Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 01/Géométrie, article 13

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Solution du dernier des deux problèmes proposés à la
page 196 de ce volume ;
Par les Rédacteurs des Annales.
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Il y a plus de dix ans que ce difficile problème s’est offert, pour la première fois, aux rédacteurs de ce recueil ; mais, bien qu’ils l’aient attaqué un grand nombre de fois, ils n’ont pu, pendant long-temps, parvenir à le résoudre, ni même à s’assurer s’il était résoluble par la ligne droite et le cercle. Aussi n’auraient-ils pas songé à le proposer dans les Annales, s’ils n’y avaient été invités par un de leurs abonnés.

Ils avaient lieu de penser que le géomètre qui les avait sollicité à appeler sur ce problème l’attention de leurs lecteurs, se chargerait lui-même de le résoudre, au cas qu’il n’en vînt aucune solution d’autre part ; mais ayant long-temps et vainement attendu, ils ont cru devoir faire encore de nouvelles tentatives ; et, plus heureux cette fois que les précédentes ; ils sont parvenus, sinon à trouver une construction du problème, du moins à l’abaisser au premier degré, et à réduire sa résolution arithmétique à un calcul assez simple. Voici par quels moyens ils sont parvenus à leur but.

PROBLÈME. À un triangle donné quelconque inscrire trois cercles de manière que chacun d’eux touche les deux autres et deux côtés du triangle ?

Solution. Soient désignés par (fig. 7) les sommets du triangle donné ; par les côtés respectivement opposés ; par les centres respectifs de ceux des cercles cherchés qui ne doivent pas toucher ces côtés ; par les rayons respectifs de ces cercles, et soient adoptées les abréviations suivantes :

alors sera le rayon du cercle inscrit ; seront les distances respectives de son centre aux points et seront

les distances respectives des mêmes points aux points de contact de ce cercle avec les côtés du triangle ou, ce qui revient au même, les rayons des cercles qui, ayant pour centres les points se

toucheraient deux à deux. On déduira d’ailleurs facilement des équations ci-dessus les relations suivantes :

Cela posé : soient abaissées de et sur les perpendiculaires soit joint , et, par soit menée à une parallèle se terminant en à le triangle rectangle en donne

mais on a

substituant donc, il viendra

chassant les dénominateurs, transposant et formant les équations analogues, il viendra enfin

ce sont là les équations du problème.

Si l’on pose
ces trois équations deviendront

la dernière donne

substituant cette valeur dans les deux premières, et chassant les dénominateurs, elles deviendront

il n’est donc plus question que de tirer de ces deux équations les valeurs de pour les substituer dans celle de .

Si on multiplie l’équation par , et l’équation par en les développant toutes deux, mettant pour sa valeur et remarquant qu’on a

elles deviendront

et pourront alors être mises sous cette forme

En combinant, de toutes les manières possibles, un facteur de la première avec un facteur de la seconde, on obtiendra quatre solutions du problème. On peut remarquer, au surplus, que la différence entre les premiers et les seconds facteurs porte uniquement sur les signes de et .

Si l’on demande que les cercles cherchés se touchent extérieurement et soient tous trois intérieurs au triangle donné, on pourra lever certitude sur le choix des facteurs, par la considération d’un cas particulier extrêmement simple : c’est celui où les angles sont tous deux droits ; on a alors et en conséquence, les deux équations deviennent également

et comme, dans ce cas, on doit avoir évidemment il en résulte que ce sont alors les seconds facteurs qu’il faut prendre.

Rejetant donc les premiers facteurs, on aura, pour déterminer les deux équations

lesquelles donnent

de là, en se rappelant qu’on a

on conclura

substituant enfin dans la valeur trouvée précédemment pour , il viendra

Les rédacteurs des Annales en étaient parvenus à ce point, et ils ne pensaient pas que cette dernière formule fût susceptible de beaucoup de réduction, lorsqu’ils reçurent de M. Bidone, professeur à l’académie de Turin, la lettre suivante :

Turin, le 12 mars 1811.

Messieurs,

Par la note que vous avez placée au bas de la table sommaire du n.o IX de votre précieux recueil, on voit que vous n’aviez reçu, jusqu’alors, aucune solution du dernier des deux problèmes proposés dans le n.o VI. Je prends la liberté, Messieurs, de vous annoncer que ce problème a été résolu par M. Malfatti, géomètre italien très-distingué. Sa solution est imprimée dans la I.re partie du tome X des Mémoires de la société italienne des sciences, publié en 1803. Cependant, comme il est très-utile de rendre familières de semblables questions, et de connaître les procédés les plus simples, parmi ceux qui sont propres à les résoudre, je me permets de joindre ici la construction de M. Malfatti, afin que vous puissiez la comparer avec celles qui vous parviendront. Ce géomètre l’a déduite de formules qui paraissent assez simples, eu égard à la nature du problème. Je les supprime ici pour ne pas dépasser les bornes d’une lettre.

Je saisis avec empressement, Messieurs, l’occasion favorable que m’offre cette circonstance, pour vous renouveler, etc.

Voici à quoi se réduit la construction de M. Malfatti :

Soit (fig. 8) le triangle donné ; soit le centre du cercle inscrit et soient menées dont la première coupe le cercle inscrit en  ; et soient les points de contact de ce cercle avec .

Cela posé, soit prolongé indéfiniment au de-la de  ; soit portée sur son prolongement ou de en et de en  ; de soient retranchées et soit élevée à , par son milieu, une perpendiculaire coupant en et en  ; alors sera le centre de celui des trois cercles cherchés qui doit être inscrit à l’angle , et en sera le rayon. On déterminera ensuite les deux autres cercles par des constructions semblables.

L’extrême simplicité de cette construction, contraste d’une manière frappante avec la complication du problème, et montre toute l’influence que peut exercer le choix des données. Elle donne pour le rayon,

l’expression suivante :

Cette expression est nécessairement équivalente à celle qui a été donnée plus haut, et cependant il ne parait pas facile de ramener l’une à l’autre. La difficulté tient à ce que, parmi le grand nombre des relations qui existent entre les données, on n’aperçoit pas facilement quelles sont celles qui peuvent le mieux opérer la transformation.

Le problème pourrait être énoncé de cette manière générale : Trois droites indéfinies étant tracées sur un même plan, décrire sur ce plan trois cercles de manière que chacun d’eux touche les deux autres et deux des droites données ; considéré sous ce point de vue, il peut admettre jusqu’à 32 solutions.

Pour s’en convaincre, on peut remarquer que ce problème n’est qu’un renversement de celui-ci : Trois cercles se touchant deux à deux sur un plan, décrire sur ce plan trois droites telles que chacune d’elles touche deux des cercles donnés ; et il n’est pas difficile de voir que le premier problème doit admettre autant de cas que celui-ci.

Or, lorsque trois cercles se touchent deux à deux, ou ils se touchent tous extérieurement (fig. 9), ou bien, deux d’entre eux se touchant extérieurement, le troisième les enveloppe tous deux (fig. 10), ou enfin, deux d’entre eux se touchant extérieurement, le troisième touche l’un d’eux extérieurement et enveloppe l’autre (fig. 11). Nous ne parlons pas du cas ou (fig. 12) le cercle moyen, enveloppant le plus petit, serait lui-même enveloppé par le plus grand, attendu qu’alors les tangentes communes aux cercles pris deux à deux, se confondraient en une droite unique.

Observons encore que, pour deux cercles qui se touchent extérieurement (fig. 13), il existe trois tangentes communes, tandis qu’il n’en existe qu’une seule (fig. 14) lorsque l’un des cercles est intérieur à l’autre.

D’après ces diverses observations, il est aisé de voir que, pour la figure 9, il peut exister 27 systèmes distincts de trois droites touchant les cercles deux à deux ; qu’il en existe, pour la figure 10 ; et qu’enfin il en existe 2 seulement pour la figure 11, ce qui fait en tout ou 32, comme nous l’avions annoncé.