Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 01/Géométrie analitique, article 7

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Solution du deuxième problème de la page 159 de
ce volume ;
Par un Abonné.
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Énoncé. Soient divisés les côtés d’un polygone rectiligne quelconque, chacun en m parties égales, étant  ; soient prises, sur les deux côtés de l’un des angles du polygone, à partir du sommet de cet angle, des divisions de ces côtés, étant  ; soient joints les deux points déterminés de cette manière par une droite, et soit fait la même opération sur tous les angles de ce polygone. Les droites déterminées de cette manière formeront, avec les portions de côtés du polygone primitif qu’elles intercepteront, un polygone d’un nombre de côtés double inscrit au premier.

Soit opéré sur ce nouveau polygone comme sur le polygone primitif, et demeurant toujours les mêmes ; on obtiendra ainsi un troisième polygone qui sera, à l’égard du second, ce que celui-ci est à l’égard du premier, et sur lequel on pourra encore opérer de la même manière ; de sorte qu’en poursuivant sans cesse le même procédé, on engendrera une suite de polygones, faisant tous partie les uns des autres et du polygone proposé, si celui-ci est convexe, et tels que le nombre des côtés de chacun sera double du nombre de ceux du précédent.

Tous les polygones ainsi formés seront évidemment circonscrits à une même courbe fermée, laquelle sera leur limite commune.

En supposant donc que le polygone primitif est donné, ainsi que les nombres et , on propose de déterminer la nature de cette courbe ?

Solution. Il n’est pas difficile d’apercevoir qu’en général la courbe cherchée ne saurait être une courbe continue ; mais qu’elle doit être formée d’autant de branches de courbes, tangentes les unes aux autres, à la manière des anses de paniers, qu’il y a d’angles dans le polygone proposé. Si, en effet, on conçoit que, sans changer la grandeur et l’inclinaison respective de deux côtés consécutifs de ce polygone, on altère d’ailleurs sa figure d’une manière quelconque, il n’y aura absolument rien de changé dans la portion de courbe inscrite à l’angle formé par ces deux côtés. Si donc le cours de la courbe pouvait être continu, il en résulterait que plusieurs courbes continues pourraient avoir une partie finie commune, ce qu’on sait être impossible.

Il n’est pas plus difficile d’apercevoir que les points de contacts de la courbe cherchée, tant avec les côtés du polygone primitif qu’avec les côtés des autres polygones dont elle est la limite commune, sont les milieux même de ces côtés.

D’après ces diverses observations, on voit qu’il suffira, pour notre but, de considérer ce qui se passe dans l’un des angles du polygone proposé.

Soit donc , l’angle dont il s’agit (fig.7) ; soit , le milieu de soit fait et soit mené dont soit le milieu ; soit porté de  ; soit fait , et soit mené dont  ; soit porté de  ; soit fait et soit mené dont soit le milieu ; en poursuivant continuellement le même procédé seront des côtés de polygones et leurs milieux , seront conséquernment des points de la courbe cherchée.

Cela posé, soit pris le point pour origine des coordonnées rectangulaires auxquelles, pour plus de symétrie, nous supposerons d’ailleurs une direction quelconque ; soient et les coordonnées de et et celles de .

D’après la manière dont on vient de voir que se construisent les points , on trouvera facilement pour leurs équations, savoir :



et en général

De même, d’après la manière dont a vu que se construisent les points , …, on trouvera facilement pour leurs équations, savoir :


et en général

D’après cela, on trouvera facilement pour les équations des milieux , de , savoir :

et en général

Telles sont donc les équations générales d’un point de la courbe cherchée, et desquelles on déduirait tant de points qu’on voudrait de cette courbe, en donnant successivement diverses valeurs à , si donc on élimine entre ces deux équations, l’équation résultante en et étant indifférente à toutes valeurs de , sera l’équation de la courbe cherchée.

Pour parvenir à cette équation, soient considérés, , dans les équations ci-dessus, comme deux inconnues distinctes, on en tirera

en prenant les logarithmes des deux membres de ces deux équations, elles deviendront

ce qui donnera, en multipliant en croix,

,

telle est l’équation de la courbe demandée.

Cette courbe est en général transcendante, mais elle peut devenir algébrique, dans des cas particuliers ; c’est ce qui arrive, par exemple, si  ; l’équation devient alors, en effet,

en divisant par , cette équation peut être écrite ainsi

 ;

ou, en passant aux nombres,

 ;

équation qui devient, toutes réductions faites,

et qui appartient, évidemment à une parabole. Si, dans ce cas particulier, on suppose, que l’angle est droit, ou qu’on a pris cet angle pour celui des coordonnées, on aura et l’équation prendra cette forme très-simple

.

Si l’on suppose de plus elle deviendra

.

L’équation se réduisant à dans le cas où il est nécessaire de traiter ce cas en particulier. Les équations des points , sont alors, savoir :



. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


On trouvera ensuite les équations des points , ainsi qu’il suit, savoir :



. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En conséquence, les équations des points , seront telles qu’il suit :



. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Il n’est donc plus question que d’éliminer entre ces deux dernières équations pour obtenir celle de la courbe.

Pour cela, traitons-y d’abord et comme deux inconnues distinctes, il viendra ainsi ;

De la première de ces deux expressions on déduira

 ;

la seconde donnera, en passant aux logarithmes,

 ;

multipliant, enfin, ces deux dernières équations en croix, il viendra, en transposant,

 ;

telle est alors l’équation de la courbe.

Voici une application de cette théorie. Soit et (fig. 8) deux branches d’une même route qu’on veut raccorder par une ligne courbe, tangente à l’une et à l’autre ; soit et les points indiqués comme points de contact de la courbe avec les deux branches de route ; soit pris et  ; si, ayant choisi arbitrairement deux nombres entiers et et considérant et comme deux côtés d’un polygone, on opère comme il a été prescrit dans l’énoncé du problème qui vient d’être résolu, on obtiendra tant de points qu’on voudra de la courbe cherchée. La figure est construite pour le cas où l’on a et

M. Puissant a indiqué un autre procédé pour la résolution du même problème[1] ; mais, outre que ce procédé n’est susceptible que d’une forme unique, la courbe de raccordement qu’il fournit fait nécessairement des jarets avec les deux branches de route ; ici, au contraire, elle leur est rigoureusement tangente ; et, en variant le rapport , on a la faculté de faire plus ou moins approcher cette courbe du sommet de l’angle ; ce qui peut être utile, en permettant de varier la construction suivant les accidens et les obstacles que le terrain peut présenter. Au surplus, en faisant on obtient, par une autre voie, la courbe de raccordement de M. Puissant, avec cette différence que les points déterminés sont des points d’une parabole tangente aux deux côtés de l’angle.

  1. Voyez Recueil de diverses propositions de géométrie, etc., 2.e, édition, page 174. Voyez aussi Traité de topographie, etc., page 261.