Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 05/Arithmétique, article 2

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Solutions du problème d’arithmétique proposé à la
page 220 de ce volume
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ÉNONCÉ. Quels sont les nombres dont toutes les puissances ont, pour leurs derniers chiffres à droite, respectivement, les derniers chiffres à droite de ces nombres eux-mêmes ?

Première solution ;
Par M. Tédenat, correspondant de l’institut, recteur de
l’académie de Nismes.

I. Soient deux facteurs de chiffres au moins, et concevons qu’on les ait partagés, l’un et l’autre en deux tranches dont la dernière à droite ait chiffres. Soient alors respectivement les tranches de gauche et les tranches de droite, considérées les unes et les autres comme des nombres isolés, on aura ainsi

d’où on conclura

À cause du facteur qui affecte la première partie de ce produit, elle n’aura aucune influence sur ses derniers chiffres à droite, lesquels ne dépendront ainsi que de et c’est-à-dire que, pour que le produit de deux nombres ait à sa droite chiffres donnés, disposés dans un ordre donné, il est nécessaire et il suffit que la dernière tranche de chiffres de la droite du multiplicande, multipliée par la dernière tranche de chiffres de la droite du multiplicateur donne un produit qui ait ces mêmes chiffres à sa droite, disposés entre eux dans l’ordre assigné.

Il suit évidemment de là 1.o que, pour que toutes les puissances d’un nombre aient à leur droite les mêmes derniers chiffres, il est nécessaire et il suffit que les derniers chiffres de la droite de son quarré soient respectivement les mêmes que les chiffres qui le terminent lui-même ; 2.o que pour que les derniers chiffres de la droite du quarré d’un nombre soient respectivement les mêmes que les derniers chiffres de la droite de ce nombre, il est nécessaire et il suffit que le quarré de sa dernière tranche de chiffres à droite soit lui-même terminé par ces mêmes chiffres.

Voilà donc la question proposée réduite à celle-ci : Quels sont les nombres de chiffres qui terminent eux-mêmes leur quarré ? c’est sous ce point de vue que nous allons l’envisager.

II. Il suit, de ce qui vient d’être dit que tout nombre de chiffre qui termine lui-même son quarré doit avoir pour sa dernière tranche de chiffres à droite un nombre qui termine aussi lui-même son quarré, étant un nombre quelconque moindre que

Supposons que, le problème ayant déjà été résolu pour les nombres de chiffres, on veuille le résoudre pour les nombres de chiffres ; les nombres cherchés ne pourront être autres que les nombres déjà trouvés, augmentés d’un chiffre sur leur gauche ; et il s’agira d’assigner ce chiffre.

Soit l’un des nombres qui résolvent le problème pour le cas de chiffres, et soit la tranche de son quarré qui est à gauche de ses derniers chiffres, en sorte qu’on ait

Soit ensuite le chiffre qu’il faut écrire à la gauche de pour parvenir à un nombre correspondant de chiffres qui résolve le problème ; ce nombre sera ainsi

dont le quarré sera

ou, d’après la précédente valeur de

et il faudra que ce quarré soit terminé par c’est-à-dire, qu’il soit égal à ce nombre plus un multiple quelconque de Mais comme, excepté le cas où l’on aurait est toujours tout au moins égal à il s’ensuit qu’on peut n’avoir aucun égard à la partie de ce quarré, laquelle tombera toujours au delà du chiffre à gauche, et se contenter de poser

ce qui donne, en réduisant, transposant et divisant pas

équation que l’on pourra simplifier, dans chaque cas particulier, à raison de l’indétermination de en rejetant toutes les dixaines qui se trouveront, dans et

Nous voilà donc en état de résoudre le problème, pour une valeur quelconque de si nous savons le résoudre pour la valeur de immédiatement inférieure à celle-là. Nous pourrons donc le résoudre pour toutes les valeurs de si nous savons le résoudre pour la seule valeur

Or, pour trouver les solutions qui conviennent à ce cas particulier, il suffit de comparer tous les nombres d’un seul chiffre, y compris à leurs quarrés, ce qui donnera

Ce cas ainsi résolu, rien ne sera plus facile que de s’élever aux suivans.

Pour on aura

d’où on conclura

Pour on aura

d’où on conclura

Pour on aura

d’où on conclura

Pour on aura

d’où on conclura

On pourrait poursuivre ainsi indéfiniment ; mais il est aisé de voir

1.o Que la série de valeurs se poursuivra toujours indéfiniment suivant la même loi, sans qu’il soit besoin d’en faire le calcul.

2.o Qu’il en sera exactement de même pour la série de valeurs

3.o Que, pour la série de valeurs délivré de ses dixaines, sera toujours 9 ; en sorte que l’équation à résoudre sera mais, parce que et que peut être changé en on pourra à cette équation substituer la suivante

4.o Qu’enfin, pour la série de valeurs délivré de ses dixaines, sera toujours  ; en sorte que l’équation à résoudre sera simplement

On voit donc que, pour parvenir aux solutions, autres que et qui doivent répondre aux diverses valeurs de on n’aura à résoudre que la double équation

le signe supérieur ou le signe inférieur devant être pris, suivant qu’il s’agit de valeurs terminées par ou de valeurs terminées par et ayant une valeur propre à chacun de ces deux cas.

Or, comme, d’après ce qui précède, se réduit toujours à un nombre d’un seul chiffre, et comme doit aussi avoir un seul chiffre, il faudra faire, pour le signe supérieur, et, pour le signe inférieur ce qui donnera les deux formules

Si donc on se rappelle que délivré de ses dixaines, n’est autre chose que le me chiffre de droite à gauche du quarré de on verra que la première série de valeurs peut se calculer directement par cette règle fort simple : Quarrez le nombre d’un seul chiffre, en rejetant tous les chiffres de ce quarré au delà du second ; et vous aurez ainsi le nombre de deux chiffres. Quarrez celui-ci, en rejetant tous les chiffres de ce quarré au delà du troisième ; et vous aurez le nombre de trois chiffres. Poursuivez ainsi de la même manière, aussi loin que vous le désirerez. Voici le type du calcul :

Il n’y aurait pas grand changement à faire à cette règle, pour la rendre propre au calcul de la seconde série de valeurs ; il ne s’agirait en effet pour cela que de substituer au dernier chiffre admis sur la gauche de chaque produit son complément à  ; ainsi qu’on le voit ici

Mais il existe, entre les nombres des deux séries, une relation qui peut conduire plus rapidement au but, et qui est trop curieuse pour la passer sous silence. Remarquons, en effet que, d’après les résultats déjà obtenus, on

ce qui nous conduit à soupçonner que et étant deux de chiffres qui résolveat le problème, on pourrait bien avoir en général

(1)

Or, c’est une chose facile à vérifier. étant un nombre qui résout le problème, on doit avoir

(2)

or, en éliminant entre ces deux équations, il vient

ou, en posant

(3)

ce qui prouve que liée à par la relation (1), résout également le problème. Au moyen de cette remarque, on n’aura qu’une seule série de valeurs à calculer.

III. Au lieu de demander que les mêmes derniers chiffres se reproduisent à la droite de chaque puissance, on pourrait exiger seulement qu’ils se reproduisissent de deux en deux puissances, ou de trois en trois, de quatre en quatre, et généralement de en et d’abord les nombres que nous venons précédemment de trouver résoudraient le problème ; puisque toute suite de termes égaux peut être considérée comme une suite périodique dont les périodes ont tant et si peu de termes qu’on veut. Mais si l’on exigeait que les mêmes derniers chiffres reparussent en puissances et pas plutôt, le problème deviendrait possible ou impossible suivant la nature des nombres et ainsi qu’on va le voir.

Supposons, en premier lieu, que les mêmes derniers chiffres doivent se reproduire de deux en deux puissances ; la question se réduira évidemment à trouver un nombre de chiffres dont les chiffres soient respectivement les derniers chiffres de la droite de son cube.

Soit l’un des nombres de chiffres qui résolvent le problème ; soit la partie de son cube qui est à gauche de ses derniers chiffres ; considérée comme un nombre isolé ; on aura

Soit ensuite le chiffre qu’il faut écrire à la gauche de pour obtenir un nombre de chiffres qui résolve le problème ; ce nombre sera

dont le cube sera

Les deux premiers termes de ce cube n’ayant aucune influence sur ses derniers chiffres à droite, seront de nulle considération ; en les supprimant donc, et remettant pour sa valeur il faudra que le nombre résultant soit terminé par on aura donc

ce qui donnera, en réduisant, transposant et divisant par

équation, qu’à cause de l’indétermination de on pourra simplifier dans chaque cas particulier, en ne prenant que le seul chiffre des unités dans les deux nombres et

Il ne s’agit donc plus présentement que de connaître toutes les solutions pour la valeur  ; or, il suffit pour cela de comparer successivement tous les nombres d’un seul chiffre, y compris au dernier chiffre de leurs cubes ; ce qui donne sur-le-champ

On passera de là aux autres cas ainsi qu’il suit :

Pour on aura

d’où on conclura

Pour on aura

d’où on conclura

et ainsi de suite.

Ainsi, en nous bornant là, on voit que les seuls nombres dont les trois derniers chiffres se reproduisent perpétuellement à la droite de leurs puissances impaires, sont les nombres terminés par

Si l’on demandait que la même terminaison reparût seulement de trois en trois puissances, la question se réduirait à trouver un nombre de chiffres qui terminât lui-même sa quatrième puissance. En raisonnant comme nous l’avons fait ci-dessus, on trouverait facilement que, étant un des nombres qui résout le problème pour le cas de chiffres, et étant le chiffre de sa quatrième puissance ; si l’on désigne par le nombre d’un seul chiffre qu’il faut écrire à la gauche de pour obtenir un nombre de chiffres qui résolvent également le problème, on doit avoir l’équation

dans laquelle peut être réduit à ses seules unités.

La comparaison des nombres d’un seul chiffre à leur quatrième puissance donne, pour le cas de

On aurait ensuite, pour

d’où on conclurait

Ainsi, il n’y a que les seuls nombres terminés par dont les deux derniers chiffres se reproduisent périodiquement à la droite de leurs puissances de trois en trois.

En suivant le même raisonnement pour les cas subséquents, on trouvera facilement que, s’il faut que les mêmes derniers chiffres se reproduisent périodiquement de en puissances ; en désignant par un des nombres de chiffres qui résolvent le problème, par Le nombre d’un seul chiffre qu’il faut écrire à sa gauche pour obtenir un nombre de chiffres qui le résolve également ; et enfin par le chiffre de on doit avoir

et les applications à des cas particuliers se feront comme il a été enseigné ci-dessus.

IV. On pourrait compliquer encore la question, en demandant que les terminaisons des puissances ne soient pas immédiatement périodiques ; de manière que les terminaisons périodiques soient précédées d’un nombre donné de terminaisons qui leur soient étrangères ; comme on en voit un exemple dans les nombres terminés par dont les puissances successives ont pour terminaisons de manière que les périodes, qui ont deux termes, sont précédées du terme qui leur est étranger ; ce qui tient à ce que la fraction réduite à ses moindres termes est dont le dénominateur conserve un facteur commun avec la base Mais nous n’insisterons pas davantage sur ce sujet qui se rattache d’ailleurs à une théorie déjà développée dans les Annales d’une manière fort lumineuse[1].

Deuxième solution ;
Par M. J. F. Français, professeur à l’école impériale
de l’artillerie et du génie.

La question proposée revient évidemment à trouver un nombre de chiffres qui se reproduise lui-même à la droite de son quarré[2].

Or, indépendamment de zéros et de l’unité précédée de zéros, qui résolvent évidemment le problème, il peut encore être résolu par l’un ou l’autre de deux nombres et satisfaisant à la double condition

car on a, dans le premier cas,

et dans le second

d’où l’on voit qu’à cause du facteur qui affecte la première partie des valeurs de et ces deux quarrés seront respectivement terminés par et

Tout se séduit donc à résoudre les deux équations indéterminées.

Voici leurs solutions pour divers cas particuliers

Ainsi, tout nombre terminé par quelqu’une des valeurs de ou de aura toutes ses puissances terminées par cette même valeur.

Réflexions sur le même problème ;
Par M. Gergonne ;

I. La question proposée revient évidemment à la suivante : Trouver un nombre de chiffres qui, retranché de son quarré, donne un reste qui ait au moins zéros à sa droite ?

Soit le nombre cherché, et soit généralement la base du système de numération relativement auquel on se propose de résoudre le problème ; en désignant par un nombre entier indéterminé, l’équation de ce problème sera

ou

ne devant pas avoir plus de chiffres.

On satisfait d’abord généralement à cette équation, quel que soit en posant d’où

ou

Ainsi, dans tout système de numération, tout nombre terminé par zéros ou par l’unité précédée de zéros, a toutes ces puissances terminées aussi par zéros ou par l’unité précédée de zéros, respectivement ; ce qui est d’ailleurs évident. Nous ne nous occuperons donc plus à l’avenir de ces deux solutions.

Pour parvenir à la découverte des autres, remarquons d’abord que et à plus forte raison étant moindre que ne sauraient, ni l’un ni l’autre, être divisibles par ce diviseur ; et, comme d’ailleurs ces deux nombres et sont nécessairement premiers entre eux, ils ne sauraient être divisibles, respectivement, que par deux nombres aussi premiers entre eux.

Soit donc supposé

et étant deux facteurs premiers entre eux, différens de et de l’unité. étant le plus petit des nombres de chiffres ; il s’ensuit que et seront l’un et l’autre moindres que et en choisissant donc de manière que l’un des deux soit divisible par et l’autre par on remplira les conditions du problème, puisqu’on aura l’une ou l’autre des équations

dont les premiers membres sont entiers, par l’hypothèse, et qui ont pour second membre un nombre entier indéterminé.

Posant donc

l’élimination de donnera

ou

Ayant donc trouvé un système de valeurs de et satisfaisant l’une ou à l’autre de ces deux équations, on aura ensuite

ou

et le problème sera résolu.

On voit par là qu’outre les, solutions communes à tous les systèmes de numération déjà mentionnés, le problème admettra encore deux fois autant de solutions qu’il y aura de manières de décomposer en deux facteurs premiers entre eux, différens de lui-même et de l’unité.

Soit supposé

d’où

étant des nombres premiers inégaux, au nombre de Il est évident qu’il y aura, autant de manières de décomposer en deux facteurs premiers entre eux, dont aucun ne soit l’unité, qu’il y aurait de manières d’exécuter cette décomposition sur le simple produit

aussi de facteurs. Or, soit ce nombre de décompositions pour le produit de facteurs

en introduisant le facteur , on pourra introduire indifféremment, pour chaque décomposition, dans le premier ou dans le second facteur, ou bien encore le prendre à lui seul pour un facteur ; ce qui prouve qu’on doit avoir ce qui donne, en général,

mais, lorsque on a évidemment donc et par conséquent

le nombre des solutions, autres que les deux mentionnées ci-dessus sera donc

en y joignant donc ces deux-là, leur nombre total s’élèvera à indiquant combien la base a de sortes de facteurs premiers.

II. Lorsqu’on a trouvé un nombre dont les derniers chiffres à droite se reproduisent perpétuellement à la droite de toutes ses puissances, il est évident qu’à plus forte raison ses derniers chiffres à droite, étant moindres que se reproduiront aussi perpétuellement à la droite de toutes ses puissances. Les solutions du problème, pour la valeur donnent donc en même temps des solutions, pour la valeur moindre que puis donc que, par ce qui précède le nombre des solutions pour chaque valeur de est toujours le même et ne dépend que de il sera le même pour que pour et conséquemment les solutions pour la valeur donneront toutes les solutions pour la valeur

Ainsi, lorsqu’on voudra avoir les solutions pour plusieurs valeurs de au lieu de monter successivement de plus petites valeurs à la plus élevée, il sera incomparablement préférable d’attaquer directement le problème pour cette dernière ; puisque les solutions qu’on obtiendra renfermeront implicitement toutes les autres.

Appliquons ces généralités à notre système de numération ; et cherchons à résoudre le problème, dans ce système, pour les 20 premières valeurs de Pour cela nous poserons sur-le-champ Nous avons d’ailleurs d’où et nous n’aurons conséquemment que le seul système de valeurs

en sorte qu’il faudra résoudre successivement les deux équations indéterminées

ou du moins chercher les plus petits nombres qui y satisfont ; en posant ensuite

Or, on a

Si l’on cherche le plus grand commun diviseur entre ces deux nombres, les quotiens successifs seront

À l’aide de ces quotiens, sauf le dernier, on trouvera, pour la dernière fraction convergente vers

On conclura de là, par les théories connues[3], que le plus petit système de valeurs de et dans l’équation

est

que par conséquent, pour l’équation

ce plus petit système de valeurs est

On aura donc

On trouvera ainsi que tous les nombres et les seuls nombres dont un certain nombre des derniers chiffres à droite seront les mêmes dans l’un quelconque des quatre nombres

auront aussi les mêmes derniers chiffres à droite, en même nombre, à toutes leurs puissances.

On traiterait d’une manière analogue le cas où l’on exigerait seulement que les terminaisons des puissances successives fussent périodiques[4].

  1. Voyez un mémoire de M. Penjon, sur la Transformation des fractions dans le IV.e volume des Annales, page 262.
  2. Voyez la précédente solution.
    J. D. G.
  3. Voyez le 2.e volume de l’Algèbre d’Euler, ou la Théorie des nombres de M. Legendre.
  4. Le Rédacteur a reçu postérieurement de M. Durrande une autre solution du même problème, qui rentre pour le fond dans celles qui viennent d’être mentionnée.