tous extérieurement ; qu’il peut, de trois manières, envelopper l’un d’eux et toucher les deux autres extérieurement ; et qu’il peut également, de trois manières, toucher l’un d’eux extérieurement et envelopper les deux autres. Nous conserverons néanmoins le signe positif aux trois rayons, en nous rappelant, dans le résultat final, qu’ils peuvent être indifféremment positifs et négatifs.

Lorsque la mise en équation d’un problème conduit immédiatement à plusieurs équations entre plusieurs inconnues ; la première chose qu’il faut faire est d’examiner si, en combinant ces équations entre elles, d’une manière convenable, on ne peut pas en déduire quelques autres plus simples ; car, c’est souvent là un moyen très-propre à simplifier la recherche dont on s’occupe.

En appliquant ces réflexions aux équations (2, 3, 4), on voit sur-le-champ qu’on simplifiera notablement les deux premières, en leur substituant leurs différences avec la troisième, lesquelles sont, en réduisant et transposant,

On peut encore introduire, dans ces dernières équations, une simplification très-propre à faciliter l’élimination de entre elles et l’équation (4) : c’est d’y introduire qui entre seul dans celle-ci ; elles deviendront ainsi

telles sont donc, avec l’équation (4), les équations les plus simples qu’on puisse employer pour parvenir aux coordonnées du centre et au rayon du cercle cherché.

Mais ce ne sont point ces coordonnées et ce rayon que nous nous sommes déterminés à prendre pour inconnues : ce sont les coordonnées du point de contact de avec entre lesquelles nous avons déjà l’équation (1). Cherchons donc à lier ces nouvelles inconnues avec les inconnues des équations (4, 7, 8), afin, de pouvoir éliminer ces dernières.

Or, le point est en ligne droite avec l’origine et le centre d’où il suit qu’on doit avoir

ou (9)

Si présentement on élimine entre les quatre équations (4, 7, 8, 9), l’équation en et qui en résultera sera celle d’une certaine ligne qui coupera le cercle donné au point cherché

Si cette équation était trop compliquée, on pourrait tenter de la simplifier à l’aide de l’équation (1) qui, pour le point cherché doit avoir lieu en même temps qu’elle, ce qui reviendrait à substituer à la ligne cherchée une autre ligne plus simple, coupant, comme elle, le cercle au point

Mais rien n’empêche d’effectuer cette combinaison dans le courant même de l’élimination, afin d’en rendre le résultat le plus simple possible. On peut, remarquer d’ailleurs que nous avons proprement cinq inconnues liées par les équations (1, 4, 7, 8, 9) ; et que conséquemment nous pouvons faire de ces équations, qui ont lieu en même temps, telle combinaison qu’il nous conviendra.

Des équation. (4, 9) on tire

ou plus simplement, en ayant égard à l’équation (1),

substituant ces valeurs dans les équations (7, 8), elles deviendront

d’où l’on tire enfin, par l’élimination de

(10)

Telle est donc l’équation d’une ligne qui coupe le cercle au point cherché puis donc que cette équation est du premier degré seulement, la ligne dont il s’agit est une ligne droite.

Mais une ligne droite coupe un cercle en deux points ; et il importe de savoir, avant d’aller plus loin, quels problèmes résoudront ces deux points. Pour cela rappelons-nous que nous avons écrit nos équations primitives dans l’hypothèse que tous les contacts étaient extérieurs, et que nous avons observé que l’on passerait de cette hypothèse aux autres par le simple changement des signes de ce qui peut avoir lieu de huit manières différentes.

Mais il est aisé de voir, par la forme de l’équation (10), qu’elle ne change pas lorsqu’on y change à la fois les signes des trois rayon ; d’où il résulte que les huit cas que présentent les variations de signes de ces trois rayons ne peuvent lui faire prendre que quatre formes différentes ; et que, sous chaque forme, elle résout deux problèmes absolument opposés ; elle résout donc, sous la forme qu’elle a ici, et le cas où le cercle cherché doit toucher extérieurement les trois cercles donnés, et le cas où il doit les envelopper tous.

On pourrait présentement, par la combinaison des équations (1, 10) ; parvenir aux valeurs des coordonnées du point  ; ces valeurs seraient compliquées de radicaux, et on les construirait par les procédés connus. Mais, nous allons bientôt voir qu’il s’en faut que ce soit là le meilleur parti à prendre.

Lorsqu’un point est donné par deux équations entre ses coordonnées, au lieu de résoudre ces équations, est souvent incomparablement plus commode de construire les lignes qu’elles expriment, et dont l’intersection doit déterminer le point cherché.

Nous pouvons donc réduire la recherche du point à la construction des lignes représentées par les équations (1, 10) ; mais la première est toute construite : c’est la circonférence donnée  ; il ne s’agit donc que de construire l’autre.

Pour construire cette droite, on pourrait chercher les longueurs des segmens qu’elle détermine sur les axes, et construire ensuite ces deux segmens ; mais ce n’est point encore là le meilleur parti à prendre[3].

Pour construire une droite, il est nécessaire et il suffit de connaître deux points de sa direction ; on sait d’ailleurs qu’on reconnaît qu’un point est sur une droite lorsque ses coordonnées rendent identique l’équation de cette droite.

Donc, si l’on trouve deux relations entre et en vertu desquelles l’équation d’une droite devienne identique ; les valeurs de et déduites de ces relations seront les coordonnées d’un point de cette droite.

Or, on a deux manières bien simples de rendre identique l’équation (10) ; la première est de supposer ses deux membres nuls ; la seconde est de les rendre égaux à l’unité.

On obtient ainsi les deux couples d’équations


Donc les valeurs de et déduites des équations (11, 12), sont les coordonnées d’un point de la droite (10) ; et il en est de même des valeurs de et déduites des équations (13, 14).

On pourrait donc chercher ces deux systèmes de valeurs et les construire ; on aurait ainsi deux points de la droite (10), qui se trouverait par là complètement déterminée. Mais on peut faire mieux encore.

Pour déterminer le point exprimé par les équations (11, 12), ce qu’il y a de mieux à faire est de construire les droites que ces deux équations représentent, et qui, par leur intersection, détermineront le point cherché. On en peut dire autant du point donné par les équations (13, 14), lequel ne sera autre que l’intersection des droites que ces deux équations représentent. Tout se réduit donc à savoir quelles sont les quatre droites que représentent les équations (11, 12, 13, 14).

Mais, comme il est d’ailleurs évident que les droites (12, 14) sont situées par rapport aux cercles de la même manière que le sont les droites (11, 13), par rapport aux cercles  ; il nous suffira de nous occuper de ces dernières, que l’on reconnaît d’ailleurs pour des droites parallèles entre elles et perpendiculaires à la droite qui joint les centres des deux cercles.

Nous pouvons remarquer, en outre, que l’équation (11) devient l’équation (13), en y changeant respectivement et en et et en permutant entre eux les deux rayons d’où il est facile de conclure que la droite (13) est, par rapport au cercle ce qu’est la droite (11) par rapport au cercle Tout se réduit donc à savoir quelle est cette dernière droite.

On sait qu’en prenant sur le cercle un point dont les données soient et soient conséquemment liées par la relation

(m)

l’équation de la tangente à ce cercle en ce point est

ou

et cette tangente est indéterminée, puisque et ne sont liés que par l’équation (m). Si, pour la déterminer, on veut qu’elle touche aussi le cercle il faudra exprimer que la perpendiculaire abaissée sur elle du centre de ce cercle est égale à son rayon, ce qui donnera

ou

ou, en ayant égard à l’équation (m),

(n)

C’est donc en combinant entre elles les équations (m, n) qu’on obtiendra les coordonnées du point où la tangente commune à et touche et, puisque l’équation (m) est du second degré, il y aura deux pareilles tangentes, et conséquemment deux points de contact.

Mais, au lieu de résoudre les équations (m, n) il reviendra au même, et il sera plus commode, de construire les deux lignes qu’elle exprime, et dont les intersections donneront les points de contact demandés ; puis donc que l’une (m) est le cercle lui-même, l’autre (n) qui est du premier degré doit être celle d’une droite qui joint les points où il est touché par les tangentes communes à ce cercle et à or, (n) est-la même chose que (11) ; donc (11) est l’équation de la corde de contact avec des tangentes communes à et donc (13) est l’équation de la corde de contact des mêmes tangentes avec donc enfin (12) et (14) sont les cordes de contact avec et des tangentes communes à ces deux cercles.

Voici donc à quoi se réduit la construction du problème. Soient menées les tangentes communes extérieures à nos trois cercles pris deux à deux, et les cordes de contact de ces tangentes avec chaque cercle. Les deux cordes de contact sur se couperont en et leurs parallèles sur et en Les deux cordes de contact sur couperont en et leurs parallèles sur et en Les deux cordes de contact sur se couperont en et leurs parallèles sur et en

Soient menées coupera en et coupera en et et coupera en et Faisant ensuite passer deux cercles, l’un par l’autre par ces deux cercles rempliront les conditions du problème.

On peut remarquer, au surplus, que les centres de ces deux cercles seront faciles à déterminer ; car ils se trouveront à l’intersection des droites menées des centres des cercles donnés soit aux trois points soit aux trois points

On se convaincra facilement, d’après tout ce qui a été dit ci-dessus, que pour obtenir les six autres solutions dont le problème est susceptible, il ne s’agit que de substituer, tour-à-tour, à deux des couples de tangentes extérieures les couples de tangentes qui se croisent entre les deux cercles qu’elles touchent à la fois.

En vain objecterait-on que, lorsque deux des cercles donnés sont l’un dans l’autre, en tout ou en partie, ces constructions sont en défaut, puisqu’alors ils n’ont plus de tangentes intérieures communes et peuvent même n’en point avoir d’extérieures : on peut observer en effet qu’alors même les droites (11, 12, 13, 14) ne cessent point pour cela d’être réelles, et peuvent toujours être construites. On peut même définir les droites (11, 13), indépendamment de toute considération de tangentes, en disant que ce sont des cordes ayant pour pôle commun le centre de similitude de et

On peut modifier un peu les constructions auxquelles nous venons de parvenir de la manière suivante :

Au lieu de supposer les deux membres de l’équation (10) égaux à l’unité, on peut les supposer égaux à deux ; ce qui donnera

équation, qui pourront remplacer les équations (13, 14), et qu’on reconnaîtra aisément (Annales, tom. VI, pag. 329) pour celles des axes radicaux, tant des deux cercles et que des deux cercles et le point qu’elles détermineront sera donc le centre radical des trois cercles ; et nous le représenterons par

On pourra donc remplacer, par la recherche de ce point celle des points de sorte qu’en menant simplement , elles détermineront sur les six points

Ceci prouve, au surplus, que les droites concourent en un même point, qui est le centre radical des trois cercles.

Cette seconde construction n’est guère plus simple que la première ; mais elle a le précieux avantage sur elle de s’appliquer littéralement à la recherche d’un cercle qui en touche trois autres sur la surface de la sphère (Voyez Annales, tom. IV, pag. 349).

On déduira de tout ceci la construction des neuf autres problèmes de Viète, en supposant successivement les rayons des cercles nuls ou infinis.

On traitera exactement de la même manière, et par les mêmes principes, le problème où il sera question de décrire une sphère qui en touche quatre autres, situées d’une manière quelconque dans l’espace ; et on parviendra à des constructions tout-à-fait analogues.

Dans un prochain article nous donnerons un nouvel exemple, non moins remarquable, de l’utilité de la géométrie analitique dans la recherche de la construction des problèmes de géométrie.

  1. On peut établir, en principe, qu’en général, il doit être d’autant plus facile de ramener un problème à un autre que la solution de celui-ci est plus difficile ; pourvu cependant que le dernier soit, s’il est permis de s’exprimer ainsi, sur la route du premier. Ainsi, par exemple, il est beaucoup plus aisé d’aller de Dunkerque à Amiens que de Dunkerque à Collioure, parce que Amiens se trouve sur la route de Dunkerque à Collioure, et fort loin de cette dernière ville. Mais, quoique Berlin soit fort loin de Collioure, il est beaucoup plus court d’aller de Dunkerque à Collioure que de Dunkerque à Berlin ; parce que Berlin est tout-à-fait hors de la route qui joint ces deux villes.

    Si Viete et Newton sont parvenus très-simplement à ramener le problème qui nous occupe à celui où il s’agit de décrire un cercle qui, passant par un point donné, touche deux autres cercles donnés, c’est que ce dernier problème est presque aussi difficile à résoudre que le premier.

  2. Nous n’hésitons pas à regarder cette substitution d’équations les unes aux autres, sur laquelle les traités élémentaires sont loin d’insister aussi fortement qu’ils le devraient, comme un des plus puissans moyens de l’analise et de la géométrie. C’est elle qui fait, en particulier, presque tout le mérite de la discussion des lignes et surfaces du second ordre, exposée à la page 61 du V.e volume de ce recueil, ainsi que de la théorie de leurs pôles que l’on rencontre à la page 293 du tome III.e.
  3. Ceux qui prétendent contester à la géométrie analitique l’avantage d’offrir des constructions simples et élégantes se fondent principalement sur ce que, quelque attention qu’on apporte à bien choisir les axes des coordonnées, ces axes sont, le plus souvent, des lignes tout-à-fait étrangères au problème qu’il s’agit de résoudre.

    « Qu’il soit question, par exemple, disent-ils, de décrire un cercle qui touche à la fois trois cercles donnés. Les données naturelles du problème sont les rayons des cercles donnés et les distances entre leurs centres pris deux à deux : ses inconnues naturelles sont le raypn du cercle cherché et les distances de son centre aux centres des cercles donnés.

    Mais, aux distances entre les centres, la géométrie analitique substitue leurs coordonnées qui sont des données et des inconnues factices et arbitraires ; et de là vient la complication des constructions qu’on en déduit ».

    Nous conviendrons volontiers de tout cela ; mais voilà aussi pourquoi nous ne réputons bonnes les constructions déduites de la géométrie analitique, qu’autant qu’on est parvenu à les rendre tout-à-fait indépendantes de la situation des axes ; voilà pourquoi nous nous efforçons de prouver, par des exemples, que la géométrie analitique, convenablement employée peut toujours en offrir de telles ; et qu’alors elles sont bien supérieures, pour l’élégance et la simplicité, à celles de la géométrie pure, ou même de ce que M. Carnot appelle géométrie mixte.