Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 05/Géométrie analitique, article 5

GÉOMÉTRIE ANALITIQUE.

Théorie analitique de la ligne droite et du plan
Par M. Bret, professeur de mathématiques à la faculté
des sciences de l’académie de Grenoble.
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Nous avons déjà employé dans ce recueil[1], pour exprimer analitiquement une droite dans l’espace, trois équations telles que

nous avons observé que étaient les coordonnées d’un point fixe, pris à volonté sur la droite ; que était la distance variable de ce point fixe à un point mobile de la même droite ; et qu’enfin étaient trois constantes, déterminant la direction de la droite dont il s’agit, et ne variant pas conséquemment lorsque cette droite se meut parallèlement à elle-même. Ces trois constantes doivent d’ailleurs être liées par une relation que nous avons donnée alors, mais que nous allons enseigner à déterminer directement.

Substituons d’abord à notre droite sa parallèle passant par l’origine, et dont les équations seront conséquemment

(r)

et supposons, pour un moment, que les coordonnées soient rectangulaires ; sera alors la diagonale du parallélipipède rectangle construit sur d’où il suit qu’on aura

c’est-à-dire, en substituant et divisant par

Soit ensuite une autre droite

rapportée aux mêmes axes ; nous aurons pareillement

et ensuite, par un théorème sur les triangles rectilignes,

ou, en substituant, ayant égard aux relations ci-dessus, réduisant, divisant par et transposant

Cela posé, concevons présentement que les équations (r) appartiennent à un système d’axes non rectangulaires. Par la même origine concevons un système rectangulaire ; soient les projections de sur les axes de ce système ; en sorte qu’on ait

soient de plus les projections obliques de sur les axes primitifs ; et soient enfin

sur les axes rectangulaires, ce qui donnera conséquemment

et en outre, par ce qui précède,

Présentement est diagonale commune de deux parallélépipèdes l’un rectangle ayant pour ses arêtes et l’autre obliquangle, qui a pour arêtes dont nous connaissons les projections sur celles du premier ; or, comme on peut aller d’une extrémité de à son autre extrémité en parcourant ces trois arêtes, il s’ensuit qu’on doit avoir

En prenant la somme des quarrés de ces équations, et ayant égard à toutes les relations ci-dessus, on aura

substituant enfin pour leurs valeurs données par l’équation (r) et divisant par on aura, pour la relation demandée,

(R)

Il est aisé de voir qu’en supposant

(I)

Soient

Les équations de deux droites passant par un même point. Si par ces deux droites on conçoit un plan, et que sur les grandeurs et directions de et on construise un parallélogramme, son sommet variable opposé au point de concours des deux droites sera donné par les trois équations.

Or comme, en variant les grandeurs et les signes de et ce sommet peut devenir un quelconque des points du plan où il est situé, et n’en peut jamais sortir ; il s’ensuit que ces équations sont celles de ce plan.

Dans le cas particulier où sont nuls, le plan passe par l’origine, et ses équations sont simplement

Ce plan passe alors par deux droites dont les équations sont

d’où il suit qu’on a, entre les six constantes qui déterminent la direction du plan les deux relations

(P)
(Q)

mais les trois dernières sont tout à fait indépendantes des trois premières.

On doit remarquer encore que, lorsqu’on a,

(II)

Cherchons l’angle de deux droites si l’on joint leurs extrémités par une droite on formera un triangle reetiligne, dans lequel on aura, par ce qui précède,

En substituant pour leurs valeurs ayant égard aux relations (R), (R′), réduisant et divisant par on aura

(1)

Si, au moyen des conditions (1), on fait successivement coïncider la droite avec chacun des axes, on aura

(2)

mais l’équation de relation (R) peut être écrite ainsi

elle pourra donc (2) être remplacée par celle-ci

(3)

Pareillement, on peut écrire ainsi la formule (1)

on pourra donc (2) lui substituer celle-ci

(4)

et il est clair qu’on pourrait écrire pareillement

(5)

En posant, pour abréger, {{t|

les équations (2) donnent

(6)

Si l’on substitue ces valeurs dans l’équation de relation (5), on obtiendra la suivante qui exprime la relation entre les six angles que forment deux à deux quatre droites dans l’espace ou, ce qui revient au même, entre les six distances deux à deux de quatre points quelconques d’une sphère,

(7)

Les mêmes valeurs substituées dans la formule (5) la change en celle-ci, qui fait connaître l’angle de deux droites en fonction des angles qu’elles forment avec trois autres droites ou, ce qui revient au même, la distance entre deux points d’une sphère en fonction des six distances de ces deux points à trois autres points, pris, arbitrairement sur cette sphère

(8)

Cherchons présentement l’angle d’une droite avec un plan et d’abord occupons-nous des conditions de leur perpendicularité. Pour que soit perpendiculaire à il est nécessaire et il suffit qu’elle le soit à la fois aux deux droites et ou, ce qui revient au même, que les cosinus des angles qu’elle forme avec ces deux droites soient nuls, ce qui donne (5)

(9)

Si l’on combine ces conditions avec la relation (R), en posant, pour abréger,

et ensuite

il viendra

(10)

Mais on a (2)

Substituant donc, et posant encore, pour abréger

il viendra

et de là on conclura

Ainsi, pourront être exprimés immédiatement, en fonction de et des angles que forment deux à deux les axes des coordonnées.

Cherchons présentement l’angle de la droite, avec le plan Pour l’obtenir, imaginons une autre droite perpendiculaire à ce plan ; nous aurons

c’est-à-dire (1)

Mais ici les valeurs de sont les mêmes que celles de dans, le cas précèdent ; on aura donc, en substituant,

ou, en mettant pour leurs valeurs

(11)

on pourra donc exprimer immédiatement en fonction de et des angles que forment deux à deux les axes des coordonnées.

Si, au moyen des conditions (I), on fait successivement coïncider avec les trois axes, on aura

(12)

Si, au moyen des conditions (II), on fait successivement coïncider avec les trois plans coordonnés, on aura

(13)

Si, enfin, par le concours des conditions (I) et (II) ; on fait successivement coïncider le plan avec chacun des plans coordonnés et la droite avec l’axe qui lui est opposé, il viendra, en chassant les dénominateurs,

(14)

ces dernières équations prouvent que, dans tout triangle sphérique, les produits des sinus des côtés par les sinus des arcs perpendiculaires, abaissés sur leur direction des sommets opposés, sont constans.

Si l’on compare à l’équation (11) la somme des produits des équations (12) par on aura

(15)

équation qu’on aurait pu, au surplus, déduire immédiatement de l’équation (5).

En observant que, d’après les valeurs de en on a

les équations (12) donneront encore

(16)

La comparaison des équations (13) et (14) donne

(17)

Si l’on substitue ces valeurs dans la relation (3), on arrivera à ce théorème

(18)

Si l’on substitue ces mêmes valeurs dans la formule (5), on aura

(19)

En les substituant enfin dans la formule (15) on obtient

(20)

Occupons-nous, en dernier lieu, de la recherche de l’angle de deux plans Le cosinus de cet angle n’est autre que le cosinus de deux droites qui seraient respectivement pendiculaires à ces deux plans. On aura donc, (1) et (10),

(21)

ou

(22)

et ont été déterminés précédemment, et on obtiendra en changeant dans les quantités en on aura d’ailleurs

On, trouvera, au surplus

En conséquence, la formule (22) deviendra

ou encore

Au moyen de cette dernière formule, il sera très-aisé d’exprimer immédiatement en fonction de et des angles que forment deux à deux les axes des coordonnées.

Si, au moyen des conditions (II), on fait successivement coïncider le plan avec les trois plans coordonnés, on trouvera


au moyen de quoi la formule (23) deviendra

(24)


ou encore

(25)


mais, en éliminant entre les formules (12) et (14), il vient


substituant ces valeurs dans la forme (25), elle deviendra

(26)
Si, au moyen des conditions (II), on fait successivement coïncider les deux plans avec deux plans coordonnés différens, on tirera des formules (23)

On reconnaît ici les équations fondamentales de la trigonométrie sphérique.

Il n’aura pas au surplus échappé au lecteur que toutes les formules que nous venons d’obtenir, et beaucoup d’autres que nous aurions pu en déduire, sont des formules de trigonométrie sphérique, auxquelles peut-être on parviendrait beaucoup moins facilement en employant les voies ordinaires.

  1. Voyez notamment la page 93 du IV.e volume.