Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 01/Géométrie, article 16

Mon dessein n’étant pas ici de discuter les diverses circonstances qui peuvent modifier la solution des problèmes que je me propose d’enseigner à construire, et même les rendre impossibles, je supposerai constamment, dans tout ce qui va suivre, que les données sont choisies de manière à ce que ces problèmes puissent être résolus, et puissent fournir toutes les solutions que leur nature comporte. Au surplus, les constructions que je vais indiquer étant fort simples, il sera facile, pour tout lecteur intelligent, de suppléer à ce que, dans la vue d’abréger, j’aurai volontairement omis.

Séparateur
Solutions purement géométriques des problèmes de
minimis proposés aux pages 196, 232 et 292 de ce
volume, et de divers autres problèmes analogues ;
Par un Abonné.
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J’avertis, une fois pour toute, que tous les points, droites et cercles dont il va être question, sont constamment supposés appartenir à un même plan.

Pour parvenir plus facilement à mon but, je vais d’abord rappeler et démontrer brièvement deux propositions connues.

1. LEMME I. Le point d’une droite donnée dont la somme des distances à deux points donnés, d’un même côté de cette droite, est la plus petite, est celui duquel menant des droites aux deux points donnés, ces droites font, de différens côtés, des angles égaux avec la droite donnée.

Démonstration. Soient (fig. 9) la droite et les deux points donnés ; soit le point de dont la somme des distances aux deux points donnés soit la plus petite. Soit abaissée sur , de l’un quelconque, des points donnés, une perpendiculaire  ; soit prolongée cette perpendiculaire au-de là de d’une quantité .

Comme, par la construction, , il s’ensuit que  ; la première de ces deux sommes ne peut donc être un minimum, comme on le suppose, sans que la dernière le soit aussi ; ce qui exige que le point soit en ligne droite avec les points et  ; or de là résulte l’égalité des angles et , et par suite celle des angles et .

2. Remarque. Il est aisé de voir que, quelle que soit la situation des points , d’un même côté de la droite indéfinie, , il y aura toujours, sur cette droite, un point qui jouira de la propriété qui vient d’être exposée.

3. LEMME II. Si, sur une circonférence donnée, il y a un point duquel menant des droites à deux points donnés hors de cette circonférence, ces droites, sans couper le cercle, fassent des angles égaux avec le rayon mené au même point ; ce point sera celui de la circonférence dont la somme des distances aux deux points donnés sera la plus petite.

Démonstration. Soient (fig. 10) la circonférence donnée, et , les deux points donnés ; soit le point de cette circonférence par lequel menant , et la tangente , on ait . Soit joint un autre point de la circonférence aux points , par les droites  ; soit le point où l’une quelconque de ces droites est coupée par la tangente  ; et soit menée . Comme, par l’hypothèse et la construction, les angles et sont égaux, on doit avoir

4. Remarque. Il est aisé de voir que l’existence du point est subordonnée à la condition que, parmi toutes les tangentes au cercle, il y en ait qui soient comprises entre la circonférence et les points  ; condition qui revient à celle-ci, qu’il y ait des points sur la circonférence que l’on puisse, sans couper le cercle, joindre par des droites aux points .

5. PROBLÈME I. Déterminer un point dont la somme des distances à trois points donnés soit la moindre possible.

Analise. Soient (fig. 11) , les trois points donnés, et le point cherché. De l’un quelconque des points donnés, pris pour centre, et avec sa distance au point pour rayon, soit décrit l’arc .

Si l’on connaissait déjà la distance , la question serait réduite à déterminer sur l’arc , un point dont la somme des distances aux points , fût la moindre possible ; ce qui exigerait (3) que les angles , fussent égaux.

Chacune des droites doit donc faire avec les deux autres des angles égaux[1] ; les trois angles autour du point doivent donc être égaux entre eux et à quatre tiers d’angle droit ; ce qui donne lieu à la construction suivante :

Construction. Sur la distance entre deux quelconques , des points donnés, prise pour corde, (fig. 12) soit décrit, du côté du troisième , un arc , capable de [2] ; en joignant ce troisième point au milieu du reste de la circonférence, par une droite  ; l’intersection de cette droite avec l’arc sera le point cherché.

6. PROBLÈME II. Déterminer un point dont la somme des distances à deux points et à une droite donnés soit la moindre possible[3] ?

Analise. Soient (fig. 13) , les deux points et la droite donnés ; soit le point cherché ; soient joints , et soit abaissée sur la perpendiculaire .

Si les angles formés autour du point , par les droites menées de ce point aux trois points , n’étaient pas égaux, il pourrait y avoir (5) un autre point pour lequel cette condition serait satisfaite, et alors, en abaissant de ce point une perpendiculaire sur , on aurait

contrairement à l’hypothèse. On déterminera donc le point par la construction suivante :

Construction. Sur la distance entre les deux points , prise pour corde (fig. 14) soit décrit, du côté de , un arc capable de  ; l’intersection de cet arc avec la perpendiculaire abaissée sur du milieu du reste de la circonférence, sera le point cherché.

7. PROBLÈME III. Déterminer un point dont la somme des distances à un point et à deux droites donnés soit la moindre possible[4] ?

Analise et construction. Soient (fig. 15) , les deux droites et le point donné ; soit le point cherché ; soit joint et soient abaissées sur et les perpendiculaires et .

Par un raisonnement analogue à celui qui a été employé dans le problème précédent, il est facile de se convaincre que la somme des droites , ne peut être un minimum à moins que les angles formés par ces droites, autour du point , ne soient égaux entre eux et à quatre tiers d’angle droit.

Or, comme l’angle se trouve déterminé à être le supplément de l’angle , il s’ensuit que le problème sera impossible, si cet angle n’est pas de .

Si au contraire l’angle se trouve être de , le problème demeurera indéterminé, et on pourra prendre pour l’un quelconque des points de la parallèle conduite par à la droite qui divise l’angle en deux parties égales.

8. PROBLÈME IV. Déterminer un point dont la somme des distances à trois droites données soit la moindre possible ?

Analise et construction. Soient (fig. 16) , les droites données ; le point cherché, et les perpendiculaires abaissées de ce point sur ces trois droites.

On prouvera encore facilement ici, comme ci-dessus, que, pour que la somme de ces perpendiculaires soit un minimum, il faut que les angles qu’elles forment autour du point soient égaux entre eux et à quatre tiers d’angle droit.

Or, comme ces angles sont déterminés à être respectivement les supplémens des angles  ; il s’ensuit que si ces derniers ne sont pas tous de  ; c’est-à-dire, en d’autres termes, que si le triangle n’est point équilatéral, le problème ne pourra être résolu.

Si au contraire le triangle est équilatéral, le problème demeurera indéterminé, de manière que tous les points du plan de ce triangle pourront être pris pour le point cherché.

De là résulte ce théorème connu : la somme des perpendiculaires abaissées sur les directions des côtés d’un triangle équilatéral, d’un point quelconque de son plan, est une quantité constante et égale à la hauteur du triangle.

9. PROBLÈME V. Déterminer un point dont la somme des distances à deux points et à une circonférence donnés soit la moindre possible[5] ?

Solution. La somme des distances d’un point à deux points donnés et à la circonférence d’un cercle donné ne différant de la somme des distances du même point aux deux mêmes points et au centre du cercle, que par le rayon de ce cercle qui est une quantité constante ; l’une de ces sommes ne peut être un minimum à moins que l’autre n’en soit un aussi. On construira donc ce problème comme le Problème I, en substituant au troisième point donné le centre du cercle donné.

10. PROBLÈME VI. Déterminer un point dont la somme des distances à un point, à une droite et à une circonférence donnés soit la moindre possible[6] ?

Solution. Pour des raisons semblables à celles qui viennent d’être développées ci-dessus, on construira ce problème comme le Problème II, en substituant à l’un des deux points donnés le centre du cercle donné,

11. PROBLÈME VII. Déterminer un point dont la somme des distances à deux droites et à une circonférence données soit la moindre possible ?

Solution. Il est aisé de voir que ce problème présente des circonstances analogues à celles qu’offre le Problème III ; c’est-à-dire que, si l’angle des droites données n’est pas de , le problème sera impossible ; et que, dans le cas contraire, on pourra prendre pour le point cherché l’un quelconque des points de la parallèle menée, par le centre du cercle donné, à la droite qui divise en deux parties égales l’angle des droites données.

12. PROBLÈME VIII. Déterminer un point dont la somme des distances à un point et à deux circonférences donnés soit la moindre possible[7] ?

Solution. On construira ce problème comme le Problème I, en substituant à deux des points donnés les centres des deux cercles donnés.

13. PROBLÈME IX. Déterminer un point dont la somme des distances à une droite et à deux circonférences données soit la moindre possible ?

Solution. On construira ce problème comme le Problème II, en substituant aux deux points donnés les centres des deux cercles donnés.

14. PROBLÈME X Déterminer un point dont la somme des distances à trois circonférences données soit la moindre possible ?

Solution. On construira ce problème comme le Problème I, en substituant aux trois points donnés les centres des trois cercles donnés.

15. PROBLÈME XI. Lier des points donnés, en nombre quelconque, par un système de droites dont la longueur totale soit la moindre possible[8] ?

Analise. 1.o On ne doit pas supposer qu’à chacun des points donnés il aboutisse plusieurs des droites cherchées ; car supposons seulement que, étant un de ces points, (fig. 17) deux , des droites cherchées viennent s’y terminer ; on pourrait, en général (5), remplacer le système de ces deux droites par le système des trois droites , d’une longueur totale moindre ; en sorte que et ne rempliraient pas les conditions du problème. À la vérité, il peut bien arriver, dans des cas particuliers, que doive être nulle ; mais c’est à la construction du problème qu’il appartient d’indiquer cette circonstance.

2.o On peut remarquer, en second lieu, que, s’il y a des points de concours des droites cherchées, autres que les points donnés (et il ne peut manquer d’y en avoir de tels, d’après ce qui précède), ces droites ne sauraient s’y réunir en moindre nombre que trois. Si, en effet, en un même point , (fig. 18) autre que les points donnés, il ne venait aboutir que deux seulement , des droites cherchées ; au lieu de lier les points , par ces deux droites, on pourrait les lier par la droite unique et plus courte , en sorte que les droites , ne satisferaient pas aux conditions du problème.

3.o On ne doit pas supposer non plus que celles des droites cherchées qui concourent en un même point autre que les points donnés, s’y réunissent au nombre de plus de trois ; car, si l’on supposait seulement quatre de ces droites (fig. 19) concourant en un même point , il serait possible (5), du moins en général, de remplacer le système de deux de ces droites , par exemple, par les trois droites , d’une longueur totale moindre ; de manière que et ne rempliraient pas les conditions du problème. À la vérité la situation respective des points , peut bien, comme ci-dessus, dans des cas particuliers, en rendant nulle, faire coïncider le point avec le point  ; mais c’est encore ici à la construction du problème qu’il appartient uniquement d’indiquer cette circonstance.

4.o Enfin il est aisé de voir que les droites cherchées, concourant trois à trois en un même point, doivent former autour de ce point des angles égaux entre eux et à quatre tiers d’angle droit ; car soit (fig, 20) le point de concours des trois droites  ; si les angles formés par ces droites, autour de ce point, n’étaient pas égaux, en remplaçant le point (5) par un point qui satisfit à cette condition, on substituerait aux trois droites , les trois droites , d’une longueur totale moindre, en sorte que les premières ne rempliraient pas les conditions du problème.

On voit donc que étant les points donnés, les droites cherchées ne peuvent que former une sorte de rameau de la nature de ceux que représentent les figures 21, 22, 23, 24, 25, de manière que les points de concours des droites trois à trois est, en général, moindre de deux unités que le nombre des points donnés, et que les angles fermés par ces droites autour de ces points sont tous égaux entre eux et à quatre tiers d’angles droits. Il n’est donc plus question maintenant que d’enseigner à construire le problème.

Construction. On sait déjà résoudre le problème pour deux points donnés, puisqu’alors il n’y a d’autre droite à construire que celle qui joint ces deux points ; on sait même le résoudre pour trois points donnés (5) ; si donc on parvient à ramener sa solution, pour le cas où les points donnés sont au nombre de , à celle qui convient au cas où ces points seraient seulement au nombre de on saura le résoudre généralement ; or c’est ce à quoi on peut parvenir très simplement, en procédant comme il suit :

Soient pris arbitrairement (fig. 26) deux , des points donnés, de manière pourtant qu’en les joignant par une droite indéfinie cette droite laisse d’un même côté les points restans. Sur la distance comme corde soit décrit, du côté des autres points donnés, un arc , capable de  ; soit le milieu du reste de la circonférence, et soit substitué ce point aux deux points  ; on n’aura plus alors que points. Soit résolu le problème relativement à ces points, et soit alors celle des droites cherchées qui vient se terminer au point  ; en menant , et substituant ces deux cordes à la partie de interceptée dans le cercle, le problème se trouvera résolu pour les points donnés. On peut remarquer au surplus que, les droites du système ne pouvant avoir que trois directions distinctes, il s’ensuit que, trois d’entre elles étant déterminées, toutes les autres se déterminent en menant des parallèles à ces trois-là.

16. Remarque I. Ce que cette construction laisse d’arbitraire dans le choix des points à employer successivement, fait que, passé le cas de trois points donnés, le problème admet plusieurs solutions, et que, lorsque ces points sont au nombre de plus de cinq, il peut être résolu par des systèmes de droites essentiellement différens. Ces systèmes sont au nombre de trois pour six points donnés (fig. 23, 24, 25) ; on en trouve quatre pour sept points ; huit points en fournissent treize ; et ainsi de suite. Quant au nombre des solutions, ce sera, en général, un pour trois points, deux pour quatre, cinq pour cinq, quatorze pour six, quarante-deux pour sept, cent trente-deux pour huit, et ainsi de suite.

17. Remarque II. Si, pour un nombre quelconque de points donnés, on suppose que les droites qui résolvent le problème sont des cordons réunis trois à trois en des nœuds et si, aux points on applique des puissances égales quelconques, dirigées suivant les prolongemens des cordons qui se terminent en ces points ; il est évident que ces puissances formeront un système en équilibre.

  1. On peut encore parvenir à cette conclusion comme il suit : supposons que l’on connaisse déjà la somme des distances du point aux points et  ; ce point devra être un de ceux du périmètre d’une ellipse avant et , pour ses foyers et pour son grand axe, il ne s’agira plus conséquemment que de prendre pour le point le point de ce périmètre le plus voisin de  ; devra donc être une normale à l’ellipse et devra conséquemment faire des angles égaux avec les rayons vecteurs et .
  2. On doit remarquer que l’arc capable de est très-facile à construire de plusieurs manières différentes.
  3. C’est le premier des deux problèmes proposés à la page 292.
  4. C’est le premier des deux problèmes proposés à la page 232.
  5. Ceci répond, pour un cas particulier, à la 1.re note de la page 292.
  6. Ceci répond, pour un cas particulier, à la note de la page 232.
  7. Ceci répond, pour un cas particulier, à la note de la page 232.
  8. C’est le dernier des deux problèmes proposés à la page 292