Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 01/Géométrie, article 8

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Démonstration du théorème énoncé à la page 232 de ce
volume, et de quelques autres propriétés du quadrilatère ;
Par MM. Rochat, De Stainville, Lhuilier, Vecten,
Tédenat, Legrand, Fauquier,
etc., etc.
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La vérité de ce théorème s’aperçoit sur-le-champ, en considérant que, si l’on imagine quatre masses égales situées aux quatre sommets d’un quadrilatère, les trois droites qui joindront les milieux des côtés opposés et des deux diagonales, devant également contenir le centre de gravité de tout le système, devront nécessairement se couper au même point. C’est par cette considération que les rédacteurs des Annales avaient été conduits à la proposition dont il s’agit ici, et elle prouve en même temps que le point d’intersection des trois droites est leur milieu commun ; on peut aussi parvenir à un semblable résultat, en considérant le quadrilatère comme la projection d’un tétraèdre[1].

On voit de plus, par là, que le théorème s’applique au quadrilatère gauche comme au quadrilatère plan ; on voit enfin qu’on pourrait lui donner une beaucoup plus grande généralité, en supposant appliquées aux quatre sommets des masses inégales de signes quelconques.

MM. de Stainville et Lhuilier sont parvenus à démontrer le théorème par des considérations à peu près semblables. M. de Stainville a supposé quatre forces égales et parallèles, de directions quelconques, appliquées aux quatre sommets du quadrilatère, et il a observé que le centre des forces parallèles se trouvant à la fois sur les milieux des droites qui joignent les milieux des côtés opposés et sur le milieu de celle qui joint les milieux des diagonales, ces trois milieux doivent nécessairement coïncider.

Quant à M. Lhuilier, sa démonstration ne diffère uniquement de celle de M. de Stainville que par les termes dans lesquels il l’exprime ; c’est-à-dire, qu’il substitue au centre des forces parallèles le centre des moyennes distances des sommets du quadrilatère. Il ajoute au surplus à sa démonstration cette remarque générale que, dans tout polygone d’un nombre pair de côtés, les centres des moyennes distances des côtés alternatifs et le centre des moyennes distances de tous les sommets coïncident. Il remarque encore qu’en général, toutes les manières de déterminer le centre des moyennes distances d’un système de points, compris dans un même plan ou situés d’une manière quelconque dans l’espace, doivent conduire à un seul et unique point, soit qu’on prenne les points du système deux à deux ou trois à trois ou quatre à quatre ou …, ou de plusieurs de ces manières combinées entre elles, en sorte cependant que ces points soient pris chacun une seule fois ou un même nombre de fois.

M. Tédenat, qui n’a pas jugé ce théorème indigne de son attention, en a donné une démonstration purement géométrique, dans laquelle il s’est exactement rencontré avec M. Vecten, professeur de mathématiques spéciales au lycée de Nismes ; M. de Stainville s’est aussi rencontré avec M. Legrand, professeur de mathématiques à St-Brieux, et M. Fauquier, élève du lycée de Nismes, dans une autre démonstration qui, en changeant les diagonales en côtés, et vice versa ; rentre dans celle de MM. Tédenat et Vecten.

Voici à quoi se réduisent, pour le fond, ces diverses démonstrations.

Soient (fig. 11, 12, 13) les quatre côtés consécutifs d’un quadrilatère, plan ou gauche, et soient leurs milieux respectifs. Soient de plus et les deux diagonales du quadrilatère ; soient leurs milieux ; soient joints ces milieux par une droite  ; et, sur cette droite, comme base commune, soient construits des triangles ayant leurs sommets en . Il est aisé de voir que ceux de ces triangles qui auront leurs sommets aux milieux de deux côtés opposés, auront leurs côtés adjacens à la base parallèles, chacun à chacun, comme parallèles à un même côté du quadrilatère ; ces triangles seront donc semblables, et de plus égaux, comme ayant base commune ; les figures et seront donc des parallélogrammes ayant pour diagonale commune ; les diagonales et [2] devront donc avoir leurs milieux sur et couper celle-ci à son milieu ; les trois droites auront donc leurs milieux au même point ; ce qui est le théorème proposé.

Un Abonné est parvenu à la démonstration du théorème, d’une manière fort simple, en considérant (fig. 14, 15, 16) que les milieux consécutifs , tant des côtés que des diagonales, sont les sommets des angles d’un hexagone de la nature des polygones appelés symétriques par quelques auteurs[3], c’est-à-dire, des polygones dont le nombre des côtés est pair, et les côtés opposés, égaux et parallèles. On sait en effet que, dans de tels polygones, les diagonales qui joignent les sommets des angles opposés, lesquelles, dans le cas présent, ne sont autres que les trois droites du théorème, ont toutes leurs milieux au même point.

Enfin M. Rochat, professeur de navigation à St-Brieux, en traitant la question par l’analise, et en considérant un quadrilatère complet, est parvenu à un théorème assez remarquable que nous allons faire connaître, et que nous démontrerons ensuite brièvement.

Rappelons-nous auparavant que tout quadrilatère complet, qui n’a point de côtés parallèles, ayant trois diagonales qui peuvent être prises deux à deux de trois manières différentes, il s’ensuit qu’un tel quadrilatère est toujours formé de trois quadrilatères simples.

Ainsi, par exemple, dans le quadrilatère complet de la figure 17, on trouve les quadrilatères simples

dont les diagonales sont
dont les diagonales sont
dont les diagonales sont

Cela posé, en appelant centre d’un quadrilatère simple, le centre des moyennes distances de ses sommets, voici le théorème de M. Rochat.

THÉORÈME. Dans tout quadrilatère complet,

1.o Les milieux des diagonales sont tous trois sur une même ligne droite.

2.o La droite qui contient les milieux des diagonales contient aussi les centres des trois quadrilatères simples, en sorte que ces six points sont sur une même ligne droite.

3.o Enfin, la distance entre les milieux de deux quelconques des diagonales est double de la distance entre les centres des deux quadrilatères simples auxquels ces diagonales appartiennent.

Démonstration. Soient faits (fig. 17)

Soient les milieux respectifs des diagonales par les deux points soit menée une droite coupant en .

Soient pris le point poux origine des coordonnées, la droite pour axe des et la droite pour axe des .

L’équation de est
L’équation de est

les équations du point sont donc.

On a ainsi

pour l’équation de

Les équations de sont
Les équations de sont

on a donc

pour l’équation de

Combinée avec celle de , elle donne pour les équations de

les coordonnées de sont donc respectivement moitiés de celles de le point est donc le milieu de  ; ainsi 1.o les milieux des trois diagonales sont sur une même ligne droite.

Soient les milieux respectifs des trois distances  ; ces points seront, d’après ce qui a été dit précédemment, les centres des trois quadrilatères simples ; donc 2.o ces trois centres sont en ligne droite avec les milieux des trois diagonales.

On a

Donc 3.o la distance entre les milieux de deux quelconques des diagonales est double de la distance entre les centres des quadrilatères simples auxquels la troisième diagonale est commune.

Dès que M. Vecten a eu connaissance du théorème de M. Rochat, il en a démontré la première partie comme il suit :

Soient (fig. 18) les trois diagonales d’un quadrilatère complet, et leurs milieux respectifs. Soient joints ces milieux par les droites Par les points soient menées à des parallèles se terminant à en soit enfin menée à , par , une parallèle se terminant à en et coupant en .

Cela posé, on a, à cause des parallèles,

donc

ou encore

or on a

ou encore

donc

Multipliant les proportions par les proportions , en supprimant les facteurs communs aux antécédens, il viendra

d’où on conclura, à cause du rapport commun,

ou simplement

ce qui démontre que les trois points sont sur une même ligne droite.

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  1. Voyez, sur cela, la Correspondance sur l’école polytechnique, 2.e vol. n.o 11, pg. 96.
  2. On n’a point mené ces diagonales, dans la crainte de rendre les figures trop confuses.
  3. Voyez les Élémens de Lacaille, éditions de Marie.