Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 01/Géométrie, article 5

QUESTIONS RÉSOLUES.

Solution du premier des deux problèmes énoncés à la
page 159 de ce volume ;
Par M. Lhuilier, Professeur de mathématiques à l’académie
impériale de Genève.
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Énoncé. Partager, par les élémens, un cercle donné, en un nombre proposé quelconque de parties, égales entre elles, tant en surface qu’en contour ?

Solution. Le nombre des polygones réguliers qu’on peut inscrire au cercle, par la géométrie élémentaire, est très-limité (malgré la belle découverte de Gauss) ; donc aussi le nombre des manières de partager un cercle en secteurs égaux entre eux est fort borné, du moins tant qu’on ne voudra employer que les voies élémentaires, c’est-à-dire, la règle et le compas.

Que le rayon d’un cercle soit coupé en parties inégales entre elles, de manière que les quarrés des distances des points de division au centre croissent comme les nombres naturels. Soient ensuite décrits des cercles, concentriques au cercle donné, dont les rayons soient les distances de son centre aux points de division ; les couronnes circulaires terminées par deux circonférences voisines seront toutes égales en surface, mais elles ne le seront pas en contour.

Comme la surface d’un segment de cercle est la moitié du rectangle du rayon par l’excès de l’arc sur son sinus, la section d’un cercle en parties égales en surface, par des chordes parallèles entre elles, est un problème transcendant dont on ne peut obtenir la solution que par des voies de tâtonnement et d’approximation. Il est aisé de voir d’ailleurs que les parties d’un cercle ainsi divisé ne sauraient être égales en contour.

Il en irait absolument de même si l’on voulait diviser le cercle en parties égales par des chordes partant du même point de sa circonférence, ou par des droites partant d’un point intérieur autre que son centre.

La solution élémentaire du problème proposé paraît donc ne pouvoir reposer que sur les seules considérations suivantes :

1.o Les circonférences des cercles (et partant aussi leurs demi-circonférences) croissent comme leurs rayons. Si donc les rayons d’une suite de cercles suivent une progression arithmétique, leurs demi-circonférences suivront aussi une progression arithmétique, et conséquemment la somme de deux demi-circonférences, également distantes des extrêmes, sera une quantité constante et égale à la somme des demi-circonférences extrêmes.

2.o Les surfaces des cercles (et partant aussi celles des demi-cercles) croissent comme les quarrés de leurs rayons. Si donc les rayons d’une suite de cercles croissent comme les nombres naturels, les différences consécutives des aires de ces cercles (et partant aussi celles des aires des moitiés de ces cercles) suivront la progression arithmétique des nombres impairs. Ainsi les sommes des différences également distantes du plus petit demi-cercle et de la différence des deux plus grands, seront une quantité constante et égale à cette différence des deux plus grands demi-cercles, augmentée du plus petit.

Ces principes établis, la construction du problème proposé se réduit à ce qui suit :

Construction. Soit mené un diamètre du cercle donné, et soit divisé ce diamètre en autant de parties égales qu’on veut obtenir de portions de cercles égales à la fois en surface et en contour. Sur les distances des points de division à l’une des extrémités du diamètre, prises elles-mêmes pour diamètres, soient décris des demi-cercles, tous situés d’un même côté du diamètre divisé.

Soit fait la même opération de l’autre côté de ce diamètre, mais à partir de son autre extrémité, c’est-à-dire en sens inverse.

Il est d’abord clair que le cercle donné se trouvera partagé en autant de parties qu’on aura fait de divisions dans son diamètre, c’est-à-dire, en autant de parties qu’on s’était proposé d’en faire. De plus ; chacune des deux courbes qui termineront chaque partie, se trouvant être la somme de deux demi-circonférences également distantes des extrêmes, sera égale à la demi-circonférence du cercle donné, d’où il suit que le contour total de chaque partie sera égal à la circonférence même de ce cercle.

Enfin, chaque partie du cercle divisé étant la somme de deux différences de demi-cercles également distans des extrêmes, toutes ces parties seront égales en surface, ainsi qu’il était demandé.

L’inspection de la figure 6 où le cercle se trouve divisé, par ce procédé, en sept parties, égales à la fois en surface et en contour ; mettra cette construction dans tout son jour.

Le même procédé s’applique à la division d’un polygone régulier d’un nombre de côtés pair, à celle de l’ellipse et, en général, de toute courbe fermée et convexe, symétrique par rapport à une droite.

Il peut aussi être appliqué à la division du cercle en parties dont les surfaces soient entre elles dans des rapports donnés ; mais les contours de ces parties ne seront plus alors dans le rapport de leurs surfaces.